Si les circonstances n’étaient pas si calamiteuses, le renversement de Jean-Bertrand Aristide orchestré par les Américains pourrait être drôle.
Selon Aristide, des responsables Américains sont venus le voir pour lui affirmer que les rebelles étaient en route vers la résidence présidentielle et qu’ils allaient le massacrer lui et sa famille s’il n’embarquait pas dans un avion. Les Américains lui ont affirmé qu’ils ne pouvaient pas défendre le palais présidentiel et qu’il ne pourrait pas monter dans l’avion s’il ne signait pas au préalable une lettre de démission. Aristide n’eut plus par la suite accès à un téléphone pendant 24 heures et il ignorait quelle était sa destination jusqu’à ce qu’il atterrisse en Centre Afrique. Le seul accroc à ce plan fut le coup de fil passé par Aristide depuis un téléphone cellulaire pour expliquer comment s’était déroulée sa démission. Les dénégations de l’administration Bush sur cette question furent ridicules.
Cette affaire soulève de nombreuses questions auxquelles le gouvernement ne répond pas. On devrait connaître les conditions du départ d’Aristide et les raisons qui ont poussé les États-Unis à refuser l’appel au compromis demandé par de nombreux États européens et caribéens et accepté par Aristide.
En 1991, l’administration Bush père fait renverser Aristide. On comptait alors dans les rangs de cette administration Colin Powell, Dick Cheney et Roger Noriega. En 1991, les congressistes noirs avaient demandé une enquête sur le rôle des États-Unis dans le renversement d’Aristide et cette enquête fut refusée, comme aujourd’hui. Tous ceux qui demandent des éclaircissements sont brocardés comme antipatriotiques ou naïfs et Aristide est attaqué par la propagande.
Le jour où George W. Bush a pris ses fonctions, il a commencé à faire pression pour que toutes les instances internationales cessent d’aider Haïti, causant ainsi une terrible crise économique. Comme pour les armes de destruction massive irakiennes, la presse ne questionna pas l’administration Bush sur son attitude. Pourtant, compte tenu de son activité dans le monde, il faut être particulièrement attentif aux actions de l’administration Bush pour ne pas la laisser impunie.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« From His First Day in Office, Bush Was Ousting Aristide », par Jeffrey D. Sachs, Los Angeles Times, 4 mars 2004.