En tant que pays, nous entamons l’une des plus importantes décennies dans notre histoire. Et en tant que Canadiens, nous aurons des décisions importantes à prendre.

Aujourd’hui, dans le court laps de temps qui m’est alloué, je veux vous parler de l’avenir de la défense du Canada dans un monde à la fois complexe et changeant.

Et je veux aussi profiter de mon passage sur cette base historique pour rappeler les grands exploits que nous commémorerons en juin.

Il y a 60 ans, les Canadiens travaillaient aux côtés de leurs alliés britanniques et américains à planifier le débarquement en Normandie et la libération de l’Europe. La liberté, la justice et la démocratie étaient plus que jamais en péril tandis que la plus grande armada jamais assemblée faisait route vers la côte de France à la veille du jour J.

La feuille d’érable était certainement à l’honneur en ce 6 juin 1944 où des citoyens-soldats de toutes les régions du Canada - garçons de ferme, commis de bureau, pêcheurs et étudiants - surgirent de leurs embarcations sur la plage de Juno et entrèrent dans l’histoire. Nos troupes avancèrent plus loin à l’intérieur des terres que toute autre force alliée ce jour-là. Au crépuscule, l’ampleur de la victoire initiale se révéla aux citoyens de toutes les parties du Canada, et ils prirent conscience des sacrifices à venir.

Il est tout aussi important aujourd’hui que le Canada monte aux créneaux - comme nous l’avons fait lors du débarquement en Normandie. Liberté, justice et démocratie : ces valeurs qui ont motivé l’action du Canada il y a 60 ans sont aussi essentielles aujourd’hui qu’elles l’étaient hier.

Comme on l’a affirmé : « le monde a besoin de plus de pays comme le Canada ». Je suis entièrement d’accord. Certes, le Canada ne peut changer le monde à lui seul, mais il peut jouer un bien plus grand rôle que ne le suggère son poids. Le besoin est indéniable, et l’opportunité est là.

Étant donné son prestige à l’étranger et sa diversité culturelle, le Canada est fort bien positionné pour assumer un rôle catalyseur dans les dossiers contemporains de la sécurité planétaire. Qu’elles répondent à des situations de crise, comme ce fut le cas dernièrement en Haïti, ou qu’elles assument un rôle de direction dans la mission de l’OTAN en Afghanistan, les Forces canadiennes ont démontré que nous pouvons faire une contribution exemplaire.

C’est sur cette toile de fond que nous devons examiner le rôle de l’Armée canadienne dans le XXIe siècle. Pendant la guerre froide, les lignes de bataille étaient clairement tracées. Nous connaissions notre adversaire et nous pouvions prédire où serait le front. Mais la guerre froide est terminée depuis plus de dix ans. Et le 11 septembre a démontré très clairement que les menaces ne sont plus ni simples ni prévisibles.

La véritable menace à notre sécurité au XXIe siècle provient des cellules terroristes. Le front s’étend de nos jours des rues de Kaboul aux voies ferrées de Madrid et aux centres urbains du Canada. Notre adversaire peut mener ses activités autant dans les montagnes de l’Afghanistan que dans les villes européennes ou à l’intérieur de nos propres frontières.

Il n’y a pas de front intérieur. Le conflit n’est pas « là-bas ». Notre conception de la sécurité et de la défense du Canada doit tenir compte de cette réalité. Il ne suffira pas de moderniser nos forces armées selon les anciens schémas. Pour la première fois en dix ans, nous procédons à une étude des politiques internationales qui nous aidera à définir clairement nos valeurs dans les domaines de la politique étrangère, de la défense, de l’aide et du commerce.

L’examen, qui sera exhaustif, sera terminé d’ici la fin de l’année. Nous veillerons à ce qu’il fasse correspondre nos objectifs et capacités en matière de défense aux objectifs de notre politique étrangère et que nous puissions continuer de remplir nos obligations au chapitre de la défense et de la sécurité.

Le temps est venu de prendre des décisions et des mesures stratégiques. Nous devons profiter de l’occasion pour rehausser le rôle du Canada au sein de la communauté des nations. Qu’est que cela signifie pour nos forces ? Pour les Forces canadiennes, cela veut dire respecter un certain nombre de principes.

Premièrement, cela implique que la politique de défense, de concert avec la diplomatie et le développement, doit contribuer à protéger nos intérêts et à projeter nos valeurs. Cela signifie en outre qu’il faut procéder de façon stratégique et ordonnée, donc, se concentrer sur ce que nous faisons de mieux et sur ce dont le monde a le plus besoin.

Deuxièmement, nos forces doivent avoir l’entraînement et l’équipement nécessaires pour remplir leurs missions à l’étranger, qu’il s’agisse de missions de sécurité et de stabilité comme celles de maintien et de consolidation de la paix, ou de missions d’aide en cas de catastrophes et de protection civile.

