M. Yasser Abed RABBO, ancien ministre palestinien de l’Information, et M. Avraham BURG, qui fut président de la Knesset, ont présenté l’ "initiative de Genève", mardi soir, à la commission des Affaires étrangères du PE. L’accord de Genève, un plan officieux de règlement du conflit au Proche-Orient, se fonde sur une solution à deux États basée sur les frontières israéliennes d’avant 1967 ainsi que sur le démantèlement des colonies de peuplement juives en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. La ville de Jérusalem serait divisée en une partie occidentale et une partie orientale, l’une devenant la capitale d’Israël, l’autre celle de la Palestine. Quant à la question des réfugiés palestiniens, les options suivantes seraient présentées à chaque Palestinien : soit résider dans le nouvel État palestinien, soit émigrer vers un pays tiers, soit demeurer dans leur actuel pays d’accueil. L’immigration dans l’État d’Israël proprement dit relèverait entièrement de la souveraineté israélienne. De plus, une force multinationale garantirait la sécurité des deux parties et superviserait la mise en œuvre de l’accord.

M. Avraham Burg a d’emblée déclaré : "Je vous présente des excuses parce que je ne trouve pas de mots pouvant justifier les politiques de mon gouvernement. Mais, en fin de compte, c’est là le gouvernement démocratiquement élu d’Israël". Faisant référence aux récents événements, et en particulier à l’assassinat du chef du Hamas, M. Abdel Aziz Al-Rantissi, par les forces armées israéliennes, et au projet unilatéral du premier ministre, M. Ariel Sharon, de retirer ses troupes de la bande de Gaza, M. Burg a précisé qu’il doutait fort que ces mesures soient bénéfiques pour Israël. Il a ensuite évoqué le fait que la première décennie du XXIème siècle se caractérise par l’unilatéralisme. "Dans son rôle, l’Europe n’est pas à la hauteur pour contrebalancer le rôle dominant des États-Unis sur la scène politique". Abordant l’accord-modèle de Genève, il a déclaré aux députés que "Genève, c’est la réapparition de l’espoir dans une équation de désespoir pour la politique régionale et internationale". Enfin, M. Burg a exhorté l’Europe à s’impliquer davantage dans le processus de paix. "Je ne sais pas comment vous définissez la notion de dialogue en Europe, mais au Proche-Orient, cette définition tient en ceci : deux monologues. L’Europe doit contribuer à l’élaboration d’un monologue palestinien rationnel appelant à la coopération et non pas à l’extrémisme", a-t-il conclu.

M. Yasser Abed RABBO a souligné la nécessité pour le Parlement européen "d’appuyer des élections palestiniennes sous supervision internationale". Et d’ajouter qu’elles n’ont pas encore été organisées "de peur de voir les Palestiniens voter en faveur de leurs actuels dirigeants". Il a ensuite passé en revue les détails du projet israélien concernant le retrait militaire et les colonies de la bande de Gaza. "Ce retrait ne se concrétiserait pas avant le mois de novembre 2005. C’est la date à laquelle le président Bush a déclaré vouloir voir sa ’vision’ mise en œuvre. Ce sera aussi le moment où le mur israélien sera achevé", a-t-il dit. Il a ajouté que les frontières séparant Gaza et l’Égypte resteraient sous contrôle israélien. "Si c’est cela un retrait, qu’est-ce alors qu’une occupation ?", s’est-il interrogé. M. Rabbo est allé encore plus loin en déclarant que "la situation actuelle est tellement désastreuse que plus personne ne croit encore qu’une solution soit possible". Selon lui, les Israéliens qui s’en prennent à l’initiative de Genève ne précisent pas les raisons pour lesquelles ils rejettent l’accord. "Les Palestiniens stigmatisent ce projet à cause de la question des réfugiés. Pourtant, c’est là la meilleure solution jamais avancée sur ce point", a-t-il expliqué.

Les députés ont alors été invités à faire connaître leurs vues et à poser des questions. Pour M. Emilio MENENDEZ del VALLE (PSE, E), "le Premier ministre Sharon ne veut pas la paix. Comment organise-t-on des élections sous un régime d’occupation militaire ?", a-t-il demandé. Mme Cecilia MALMSTRÖM (ELDR, S) a demandé quel serait le rôle de l’UE au cas où s’effectuerait le retrait de Gaza. "Le rôle joué par l’UE serait-il acceptable aux yeux des Israéliens ?". D’après M. Rabbo, un retrait israélien pourrait mener au chaos parce que les Palestiniens n’ont pas de gouvernement ni d’institutions stables. "Tel n’était pas le cas lorsque les Israéliens ont quitté le Sud-Liban", a-t-il prévenu. A son avis, la question-clé serait de saisir l’intention sous-tendant le retrait. "S’il y a retrait véritable, avec une présence internationale, alors, ce pourrait être un pas vers une solution et non pas un blocage de celle-ci", a-t-il ajouté. M. Avraham Burg a mis en relief les raisons à l’origine du projet de retrait unilatéral. "L’effondrement du processus d’Oslo a créé un vide au Proche-Orient. Aujourd’hui, les deux parties jugent qu’il n’y a plus d’interlocuteur pour la paix. Les Palestiniens voient tous les Israéliens comme des "occupants" tandis qu’aux yeux des Israéliens, les Palestiniens sont des "bombes humaines". Nous devons restaurer l’ordre et la loi dans les territoires palestiniens. Si le retrait a pour effet de permettre à des gens comme M. Rabbo de prendre le contrôle à Gaza, cela ouvrirait la voie à un succès similaire en Cisjordanie."

M. Charles TANNOCK (PPE-DE, UK) a mis en garde contre un scénario dans lequel le Hamas pourrait potentiellement prendre le contrôle de Gaza. Pour Mme Maj Britt THEORIN (PSE, S), "l’initiative de Genève est l’unique projet qui puisse être envisagé pour l’avenir". Mme Luisa MORGANTINI (GUE/NGL, I) a invité l’Europe "à faire montre de courage et à commencer à s’employer à sauver l’initiative de Genève". M. Avraham Burg a reconnu ne pas comprendre "le sentiment d’infériorité de l’Europe face aux États-Unis". En effet, "le processus de Madrid, le processus d’Oslo et les accords de Genève ont tous été conçus en Europe, pas à Washington", a-t-il fait remarquer.

Source : Parlement européen, Commission des Affaires étrangères, des Droits de l’Homme, de la Sécurité commune et de la Politique de défense