En novembre 2000, Jean-Bertrand Aristide a été élu avec plus de 90 % des voix. Ses électeurs étaient ceux qui approuvaient sa courageuse décision de dissoudre l’armée en 1995, ceux qui soutenaient sa tentative d’investir dans la santé et l’éducation, même sans grands moyens, et ceux qui soutenaient sa détermination à aider les travailleurs pauvres de l’hémisphère occidental. Avec le soutien de l’ancienne puissance coloniale, il a été chassé par une coalition regroupant des violeurs des Droits de l’homme, d’anciens officiers de la junte et des dirigeants économiques pro-états-uniens.
L’expulsion d’Aristide offre à Jacques Chirac une chance de restaurer les relations avec l’administration Bush et la caractérisation d’Aristide comme un nouvel idéaliste corrompu par le pouvoir entre parfaitement dans la vision politique défendue par George W. Bush. L’éviction d’Aristide a été longuement préparée dans la presse par une succession d’articles concernant le trucage des élections de 2000. Or, les observateurs indépendants n’ont rien remarqué de tel et l’Organisation des États américains n’a dénoncé le mode de calcul des pourcentages de voix qu’après les résultats connus alors que ce mode de calcul était connu avant. C’est cependant sur ce dernier jugement que Bill Clinton s’est appuyé pour supprimer les aides à Haïti.
Certes, Aristide a sa responsabilité dans la mort de personnes à Port-au-Prince, mais ses groupes de partisans n’avaient pas d’armée pour les défendre. Si Aristide est présenté si négativement, c’est parce qu’il avait refusé d’abandonner ses principes, que la presse haïtienne appartenaient à ses opposants et surtout parce qu’il pouvait lancer un mouvement populaire. Il devait donc être chassé, mais également diabolisé car il représente ce que Noam Chomsky appelle « la menace du bon exemple ».

Source
The Guardian (Royaume-Uni)

« Why they had to crush Aristide », par Peter Hallward, The Guardian, 2 mars 2004.