Troisièmement, il faut que notre entraînement et notre équipement soient modernes, pertinents et utilisables. Le remplacement de nos chars par le système de canon mobile est un bon exemple du changement opéré, le nouvel environnement stratégique exigeant qu’on choisisse un équipement plus léger et plus mobile.

Quatrièmement, avec nos alliés, les Forces canadiennes doivent se déployer rapidement là où l’on en a le plus besoin, que ce soit au Canada ou à l’étranger.

Cinquièmement, nos forces doivent être capables de soutenir leurs opérations où qu’elles soient et aussi longtemps qu’il le faut.

Et enfin, les Forces canadiennes doivent avoir les moyens nécessaires pour évoluer en parallèle avec nos proches alliés et partenaires, ainsi qu’à leurs côtés, dans toute une gamme de missions à l’étranger. Et dans le cas de situations d’urgence intérieures, elles doivent travailler étroitement avec d’autres ministères et les premiers intervenants.

Pour résumer, notre objectif est de mettre sur pied des forces aptes au combat, adaptées à leurs tâches, interopérables et rapidement déployables. À quoi faut-il s’attarder dans l’examen mené ? Fondamentalement, nous devons nous assurer que nous sommes capables de protéger les intérêts du Canada, tant au pays qu’à l’étranger.

Ces dernières années, nous avons pris un certain nombre de mesures importantes afin de prévenir les attaques terroristes au Canada. En ce moment même, nous nous préparons à donner au Canada sa première politique de sécurité nationale. Cette politique visera en partie à assurer la sécurité des Canadiens en temps de crise au pays. À cet égard, la politique de sécurité nationale et la nouvelle politique de défense seront étroitement liées.

Comme nous avons pu le constater lors des inondations au Manitoba, de la tempête de verglas en Ontario et au Québec, des incendies de forêts en Colombie-Britannique, et de l’après-ouragan en Nouvelle-Écosse, les Canadiens comptent sur les Forces dans les situations d’urgence.

Dans l’examen de la politique de défense, nous essayons donc de voir comment les Forces canadiennes peuvent mieux aider les autorités locales, provinciales et fédérales à assurer la sécurité intérieure dans les domaines essentiels de la protection civile et de l’intervention en cas de catastrophes naturelles.

À cet égard, la Force de réserve du Canada aura un rôle critique à jouer. Le système de réserve ne donne pas sa pleine mesure. Tout plan cohérent en vue de protéger nos intérêts devra faire de la Réserve un acteur clé dans la protection des citoyens et de leurs collectivités.

Le 11 septembre nous a a également appris que nous ne pouvons pas protéger nos citoyens chez nous en veillant seulement à la défense de la moitié nord de l’Amérique du Nord.

Nous devons être prêts à affronter nos adversaires n’importe où dans le monde, en étroite collaboration avec nos alliés. Il ne fait aucun doute qu’en aidant à porter la paix, la stabilité et la prospérité dans des pays comme l’Afghanistan, nous contribuons grandement à accroître la sécurité de la population canadienne sur notre territoire.

Je suis donc heureux d’annoncer aujourd’hui que lorsque notre engagement actuel prendra fin en août, le Canada enverra un escadron de reconnaissance blindé comptant environ 600 soldats qui œuvrera au sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan. Cet escadron sera soutenu par quelque 200 membres de la force aérienne.

Donc, grâce à nos véhicules Coyote - des véhicules qui sont à la fine pointe de la technologie - le Canada offrira à la force internationale de 34 pays présentement déployée à Kaboul une importante capacité de reconnaissance et de surveillance.

Le rôle du Canada en Afghanistan illustre en tous points le nouveau type d’opération que les Forces canadiennes seront appelées à mener. Il s’agit d’une mission multilatérale, autorisée par les Nations Unies, dirigée par l’OTAN, entreprise à l’invitation du gouvernement afghan et destinée à redresser un État à la dérive afin de priver les terroristes d’un terrain d’action.

Cette mission marie défense, diplomatie et développement. Ainsi, nos militaires assurent la sécurité qui permet à des organismes comme l’ACDI de favoriser la tenue d’élections et le développement démocratique en Afghanistan.

Cette approche dite « 3-D », parce qu’elle intègre la diplomatie, la défense et le développement, représente le modèle dont sera inspirée l’intervention canadienne en cas de crise internationale. Par exemple, le multilatéralisme est clairement la voie privilégiée pour dénouer les crises internationales. Mais l’absence de consensus planétaire ne doit en aucun cas nous condamner à l’inaction.

