Buenos días a todos. Gracias, Marcela. Merci beaucoup. Et je tiens à vous remercier également des efforts remarquables que vous déployez pour essayer de renforcer la transparence, de renforcer la responsabilisation.
Et à tous ceux qui sont ici, merci, merci, merci d’être là ce matin. Je veux remercier notre hôte très accueillant, l’université San Francisco de Quito. Quel endroit spectaculaire, spectaculaire. Merci. (Applaudissements.)
Je voudrais commencer par vous dire pourquoi je suis venu ici, en Équateur, pour ma première visite en Amérique du Sud en tant que secrétaire d’État. Il y a un fil conducteur présent dans tous les éléments de la politique des États-Unis, intérieure et étrangère, et c’est qu’il faut s’arranger pour que la démocratie produise des résultats pour tout le monde.
C’est également l’objectif de ce voyage. Parce que la capacité de nos démocraties à combler l’écart entre ce que nous promettons et ce que nous réalisons dépend en grande partie de ce que nous faisons, ensemble, pour l’améliorer. Et ce « nous » inclut non seulement les gouvernements, mais aussi les gens au service desquels nous sommes.
Il y a des leçons importantes à tirer de l’Équateur ; de la Colombie, où je me rendrai ensuite ; et de la région en général – pour ce qui est de comprendre les défis auxquels font face les démocraties et la manière de les relever.
Permettez-moi de commencer par un exemple. Prenons le cas d’un pays dont le dirigeant est élu lors d’une élection libre et juste, puis entreprend de saper lentement mais sûrement les piliers de la démocratie – en s’attaquant à la presse libre, en érodant l’indépendance des tribunaux, en menaçant les opposants politiques.
Imaginez maintenant que ce dirigeant cherche ensuite à utiliser les leviers de la démocratie pour faire passer des réformes antidémocratiques – en éliminant la limitation des mandats, en nommant beaucoup de juges à sa solde dans les tribunaux, en licenciant les législateurs. C’est l’histoire de plus d’une démocratie dans notre hémisphère. Et c’est l’une des façons dont les démocraties peuvent se désagréger.
Il y a dix ans, c’était l’Équateur.
Et pourtant, en fin de compte, cet effort n’a pas abouti. Pourquoi ? Des institutions telles que les tribunaux et le Conseil électoral ont repoussé ces tentatives. Comme l’ont fait également les défenseurs des droits humains, les journalistes et les autres défenseurs de la société civile, y compris les professeurs et les étudiants de cette université, qui ont contesté les réformes devant les tribunaux. Et même lorsqu’ils ont été publiquement diffamés, menacés, attaqués, ils ont tenu bon.
En outre, des dizaines de milliers d’Équatoriens sont descendus dans la rue pour protester – des syndicalistes, des journalistes, des étudiants, des autochtones, dont certains ont parcouru 700 kilomètres à pied, de l’Amazonie à Quito. Et même lorsqu’ils ont été roués de coups, arrêtés par la police, les gens n’ont pas cessé de protester.
Et si le président de l’époque a réussi à faire passer un certain nombre de projets de loi antidémocratiques au fil des ans, d’autres ont été bloqués, annulés, retirés faute d’un soutien insuffisant. La démocratie a persévéré.
Un autre exemple : au printemps 2020, alors qu’une grande partie du monde se mettait en quarantaine en réponse à la pandémie, la COVID-19 faisait des ravages en Équateur. À Guayaquil, le taux de mortalité a été multiplié par neuf. Les hôpitaux étaient contraints de refuser les mourants. Des corps étaient abandonnés sur les trottoirs pendant des jours et des jours. Un fabricant local a commencé à fabriquer des cercueils en carton parce que les morgues étaient à court de cercueils en bois.
L’urgence en matière de santé publique a été aggravée par ceux qui ont cherché à tirer profit de la pénurie de fournitures médicales vitales en Équateur, comme les masques, les respirateurs et les désinfectants. En avril de cette année, le virus a resurgi, et l’Équateur a enregistré le taux de COVID-19 le plus élevé de notre hémisphère.
C’est une autre façon dont les démocraties peuvent se désagréger : en ne parvenant pas à répondre aux besoins vitaux de leurs citoyens lors d’une d’urgence.
Mais une fois encore, les choses ont changé.
La presse libre et dynamique de l’Équateur a jeté une lumière crue sur la défaillance de la santé publique et la corruption qui y a contribué.
