Quand les ministres des Affaires étrangères des plus grands pays se retrouveront aujourd’hui à Genève pour parler du Darfour et de ses horreurs, ils devront clairement demander au gouvernement du Soudan d’arrêter le nettoyage ethnique. Le public sait peu de choses des exactions de Khartoum car le Soudan ne laisse pas accéder les travailleurs humanitaires et les journalistes dans la région et il est particulièrement dangereux d’y accéder en passant par le Tchad. Pourtant, la crise est aussi grave, si ce n’est plus, que celle de Bosnie en 1993.
Lors de la conférence de Genève, les ministres des Affaires étrangères doivent s’engager à fournir des ressources généreuses pour répondre aux besoins humanitaires et envoyer des inspecteurs des Droits de l’homme. Il faut qu’ils exigent un accès sans limite au Darfour et que le coordinateur humanitaire de l’ONU puisse prendre ses fonctions. Il faut s’assurer que les programmes humanitaires ne favorisent pas le nettoyage ethnique par inadvertance. Ils ne doivent pas s’arrêter là et il faut faire cesser les crimes contre la population civile.
Il ne faut pas compter sur le gouvernement soudanais pour cela car il soutient les milices et il faut donc exercer de fortes pressions internationales pour qu’il fasse cesser les exactions des milices et que les déplacés puissent rentrer chez eux. Le Conseil de sécurité doit prendre des mesures et aller plus loin qu’une simple condamnation des crimes sans accuser quiconque. Cette condamnation a eu si peu d’impact que le lendemain l’aviation soudanaise faisait bombarder un village du Darfour un jour de marché et 3000 miliciens arpentent encore la région. Leurs atrocités bafouent le cessez-le-feu signé le 8 avril 2004. L’Union africaine fait son possible pour faire respecter ce cessez-le-feu mais elle n’a pas mandat pour arrêter le nettoyage ethnique.
Le Conseil de sécurité craint de faire échouer les négociations dans le Sud en attaquant Khartoum sur le Darfour, mais peut-on estimer qu’il s’agit d’un partenaire fiable vu sa conduite à l’Ouest ? Le Conseil de Sécurité doit adopter une résolution demandant fermement la fin du nettoyage ethnique.

Source
International Herald Tribune (France)
L’International Herald Tribune est une version du New York Times adaptée au public européen. Il travaille directement en partenarait avec Haaretz (Israël), Kathimerini (Grèce), Frankfurter Allgemeine Zeitung (Allemagne), JoongAng Daily (Corée du Sud), Asahi Shimbun (Japon), The Daily Star (Liban) et El País (Espagne). En outre, via sa maison-mère, il travaille indirectement en partenarait avec Le Monde (France).

« Lay down the law to the killers of Khartoum », par Kenneth Roth, International Herald Tribune, 3 juin 2004.