Quand j’étais en Haïti en 1995 en tant qu’observateur des élections parlementaires haïtiennes, j’avais pu constater combien il était facile à un petit nombre de soldats bien équipés et entraînés de faire fuir les milices s’opposant à Jean-Bertrand Aristide. Il s’agit de groupes capables de terroriser un village ou un bureau de vote, mais incapables d’agir contre des soldats de métier.
En 1995, seul avec un policier jordanien pour protéger un bureau de vote, je n’avais par contre rien pu faire pour empêcher sa destruction et l’incendie de l’urne. Dix ans plus tard, ce sont les mêmes gangs qui ont plongé le pays dans l’anarchie et l’une des leçons de 1995 est qu’une force américaine limitée, mais puissante peut-être remarquablement efficace. Il ne faut donc pas qu’elle limite son action à Port-au-Prince. Il est possible de stabiliser Haïti rapidement et facilement en suivant les méthodes employées par les Britanniques en Sierra Leone.
En revanche, pour démocratiser le pays, il faudra être réaliste et ne pas s’attendre à ce que l’affrontement politique entre les populistes pro-Aristide et les gangs au service de la bourgeoisie haïtienne s’arrêtent vite. Il faudra plus que des élections pour démocratiser le pays. Ce sera un processus long qui va demander un engagement de la communauté internationale pour développer des institutions stables. Malheureusement, les États-Unis manquent de patience dans ce domaine et ils ne doivent pas répéter les mêmes erreurs que celles commises à l’encontre d’Aristide en supprimant les aides économiques au premier problème.

Source
New York Times (États-Unis)
Le New York Times ambitionne d’être le premier quotidien global au travers de ses éditions étrangères.

« In Haiti, Mobs Are the Easy Part », par Kenneth L. Cain, New York Times, 2 mars 2004.