Le procureur général du pays a mené une enquête rigoureuse qui a révélé des preuves de collusion entre des responsables de la santé et des criminels qui vendaient des housses mortuaires aux hôpitaux à un prix treize fois supérieur au tarif habituel. Plusieurs anciens fonctionnaires ont finalement été mis en examen.
Et, cette année, plus de 80 % de la population équatorienne a voté lors d’une élection qui a abouti à une passation de pouvoir pacifique entre les partis. Le nouveau gouvernement a promis de vacciner plus de la moitié de la population du pays au cours de ses 100 premiers jours et, avec l’aide des professionnels de la santé, des dirigeants communautaires, des entreprises et de bien d’autres encore, il a atteint son objectif plus tôt que prévu.
Environ 40 000 personnes ont été vaccinées non loin de l’endroit où nous sommes réunis aujourd’hui, sur le site de l’université, avec l’aide du personnel universitaire et d’étudiants bénévoles. Et de plus en plus d’Équatoriens sont vaccinés chaque jour. Aujourd’hui, plus de 11,1 millions de personnes ont été vaccinées.
Cela a également démontré aux Équatoriens que les démocraties peuvent aider à relever certains des plus grands défis auxquels elles sont confrontées, et en le faisant ouvertement, dans l’intérêt de tous. C’est très important à un moment où la confiance dans la démocratie – dans notre hémisphère et dans le monde entier – est en déclin.
Pour ceux qui observent de l’extérieur le bilan des démocraties dans les Amériques au cours des dernières dizaines d’années, cette perte de confiance peut être difficile à comprendre. Deux décennies se sont écoulées depuis que nos pays se sont engagés à promouvoir et à défendre la démocratie à travers la région dans la Charte démocratique interaméricaine. Les pays ont pris cet engagement non pas parce qu’ils étaient soumis à des pressions ou par conformité idéologique, mais parce qu’un certain nombre d’États de la région avaient tenté d’assurer leur développement social et économique dans le cadre de systèmes non démocratiques et avaient échoué.
Mais à quelques exceptions près, les gouvernements démocratiques de la région ont en général réussi à instaurer une période de prospérité, de sécurité et de stabilité sans précédent. La classe moyenne de l’Amérique latine n’a cessé de s’élargir du fait que le nombre de personnes vivant dans la pauvreté a été réduit de moitié. Le niveau de vie et l’accès à l’éducation ont affiché une hausse. La mortalité infantile, la mortalité maternelle ont diminué.
Et pourtant, de nombreuses personnes vivant dans des démocraties aux Amériques ont l’impression que le gouvernement n’en fait pas assez pour résoudre leurs plus grands problèmes ni pour progresser au rythme de leurs attentes et de leurs aspirations.
Les économies se sont développées, mais les inégalités aussi. Et la croissance économique s’est trop souvent construite sur la dévastation de l’environnement, ce qui contribue à la crise climatique que nous connaissons actuellement.
Qui plus est, la hausse du PIB et des marchés boursiers ne s’est pas accompagnée d’une augmentation du soutien et des protections dont les familles qui travaillent ont besoin pour prospérer dans une économie mondiale de plus en plus compétitive, qu’il s’agisse de services de garde d’enfants à un prix abordable ou d’un salaire décent, par exemple. Elle n’a pas créé de filet de sécurité pour soutenir les gens lorsque l’usine où ils travaillent met la clé sous la porte ou lorsqu’ils doivent s’absenter pour s’occuper d’un enfant ou d’un parent malade.
Tous ces problèmes ont été aggravés par la COVID-19, qui a frappé cette région plus durement que les autres et a montré à quel point les acquis des dernières décennies sont vulnérables. L’Amérique latine et les Caraïbes représentent environ 8 % de la population mondiale, mais la région compte 32 % des décès liés à la COVID-19 dans le monde. Si l’on ajoute les États-Unis, nous comptons plus de la moitié – plus de la moitié – des décès liés à la COVID-19 dans le monde.
De même, les effets économiques ont été dévastateurs. L’économie de l’Amérique latine s’est contractée de près de 8 % l’année dernière – là encore, le plus fort recul de toutes les régions du monde – et le nombre de personnes vivant dans la pauvreté a augmenté de 22 millions. Les écoles de la région sont restées fermées plus longtemps que partout ailleurs, et deux enfants sur trois ne sont toujours pas retournés en classe.