Beaucoup trop souvent par le passé, les pays ont refusé de prendre la direction des opérations en temps de crise. Beaucoup trop souvent aussi, ils ont eu le sentiment que ce n’était pas de leur ressort et ils ont compté sur d’autres pour faire le boulot. Et beaucoup trop souvent aussi, nous avons assisté aux conséquences tragiques de l’incapacité de la communauté internationale de donner suite aux principes mêmes de la Charte des Nations Unies.

Ainsi que le général Roméo Dallaire nous l’a enseigné, tous les pays ont le devoir de veiller à ce que le génocide rwandais ne se reproduise jamais plus. Nous devons prendre cette responsabilité à cœur.

Le Canada doit militer activement en faveur de l’intervention pour protéger la sécurité des populations menacées. Nous devons poursuivre nos efforts en vue de renforcer nos institutions multilatérales, en particulier les Nations Unies. Et surtout, nous devons jouer un rôle de premier plan dans les réactions internationales aux situations de crise.

Car, au bout du compte, nous ne pouvons pas nous contenter de défendre nos idéaux par la parole. Nous devons les défendre par nos actes. Et c’est là que des Forces canadiennes modernes et adaptées sont absolument essentielles.

Enfin, en attendant le résultat de l’examen, nous ne restons pas les bras croisés. Nous y allons d’initiatives pour améliorer vos outils et vos conditions de travail.

Bien équiper nos troupes a été le grand objectif de notre gouvernement. Ces derniers mois, il a agi promptement pour que cet équipement si nécessaire parvienne là où il le faut - entre vos mains.

Nous avons affecté 1,3 milliard de dollars à l’accélération de l’acquisition de nouveaux aéronefs à voilure fixe pour les activités de recherche et sauvetage. La capacité de la flotte s’en trouvera sensiblement accrue et cela permettra aux Forces canadiennes d’investir dans d’autres priorités.

Nous procédons aussi rapidement que possible à l’acquisition des nouveaux hélicoptères maritimes pour les forces aériennes. Ce projet de 3 milliards de dollars est l’un des tout premiers que le gouvernement a mis en branle. Et nous attendons des propositions d’ici quelques semaines.

Nous accélérons l’achat de systèmes de canon mobile pour l’Armée. C’est précisément le type de moyens militaires dont les Forces canadiennes ont besoin maintenant et pour l’avenir.

Demain, à London, le ministre de la Défense nationale fournira d’autres détails sur cet achat de 700 millions de dollars. Enfin, je suis heureux d’annoncer aujourd’hui que le gouvernement a approuvé le projet d’acquérir trois nouveaux navires de soutien interarmées pour la marine. Ce projet de 2,1 milliards de dollars améliorera considérablement la capacité maritime du Canada, tant au pays qu’à l’étranger.

Je tiens cependant à dire que cet investissement de 7 milliards de dollars dans les Forces canadiennes depuis décembre vise uniquement à faire en sorte que quand nous demandons aux hommes et aux femmes des Forces canadiennes de s’exposer au danger, nous leur fournissons le matériel dont ils ont besoin pour s’acquitter de leur mission efficacement et en toute sécurité.

Les gens sont au cœur de tout ce que fait le gouvernement. Et à la Défense, je sais que prendre soin de nos militaires est au centre de sa mission. Nous devons veiller à ce que personne ne soit laissé derrière. Dans cette veine, le gouvernement a apporté ces dernières années de nombreuses améliorations à la qualité de vie, et je crois que ces changements ont fait des Forces canadiennes un employeur plus souple, davantage à l’écoute.

Plus jamais on ne dira aux militaires du rang que si l’on avait voulu qu’ils aient une famille, on leur en aurait fourni une. Dans cet esprit, nous vous avons annoncé dans le récent budget que les militaires dont la mission en Afghanistan les expose au danger n’auront plus à payer d’impôt sur le revenu. C’est certainement là la moindre des choses quand on pense aux sacrifices que vous et vos familles faites pour notre pays.

Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’annoncer que cet allégement fiscal sera étendu aux membres des Forces canadiennes qui servent en Bosnie et en Haïti. En fait, tous les déploiements outre-mer à risque élevé ou moyen seront inclus. Vous n’aurez pas à payer d’impôt sur le revenu pendant ces missions.

Pour conclure, comme je le disais au début de mon discours, le Canada est arrivé à un point tournant de son histoire. La mise en place d’un nouveau plan stratégique pour les Forces canadiennes constitue un important moyen de faire en sorte que le Canada joue dans le monde un rôle déterminant qui suscite chez nous un sentiment de fierté.

Que ce soit en Afghanistan, en Bosnie, en Haïti ou chez nous au Canada, nos militaires forment une force du bien, et sont prêts à faire une contribution exemplaire.

Il n’en tient qu’à nous de les appuyer - de vous appuyer. Et il n’en tient qu’à nous de réaliser le changement transformateur nécessaire pour renforcer les Forces canadiennes et la place du Canada dans le monde.

Merci de votre attention.