La principale critique contre l’administration Bush dans la campagne électorale ne portera pas sur son invasion de l’Irak puisque Howard Dean a échoué et que l’incapacité des États-Unis à trouver des armes de destruction massive en Irak ne vient pas éroder le soutien populaire pour la guerre. La vraie critique substantielle devrait porter sur l’incapacité de l’administration Bush à obtenir un soutien international à sa politique étrangère.
Le problème n’est pas de ne pas être parvenu à obtenir le soutien du Conseil de sécurité, de la Russie, de la France ou de l’Allemagne et les démocrates sérieux ne renonceront pas au droit d’agir seuls si besoin est. Le problème est celui de la légitimité qui n’a pas commencé avec l’actuelle administration et ne se terminera pas avec elle. Cette question est née de la fin de la Guerre froide.
Pour tout esprit démocratique et libéral, le monde unipolaire, quel que soit le dirigeant à la tête de la superpuissance, est un modèle illégitime. C’est pourquoi, même les amis des États-Unis craignent qu’ils utilisent leur puissance pour leur seul intérêt étroit et ce au dépend des autres. C’est pour cela que les États-Unis avaient besoin de Tony Blair lors de l’attaque de l’Irak. Washington avait besoin de disposer d’un allié européen car l’Europe et l’Amérique sont le cœur du monde libéral et que les États-Unis se sont toujours souciés de ce que les autres pays libéraux pensaient d’eux. L’absence de soutien des autres démocraties pourrait éroder le soutien domestique pour les actions de politique étrangère que notre dangereuse époque exige.
Or, les discours de l’administration Bush laissent penser que Washington n’a qu’une vision étroite de l’intérêt national états-unien. Il faut expliquer que l’intérêt national des États-Unis passe par l’intérêt de l’humanité et par la promotion de la liberté dans le monde.

Source
Washington Post (États-Unis)
Quotidien états-unien de référence, racheté en août 2013 par Jeff Bezos, fondateur d’Amazon.

« A Decent Regard », par Robert Kagan, Washington Post, 2 mars 2004.