Et comme dans le reste du monde, les communautés mal desservies et marginalisées sont les plus durement touchées. Ici, en Équateur, cela signifie les communautés autochtones, les personnes d’ascendance africaine, les femmes et les filles, les personnes LGBTQI, les personnes à faible revenu, dont la plupart travaillent dans le secteur informel.
En amplifiant tous ces problèmes de longue date, la COVID-19 a accéléré le scepticisme des citoyens quant à la capacité de la démocratie à tenir ses promesses au moment où ça compte le plus. L’année dernière, 70 % des Latino-Américains étaient mécontents du fonctionnement de la démocratie, contre environ 50 % en 2013. Et ce ne sont pas seulement nos partenaires qui en font l’expérience. Dans mon pays, aux États-Unis, près de 60 % des gens ne sont pas satisfaits de la façon dont la démocratie fonctionne.
Dès lors, nous nous trouvons à l’heure d’un grand test de la démocratie. Et la question qui se pose à nous tous qui croyons en la démocratie, et croyons que sa survie est vitale pour notre avenir commun, est la suivante : que pouvons-nous faire afin que les démocraties répondent aux questions qui comptent le plus pour notre population ?
Alors aujourd’hui, avec votre indulgence, j’aimerais mettre en relief trois questions que les États-Unis estiment d’une importance cruciale pour répondre à cet appel, en particulier dans notre hémisphère. Ce sont des domaines dans lesquels nous apportons des idées, mais ce qui est tout aussi important, c’est que nous sommes à l’écoute avec humilité.
L’humilité vient en partie du fait que nous savons que nous avons beaucoup à apprendre de nos voisins et en partie du fait que nous savons que les États-Unis n’ont pas toujours pratiqué ce qu’ils ont prêché dans notre hémisphère, qu’il y a des moments dans notre histoire où nous avons soutenu des gouvernements dans les Amériques qui ne reflétaient pas le choix ou la volonté de leur peuple et ne respectaient pas ses droits humains.
Le premier défi – Marcela en a parlé – le premier défi est la corruption, qui est une réalité quotidienne pour les gens du monde entier, y compris dans les Amériques. La corruption coûterait jusqu’à 5 % du PIB mondial. Elle étouffe la croissance, elle décourage les investissements, elle creuse les inégalités. Mais son tribut le plus lourd pourrait bien être la perte de confiance des citoyens dans le gouvernement.
En fait, si vous observez la grande majorité des soulèvements civils de grande ampleur qui ont eu lieu dans le monde ces dernières années – le Maïdan en Ukraine, la place Tahrir en Égypte, de la Roumanie à la Tunisie, du Soudan au Guatemala – vous constaterez qu’ils ont pour point central un dégoût total de la corruption.
Elle affecte les gens dans tous les aspects de leur quotidien et draine les ressources de l’État qui pourraient être dépensées et consacrées à une école, à un hôpital, à quelque chose qui améliore réellement la vie des gens.
Les États-Unis se concentrent donc sur la manière de combattre plus efficacement la corruption qui, pour la première fois, a été désignée par le président Biden comme intérêt fondamental de sécurité nationale. Nous nous attaquons aux financements illicites, saisissons et gelons les avoirs volés, et faisons en sorte que ceux qui volent puissent moins facilement se cacher derrière l’anonymat.
Nous consolidons les outils dont nous disposons pour rendre les particuliers et les groupes corrompus comptables de leurs actes, qu’il s’agisse d’adopter des sanctions ciblées en cas de corruption et des mesures coercitives pénales et civiles, ou encore de refuser des visas aux hauts fonctionnaires corrompus et à leur famille.
Ces outils nous aideront à faire grimper le coût de la corruption bien au-delà de nos frontières.
Mais comme la corruption ne connaît pas de frontières et que les acteurs corrompus sont adeptes dans l’exploitation des maillons les plus faibles de notre système mondial interconnecté, aucun pays ne peut lutter efficacement contre la corruption à lui seul, ni même avec l’aide d’autres gouvernements. Nous avons besoin de partenaires solides pour combattre la corruption partout, et dans tous les domaines.
