Le secrétaire général de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI), Ekmeleddin Ihsanoglu, s’est rendu à Moscou pratiquement un an après l’octroi à la Russie du statut d’observateur auprès de l’OCI. Les négociations de Moscou ont dressé le bilan de la première année de coopération officielle entre Moscou et cette organisation islamique influente.

"Le développement des relations avec les pays musulmans est une priorité de la politique extérieure russe", a déclaré le président russe Vladimir Poutine au cours d’une rencontre avec Ekmeleddin Ihsanoglu.

Il s’agit d’une coopération à tous les niveaux. Les parties ont initialement mis l’accent sur la coopération politique et la sécurité. A présent, il est temps de resserrer les liens économiques entre Moscou et les pays de l’OCI. La construction du centre commercial "Conte oriental" commencera tout prochainement dans la capitale russe. Le centre jouera le rôle de représentation économique et commerciale de l’OCI en Russie, selon les organisateurs du projet.

Est-ce que cette coopération apporte seulement des dividendes économiques à Moscou ?

La Russie a pour objectif d’empêcher la division confessionnelle du monde. "A notre avis, la division confessionnelle du monde est beaucoup plus dangereuse que la division idéologique", a noté le chef de l’État russe.

Il n’est pas fortuit que les premiers projets de coopération Russie-OCI soient consacrés au domaine humanitaire, en tout premier lieu à l’éducation. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a souligné au cours d’entretiens avec M.Ihsanoglu l’importance des recherches conjointes sur le rôle de l’islam et du christianisme et leur coexistence dans les différents pays. En mars dernier, la première rencontre du Groupe de vision stratégique "Russie-Monde islamique" s’est tenue à Moscou. Par ailleurs, les Russes œuvrent activement à la création du Conseil des civilisations auprès de l’ONU sur l’initiative de la Turquie et de l’Espagne. Début juillet, la Russie accueillera le Sommet mondial des leaders religieux.

D’ailleurs, aucun projet humanitaire ne peut stabiliser la situation internationale et apaiser les tensions entre les différentes confessions. La plupart des conflits actuels ont des raisons plus politiques et socio-économiques que religieuses. Les mêmes raisons provoquent la radicalisation de l’islam considérée comme l’une des tendances les plus dangereuses par la plupart des pays, y compris islamiques.

L’écart entre les pays islamiques et industrialisés a des retombées socio-économiques et politiques, a estimé le secrétaire général de l’OCI au cours d’une conférence de presse à Moscou. Les systèmes politiques à la liberté de la parole limitée, à la séparation des pouvoirs inexistante et au rôle de la société civile réduite pratiquement à zéro incitent les jeunes à se tourner vers l’opposition et à adhérer aux mouvements radicaux pour s’exprimer et changer la situation dans leur pays. "L’islam sert à justifier leurs actions alors que cette religion n’a rien à voir avec la violence", a souligné Ekmeleddin Ihsanoglu. Le seul moyen de mettre un terme aux tendances extrémistes est la modernisation socio-économique et politique des pays islamique, l’éducation et le règlement des conflits politiques qui alimentent l’extrémisme, à son avis.

La Russie soutient pleinement cette position. Des propos en ce sens ont été émis au cours d’une table ronde qui s’est déroulée à Moscou pendant la visite du secrétaire général de l’OCI. Intitulée "Région du Proche-Orient élargi et de l’Afrique du Nord : réformes politiques et problèmes de la sécurité", la table ronde a été organisée par les chercheurs russes sous l’égide du ministère russe des Affaires étrangères dans le cadre de la présidence russe du G8 qui accorde une grande attention aux réformes dans les pays islamiques. Les orientalistes russes reconnaissent la nécessité de la modernisation, mais estiment que l’Occident doit accepter une modernisation progressive respectant les traditions locales. Les diplomates russes appellent leurs collègues occidentaux à faire preuve de retenue et à prendre en considération les particularités de la région.

La Russie exprime sa position sur les problèmes du Proche-Orient élargi et propose des solutions. Dans ce contexte, le rapprochement avec l’OCI se présente comme l’une des actions politiques les plus significatives de Moscou sur la scène orientale qui contribuera à la stabilisation de la situation.

Le monde islamique compte aussi sur le rôle stabilisateur de la Russie. L’OCI apprécie le rôle de médiateur que Moscou joue dans les conflits régionaux - palestino-israélien, irakien - et la crise iranienne, a notamment indiqué M.Ihsanoglu. Ces propos n’étaient pas une simple formule de politesse.

Source
RIA Novosti (Fédération de Russie)