Le coup est rude : John O’Neill, qui succéda au Vietnam au commandement du capitaine John Kerry, met en cause publiquement les capacités du candidat démocrate. Dans une conférence de presse, M. O’Neill, un proche de George Bush père, s’est présenté comme le porte-parole d’un groupe de près de 200 vétérans du Vietnam ayant servi sous les ordres de Kerry. Il a mis en cause le glorieux passé du héros, affirmant document médical à l’appui que l’une de ses médailles pour blessures de guerre a été obtenue par fraude à la suite d’une blessure accidentelle. Dans le Wall Street Journal, O’Neill rappelle les activités de Kerry pour dénoncer la torture au Vietnam, c’est-à-dire pour accuser ses compagnons d’armes de crimes. Du coup, ce n’est plus Bush qui doit répondre des tortures en Irak, c’est Kerry qui doit choisir son camp : pour ou contre l’honneur des armées.

James Woolsey et Rachel K. Belton décrivent la complexité d’un monde interdépendant dans le Los Angeles Times. Ils en concluent que les États-Unis doivent totalement repenser leur organisation pour faire face au terrorisme. Le problème est que 85% des infrastructures y sont privées. Les deux auteurs appellent donc de leurs vœux une collaboration entre les entreprises et l’État fédéral. Au-delà des déclarations d’intention, tout cela ressemble fort à la justification maladroite d’un virage idéologique favorable à un État fort. Ce serait donc parce que le monde est devenu moderne que les États-Unis devraient changer d’idéal et devenir étatistes, pour défendre le libéralisme anti-étatiste bien sûr.

Le Figaro publie des extraits du dernier livre de Robert Kagan, dont la traduction française paraît aujourd’hui. Il souligne que si les États-Unis disposent seuls de la force, ils ont besoin du soutien des grandes nations démocratiques et libérales européennes pour prétendre à la légitimité de l’usage de leur force. Or, on assiste à un schisme qui porte sur l’identification des menaces : pour les États-Unis, il faut faire face au terrorisme et aux armes de destruction massive, tandis que les Européens craignent l’unipolarité. Le lecteur sera frappé de l’illogisme de M. Kagan selon lequel le libéralisme (au sens philosophique) est une valeur commune aux États-uniens et aux Européens, mais que ces derniers ont tort de s’inquiéter de l’unipolarité du monde. Or, le libéralisme, c’est-à-dire la doctrine de la liberté, postule que nul ne doit se trouver en situation hégémonique pour que chacun puisse jouir de sa liberté. Appliquée au domaine économique, cette philosophie conduit à interdire les cartels pour garantir la libre-concurrence. Appliquée aux relations internationales, elle interdit les empires. En réalité, M. Kagan est le co-fondateur du Projet pour un nouveau siècle américain, association dont l’objectif explicite est de placer le monde sous la tutelle de la Pax Americana.
Daniel Pipes, qui milita pour l’invasion de l’Irak, mais pas pour son occupation et sa démocratisation, préconise depuis la chute de Bagdad l’installation d’un régime fantoche fort, favorable à Washington et à Tel-Aviv. Dans le Jerusalem Post, il annonce avoir trouvé le dictateur idéal : ce pourrait être l’ex-major général Jassim Mohammed Saleh al-Dulaimi ; un militaire de l’ancien régime, assez dur mais pas compromis dans des crimes monstrueux, populaire dans son pays et docile face à la Coalition. Cependant, le général Myers semblerait lui préférer Mohammed Latif que l’on dit agent des services britanniques. Peu importe tant que l’on met en œuvre cette sortie du bourbier et que l’on libère les forces militaires utiles à d’autres aventures.

Alfred Stepan et Aqil Shah observent dans le Washington Post que les États-Unis soutiennent le général Musharraf au Pakistan parce qu’ils le voient comme un rempart contre l’islamisme. Or, en interdisant les partis démocratiques, Musharraf et ses généraux ont précisément provoqué le développement de l’islamisme comme le montrent les résultats électoraux. Il est tant de changer d’allié.
Enfin, Dans le Los Angeles Times, Uri Avnery accuse Ariel Sharon d’avoir créé de toutes pièces le mouvement des colons et d’en être désormais la victime. Le Premier ministre aurait créé un Golem comme le rabbin de la légende. Son échec lors du congrès du Likoud révèle à tous la réalité.