C’est pourquoi nous développons de nouveaux outils et programmes pour renforcer les moyens d’action des gouvernements partenaires, des journalistes d’investigation, des militants contre la corruption et des entreprises. C’est pourquoi nous approfondissons notre collaboration avec l’Union européenne, le G7, l’OCDE et d’autres groupes de pays qui partagent notre engagement à lutter contre ce fléau. Et c’est pourquoi nous devons nous tenir, et tenir nos partenaires, à l’engagement de Lima pris lors du Sommet des Amériques de 2018, au cours duquel nous nous sommes tous engagés à faire progresser la gouvernance démocratique contre la corruption par des moyens concrets.
Dans le cadre de ces efforts, nous cherchons à déterminer ce qui fonctionne le mieux dans la lutte contre la corruption – une question qui est au cœur de l’examen exhaustif mené actuellement par les agences du gouvernement américain à la demande du président Biden. Les leçons que nous en tirerons éclaireront nos décisions quant à l’allocation de notre énergie et de nos ressources à l’avenir, chez nous, à travers les Amériques et dans le monde entier.
Le deuxième défi concerne la sécurité civile. Pendant des dizaines d’années, les États-Unis ont investi massivement dans la réduction de la violence dans l’hémisphère par la lutte contre les organisations criminelles transnationales. Et pour cause : l’Amérique latine et les Caraïbes sont la région la plus violente du monde.
Mais notre bilan en matière de partenariat avec les démocraties de la région pour améliorer la sécurité civile est mitigé. C’est parce que, souvent, nous avons essayé de régler ce problème en misant trop sur la formation et l’équipement des forces de sécurité, et trop peu sur les autres outils à notre disposition. Nous nous sommes trop focalisés sur les symptômes de la criminalité organisée, comme les homicides et le trafic de drogue, et trop peu sur les causes profondes. Nous travaillons à corriger ce déséquilibre.
Nous faisons davantage pour accroître les opportunités économiques, particulièrement pour les populations mal desservies qui pourraient être attirées vers des activités illicites parce qu’elles pensent ne pas avoir d’autre choix. Nous augmentons nos investissements dans la prévention de la toxicomanie, les traitements et le rétablissement de ceux qui se débattent dans la dépendance – tant pour réduire le mal profond que les drogues illicites infligent à nos collectivités que pour réduire la demande aux États-Unis, laquelle alimente tellement de violence et d’activités criminelles. Nous soutenons les efforts de prévention de la violence au niveau communautaire qui renforcent le pouvoir d’action des acteurs locaux, pris en étau entre les organisations criminelles violentes et les forces de sécurité agressives, et leur donnent les outils nécessaires pour réparer la trame sociale de leurs collectivités. Et nous continuons d’investir dans le soutien à l’État de droit, en formant les procureurs et les juges qui jouent un rôle crucial dans les enquêtes et les poursuites judiciaires de ces affaires.
Cet accent mis sur les causes profondes est au cœur d’une série de dialogues économiques et sécuritaires de haut niveau que nous avons convoqués ces dernières semaines avec le gouvernement du Mexique. L’éventail des hauts responsables des deux pays qui y ont participé – issus des secteurs de la justice, du commerce, du trésor, des affaires, du développement, de la sécurité intérieure et de la politique étrangère – illustre l’approche exhaustive que nous sommes maintenant déterminés à adopter. Nos partenaires en Colombie et nous-mêmes adopterons une approche similaire lors du dialogue de haut niveau de demain.
Et comme j’en ai discuté hier avec le président Lasso, nous sommes convaincus qu’une approche holistique de même ordre face à la sécurité des citoyens – une approche qui ne dépend pas excessivement des forces de l’ordre – est la plus à même d’être efficace ici aussi en Équateur.
Nous avons vu l’état d’exception déclaré en début de semaine par le président Lasso, et le président et moi-même avons eu l’occasion d’en discuter hier. Pour les États-Unis, j’ai clairement indiqué que nous comprenons que les démocraties doivent parfois prendre des mesures exceptionnelles pour garantir la sûreté et la sécurité de leurs citoyens. Mais il est essentiel d’équilibrer ce besoin avec la nécessité de respecter les droits humains de tous les citoyens. Il est également crucial que ces mesures soient conçues et mises en œuvre dans le respect de l’État de droit, qu’elles soient limitées dans leur portée et leur durée, et qu’elles fassent l’objet d’un contrôle et d’un examen judiciaires. Les forces de sécurité qui mettent en pratique ces mesures doivent respecter les normes internationales, et être tenues responsables lorsqu’elles ne le font pas. Sans ces limites, nous avons vu comment l’exception peut devenir la règle ; comment des efforts visant à protéger les citoyens contre une certaine menace les laissent à la merci d’une autre.
