La légende du Golem raconte comment un rabbin de Prague créa un homme artificiel à base d’argile et lui donna la vie en mettant dans sa bouche un papier portant le vrai nom de Dieu. Le Golem rendit de nombreux services et défendit la communauté juive de Prague, mais un jour il se retourna contre ses maîtres et il sema la destruction et la ruine. Sharon n’est pas rabbin, mais il a aussi créé un golem : le mouvement des colons dans les territoires occupés.
Il était sûr que les colons le serviraient. Il avait tout fait pour eux : il a mis tous les services de l’État à leur service, il les a défendus depuis le début des années 70, il a renversé toutes les oppositions, il leur a donné des dizaines milliards de dollars et a fait passer des lois en leur faveur. Dans ces conditions, il n’a jamais pensé que les colons s’opposeraient à lui sur son plan de retrait de Gaza alors qu’il préconisait l’abandon de quelques colonies afin de sauvegarder 80 % d’entre elles et de les rattacher à Israël. Le Golem, une fois le morceau de papier dans sa bouche a développé sa propre logique.
Sharon ne respectait pas les colons car on ne respecte pas ce qu’on a construit soi-même, et il n’a pas réalisé leur puissance. Bien qu’ils ne soient que 4 % de la population israélienne, ils ont aujourd’hui des postes clé dans l’armée, des fonds énormes et le soutien de multimillionnaires juifs américains et de groupes évangélistes. La vraie question est : pourquoi a-t-il demandé le vote des membres du Likoud alors que c’est là qu’ils sont les plus puissants ? L’organisation totalitaire des colons (ce n’est pas une image, ce mouvement demande une foi et un engagement total à sa cause) a fait voter contre le plan que l’orgueilleux général croyait avoir déjà fait admettre. Ce référendum a cependant un grand avantage pour Israël : il a rendu le Golem visible.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« Sharon May Have Helped Create a Monster — Israel’s Settler Movement », par Uri Avnery, Los Angeles Times, 5 mai 2004.