Les Saoudiens dominent l’OPEP mais je ne suis pas sûr qu’ils soient capables d’augmenter la production de brut autant qu’ils le disent. Je me suis toujours demandé où ils cachaient les deux à trois millions de barils de pétrole par jour de leur prétendue capacité supplémentaire de production. Je suis très inquiet pour l’approvisionnement énergétique mondial et nous sommes très près d’une crise majeure. Il est hors de question de se contenter de faire confiance aux déclarations saoudiennes qui de toute façon ne pèsent pas lourd car nous manquions de moyens de transports pour répondre à la demande.
Aujourd’hui, la demande pétrolière explose et nous sommes peut-être au sommet de la production mondiale. Le taux de déclin des puits de pétrole est aujourd’hui de 25 à 30 % par ans mais on ignore exactement à quelle vitesse se vident les champs pétrolifères géants du Moyen-Orient. Les champs saoudiens sont les plus fournis au monde mais ils sont vieux et l’Arabie saoudite accroît sans cesse les chiffres sur ses réserves pétrolières alors qu’elle ne trouve pas de nouveaux gisements. J’ai récemment pu constater de visu que le brut extrait en Arabie saoudite contient de l’eau, et l’eau dans un gisement, c’est le début de la fin.
En août 1990, les Saoudiens ont prouvé qu’ils avaient de la marge mais je ne crois plus trop à leur capacité inutilisée. S’ils en ont vraiment, comme ils l’affirment, ils pourraient produire deux millions de barils par jour de plus, mais il s’agirait sans doute de pétrole lourd et on manque de raffineries capables de les traiter. On ne peut pas non plus compter sur les Russes pour suppléer l’offre saoudienne car ils n’ont pas de marges de manœuvre pour accroître leurs exportations.

Source
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.

« Les Saoudiens s’illusionnent sur leurs réserves », par Matthew Simmons, Le Figaro, 3 juin 2004. Ce texte est adapté d’une interview.