Le président Lasso m’a assuré que son gouvernement était déterminé à respecter ces normes qui sont si importantes pour le peuple équatorien et ses valeurs démocratiques. Et j’ai clairement souligné que le respect de ces normes était également une priorité pour les États-Unis.
Le troisième défi consiste à focaliser l’attention de nos démocraties sur les problèmes économiques et sociaux auxquels nos populations sont confrontées. Cela devrait être évident, mais le fait est que nous avons souvent dépensé plus d’énergie à renforcer les droits civiques et politiques, aussi vitaux et importants qu’ils soient, telles les élections libres et justes, l’État de droit, la liberté d’expression et de réunion, qu’à soutenir les droits économiques et sociaux des personnes, notamment par la consolidation des normes du travail, par l’élargissement de l’accès à une bonne éducation et à de bons soins de santé et par la promesse d’opportunités plus inclusives. Et les citoyens dans notre hémisphère exigent que nous corrigions ce déséquilibre, et les États-Unis entendent cet appel.
C’est l’idée derrière les efforts entrepris par le président Biden pour effectuer un investissement historique dans nos familles de travailleurs. C’est l’idée qui sous-tend les investissements massifs effectués par les États-Unis dans l’amélioration de la vie et du bien-être des gens aux Amériques. Depuis 2020, nous avons investi plus de 10 milliards de dollars en Amérique latine et dans les Caraïbes par l’entremise de l’U.S. International Development Finance Corporation (DFC). Cela a pour effet de mobiliser l’équivalent de milliards de dollars supplémentaires en investissements du secteur privé. Ici, en Équateur, par exemple, nous collaborons avec la Banco de la Produccion pour catalyser des prêts aux petites entreprises à hauteur de 150 millions de dollars. Les petites entreprises, notre expérience l’a montré, la vôtre aussi, sont un moteur essentiel de la croissance et le meilleur moyen de donner du travail aux gens.
Et il ne s’agit pas seulement de faire ces investissements, mais de les faire d’une manière qui soit transparente, qui traite les populations locales comme des partenaires au lieu de les enliser dans un cercle vicieux d’endettement, qui soit durable pour l’environnement plutôt qu’extractive, et qui respecte les droits du travail et les droits humains.
Ce type d’investissement contribue à détruire le mythe que les gouvernements autoritaires se plaisent à colporter, à savoir qu’ils sont plus à même de répondre aux besoins fondamentaux de la population. Les autocrates offrent aux gens un faux choix : vous pouvez avoir soit des droits civiques et politiques fondamentaux, soit un niveau de vie plus élevé. Mais malgré toutes les promesses faites par les autocrates concernant l’amélioration du bien-être de la population, leur bilan présente une autre image.
Le fait que les démocraties peuvent afficher de meilleurs résultats dans l’hémisphère ne veut pas dire que nous sommes suffisamment attentifs aux besoins de nos concitoyens.
C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les populations mal desservies. Une discrimination profonde et de longue date sévit dans nos démocraties. Les racines de cette injustice sont profondes, elles remontent à l’esclavage et à la colonisation. Et l’histoire des États-Unis est inextricablement liée à ce passé, d’une manière qui est à la fois une leçon d’humilité, en raison du rôle que notre nation a joué dans la perpétuation de l’exploitation et du racisme, et une source d’inspiration, en raison des générations d’Américains, y compris tant de gens aujourd’hui, qui ont consacré leur vie à faire reculer l’héritage hideux du racisme et de toutes les formes de discrimination.
Le racisme rend les démocraties moins prospères, moins stables, moins équitables. Il nourrit la polarisation et la méfiance. Et il vole aux démocraties la force, l’innovation et la créativité qui peuvent naître des collectivités et des lieux de travail diversifiés et inclusifs. Il faut un effort concerté et urgent de la part de toutes nos collectivités et de toutes nos institutions pour relever ce défi. Cela inclut les institutions gouvernementales comme celle que je dirige, le département d’État, où l’une de mes priorités est de faire en sorte que nos diplomates reflètent l’Amérique dans toute sa remarquable diversité. Notre politique étrangère y gagnera également.
