Au cours des cinquante dernières années, l’humanité aura été hantée par la terreur nazie. À partir de conventions et d’institutions internationales, nous avons voulu nous protéger du retour de la barbarie industrielle, sans jamais songer que nous pourrions, à notre tour, devenir des bourreaux.
Pourtant, voici quatre ans, dans de lointaines contrées africaines, en quelques semaines, 800 000 personnes ont été découpées à la machette, selon un plan longuement mûri sous l’œil attentif de l’Élysée et du Palais apostolique. Au Rwanda, une dictature catholique avait réduit une population entière au servage. Du monde entier, les dirigeants de l’Internationale démocrate chrétienne venaient admirer l’ordre librement consenti qui régnait à Kigali. " Amis de la France ", les dirigeants rwandais s’étaient progressivement passionnés pour les théories raciales du début du siècle, transposées aux populations locales. L’Église assurait la traduction et la diffusion de Mein Kampf. Formés, encadrés et armés par l’Élysée, les partisans du Hutu Power se préparaient, au vu et au su de tous, à " la solution finale " de la " question tutsie ". À Paris, ce nazisme tropical était considéré comme une curiosité exotique. Le racisme, savamment dénommé "ethnisme" ou "tribalisme", était théorisé comme un mode de gouvernement juste, adapté aux indigènes. La démocratie qu’on leur souhaitait n’était pas le gouvernement de la Raison, mais la dictature de la majorité raciale.
L’élimination du dictateur, par plus dur que lui, fut l’étincelle qui embrasa le pays. La violence qui avait été mise en place par la France et le Vatican se déchaîna subitement. Les prêtres séparèrent eux-mêmes leurs paroissiens, ordonnant aux uns d’immoler les autres. Tandis que la France déployait ses forces pour masquer ses crimes.
Dans une démocratie comme la nôtre, les élus représentent les citoyens, et les citoyens sont donc responsables des crimes commis par leurs élus. Nous n’avons pas nous-mêmes levé la machette à Kigali, mais nous avons laissé l’appareil d’État français agir sans contrôle. 800 000 personnes sont mortes parce que nous n’avons pas exercé notre citoyenneté.
Au moment où la mission parlementaire d’information rend son rapport, au moment où la lâcheté se cache derrière le mensonge, nous n’avons pas cherché à apporter d’explication définitive, mais nous avons voulu vous présenter quelques clefs de décryptage.
Thierry Meyssan
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