L’université San Francisco de Quito a quelque chose, je crois, à nous apprendre à ce sujet. Depuis la création de cette institution, l’université a fait de la promotion de l’équité et de l’inclusion une part centrale de sa mission. Chaque année, l’université ouvre ses portes à des centaines d’étudiants autochtones et africains-équatoriens, des groupes traditionnellement sous-représentés dans l’enseignement supérieur en raison du sous-développement chronique et de l’inégalité d’accès aux opportunités. Tous les étudiants qui fréquentent cette université bénéficient d’une meilleure éducation grâce à son corps étudiant plus diversifié.
Ainsi donc, si nous constatons de vrais défis dans nos démocraties, le fait est que nous n’avons aucun doute sur la meilleure façon de les aborder. Il faut mettre ces problèmes sur la place publique et s’employer à les résoudre ensemble, y compris avec les gens dont on ne partage pas toujours les idées, et c’est comme ça qu’on va les résoudre. Cela a toujours été la plus grande force de la démocratie : sa capacité à faire mieux.
Aux États-Unis, nous sommes fondés sur le principe de base selon lequel notre mission nationale est de former une union plus parfaite, et, par définition, cela signifie que nous reconnaissons que nous ne sommes pas parfaits et que nous ne le serons jamais, et que nous nous efforcerons d’agir conformément aux idéaux de nos fondateurs.
Il n’existe aucune menace qu’une démocratie améliorée, que davantage de démocratie, ne puisse vaincre, aucun défi face auquel un système fermé serait plus avantageux pour les citoyens qu’un système ouvert.
Et, en dépit de tous les défis auxquels sont confrontées les démocraties, je crois que nous avons des raisons d’être optimistes. En particulier dans notre hémisphère, où nous avons un groupe de partenaires profondément intégrés qui, non seulement partagent nos valeurs, mais sont aussi liés par la culture et la communauté, et où nous avons la chance d’avoir une richesse remarquable sur le plan des ressources naturelles et de la biodiversité. Encore faut-il que nous les protégions.
Mais avant tout, je crois que nous devrions être optimistes en raison de notre peuple : le dêmos au cœur de la démocratie. Prenez la marche en avant de nos démocraties, quelles qu’elles soient, au fil du temps, et vous verrez, à maintes reprises, qu’elle a été menée non pas par des gouvernements, mais par des gens ordinaires. Des femmes et des hommes, souvent jeunes, ayant souvent beaucoup à perdre, qui étaient déterminés à améliorer la vie de leur famille et de leur collectivité. Ce sont ces personnes qui ont constamment comblé le fossé entre les promesses des démocraties et leurs résultats.
Nous avons toutes les raisons de croire que les citoyens continueront de le faire. Le passé récent de l’Équateur en témoigne. Tout comme notre expérience aux États-Unis, où notre démocratie a également été mise à l’épreuve.
Et en dépit de toutes les frustrations que provoque la démocratie, la majorité des habitants de l’hémisphère partagent cette conviction. Environ 63 % des gens en Amérique latine continuent de croire que la démocratie est le meilleur système de gouvernement, par rapport à 13 %, qui en pensent de même quant au système de gouvernement autoritaire.
Dans les manifestations et les mouvements de masse qui critiquent les gouvernements démocratiques aux Amériques ou ailleurs, certains voient un signe que la démocratie est en déclin. Moi, j’y vois un signe de la force de la démocratie. Je vois des gens qui croient suffisamment en leur système pour essayer de le réparer.
Notre plus grand risque n’est pas que nos citoyens soient trop critiques à l’égard de la démocratie, mais plutôt qu’ils cessent de s’y intéresser. Qu’ils baissent les bras.
Et c’est pour ça que j’ai confiance dans l’avenir de la démocratie aux Amériques. Parce que nous avons les gens les plus extraordinaires qui travaillent pour améliorer le système.
Il y a des gens comme Diana Salazar Méndez. Elle a été élevée au nord d’ici, à Ibarra, par une mère célibataire qui lui a enseigné dès son plus jeune âge l’importance du service à la collectivité et, surtout, l’importance de l’intégrité. Diana a financé elle-même ses études universitaires en travaillant le jour et en suivant des cours du soir, et elle a rédigé une thèse sur le trafic des migrants africains en Équateur.
Elle dit s’être sentie attirée par le travail de la justice sociale parce que c’est quelque chose qu’elle a dans le sang. Son oncle n’avait pas eu le droit de faire carrière dans l’armée parce qu’il était Africain-Équatorien. Et après avoir fini ses études de droit, Diana a vu sa nomination à des postes de procureur court-circuitée plusieurs fois pour la même raison.
Mais elle a persévéré et a finalement obtenu son premier poste, et depuis lors, elle a consacré sa carrière à mettre les puissants face à leurs responsabilités. Les mafias. Les politiciens, y compris des anciens présidents. Des hommes d’affaires. Elle a été calomniée, menacée et, une fois, une opération maritime visant à intercepter des trafiquants de drogue a failli lui coûter la vie. Mais elle a refusé de se laisser intimider. Quand on lui demande pourquoi, elle répond : « El que tiene la verdad no debe tener miedo. » « Celui qui détient la vérité ne doit pas avoir peur. »
Aujourd’hui, Diana est, bien sûr, la procureure générale de l’Équateur. (Applaudissements.
Et il y a des gens comme Nina Gualinda, une cheffe de file de la communauté autochtone Kichwa d’Équateur. En 2001, Nina avait tout juste huit ans quand une compagnie pétrolière est venue forer les terres d’Amazonie où vit sa famille. Sa mère et sa tante ont conduit l’opposition de la population au projet, et elles ont fait l’objet de menaces et d’attaques constantes en raison de leurs efforts. Mais elles ont toujours résisté, par la désobéissance civile, la mobilisation et les contestations judiciaires, et elles ont contribué ainsi à l’éducation de Nina en matière de défense des droits.
Lorsque, dix ans plus tard, l’affaire de sa communauté a enfin été portée devant la Cour interaméricaine, Nina, âgée alors de 18 ans, s’est exprimée à l’audience au nom de sa communauté. Le tribunal a statué que l’Équateur devait consulter les communautés autochtones avant d’autoriser les sociétés pétrolières à mener des activités sur leurs terres. Près de dix ans plus tard, Nina a aidé un groupe de femmes autochtones à recueillir plus de 250 000 signatures pour exiger du gouvernement qu’il enquête sur les attaques systémiques contre les femmes qui défendent l’Amazonie. Une pétition a été remise à la procureure générale de l’Équateur, Mme Diana Salazar.
Imaginez un peu à quel point il était improbable que les trajectoires de ces deux femmes extraordinaires se croisent ! Une Africaine-Équatorienne, un jour ignorée pour un poste de procureur de niveau débutant parce qu’elle est noire. Une représentante autochtone, dont le combat pour donner à sa communauté le droit de se prononcer sur son avenir a commencé quand elle a vu cette communauté se faire envahir alors qu’elle avait huit ans.
Et pourtant, la croisée de leurs chemins est emblématique de la force singulière des démocraties que les citoyens doivent façonner. L’une travaille à l’intérieur du gouvernement, l’autre à l’extérieur, mais les deux viennent d’endroits où rien n’était gagné pour elles. La démocratie fonctionne – elle évolue, elle s’améliore – grâce à des gens comme Diana et Nina. Des personnes qui font personnellement l’expérience des conséquences d’un système qui ne fonctionne pas comme il le devrait, qui voient le fossé entre les principes de la démocratie et ses pratiques, et qui décident de consacrer leur vie à l’améliorer malgré tout, pour des personnes comme elles et pour les générations à venir.
Et ça fonctionne parce qu’elles n’abandonnent pas. Elles défendent avec ténacité chaque centimètre de progrès réalisé, tout en sachant que les forces qui cherchent à affaiblir la démocratie sont aussi infatigables. Les autocrates ne cesseront jamais de conspirer pour prendre le pouvoir ; les corrompus ne cesseront jamais de chercher des moyens de profiter des autres à leurs dépens. Il suffit de regarder autour de soi.
C’est la raison pour laquelle il est si important que chacun d’entre nous, en particulier les générations montantes, vous tous, que nous restions mobilisés et que nous entraînions les autres avec nous. Parce que c’est ça, la démocratie – c’est un projet qui n’est jamais achevé.
Et aussi longtemps que nos sociétés permettront à des gens comme Nina et Diana d’améliorer le système de l’intérieur, nous pouvons être sûrs que, non seulement la démocratie persévérera, mais elle l’emportera.
Merci beaucoup. Gracias a todos. Merci.
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