Quel est votre sentiment au lendemain de la conférence de Rome, dont vous avez été l’organisateur, qui a été considérée par beaucoup comme une déception ?

Non, pour une grande partie de la communauté politique internationale, cela a été un moment positif, un pas en avant. Personne ne pouvait penser que la conférence de Rome mettrait fin aux hostilités, surtout en l’absence des parties belligérantes. La réunion était importante par sa composition : l’Europe et ses institutions, les Etats-Unis, la Russie, une partie importante du monde arabe, exactement la coalition pour la paix sans laquelle aucun résultat ne sera possible. Et puis, il y a eu la déclaration pour un engagement actif afin d’arriver à un cessez-le-feu. Une déclaration de ce genre n’avait jamais été faite, même pas au G8.

Dans le document final, nous avons pratiquement employé les mêmes mots que le président Chirac dans son entretien au Monde : "Nous devons activement nous engager afin de réaliser les conditions pour qu’il y ait le cessez-le-feu." Mais, au-delà, je pense que le lancement d’une aide humanitaire d’envergure, l’engagement pour la reconstruction et le fait d’avoir posé les fondements politiques pour le déploiement d’une force internationale sont aussi des résultats majeurs.

Penser à déployer une force internationale avant même un cessez-le-feu, n’est-ce pas mettre la charrue devant les boeufs ?

La force internationale ne pourra s’installer dans la région qu’après la fin des hostilités, et sur la base d’un accord entre les parties. Mais l’annonce même de cette force peut créer les conditions favorables à un cessez-le-feu. C’est une garantie que la communauté internationale protégera Israël. En ce sens, l’annonce peut accélérer la fin des hostilités.

Comment réagissez-vous aux déclarations israéliennes selon lesquelles, au contraire, le résultat de la conférence de Rome serait un "feu vert" à la poursuite de l’offensive ?

Comme l’a dit la présidence finlandaise de l’Union européenne au nom des Vingt-Cinq, il s’agit d’une interprétation complètement fausse du texte final. Personne ne peut interpréter l’engagement immédiat de la communauté internationale pour arriver avec la plus grande urgence au cessez-le-feu comme une autorisation à aller de l’avant. C’est de la propagande. Au contraire, je voudrais qu’Israël retienne un appel à un maximum de retenue, un appel qui, hélas, jusqu’ici, n’a pas trouvé dans le comportement d’Israël une réponse positive.

Pensez-vous qu’il soit possible de reconstruire un processus diplomatique de zéro à partir de la conférence de Rome ?

Il s’agit d’une étape. Ce n’est pas un hasard si, au lendemain de la conférence, (le président de l’Autorité palestinienne) Abou Mazen est venu à Rome pour une visite qui n’était pas prévue initialement. Dimanche, je serai à Jérusalem pour des rencontres avec le gouvernement israélien. Avec eux, nous insisterons sur la modération, la protection des vies civiles, et l’arrêt d’urgence des combats. Nous voulons leur offrir l’engagement de la communauté internationale à combattre le terrorisme, et notre disponibilité pour participer à une force internationale qui garantisse la sécurité d’Israël.

En même temps, je souhaite parler avec eux des rapports avec les Palestiniens. L’impression que j’ai retenue de ma rencontre avec Abou Mazen, c’est que les efforts du président de l’Autorité palestinienne pourraient aboutir à une entente entre Palestiniens, notamment sur la restitution du caporal Shalit, puis l’arrêt des tirs de roquettes. Je voudrais donc évaluer la disposition d’Israël à travailler avec le président palestinien pour concrétiser cette perspective.

Il y a deux cessez-le-feu à réaliser, et deux processus de paix à remettre en mouvement. La situation du Liban est dramatique, mais on ne doit pas délaisser la question palestinienne, car je pense que la solution sera régionale.

Avez-vous ressenti entre les Etats-Unis et les partisans du cessez-le-feu immédiat, dont la France, un fossé insurmontable ?

La différence d’approche sur le Proche-Orient entre Européens et Américains ne date pas d’hier. Notre but n’était pas de mettre au jour ces différences, mais de chercher à définir un plan de travail commun, un engagement impliquant les Etats-Unis. L’idée d’une force internationale dans la région, par exemple, est une nouveauté absolue. Israël s’y est toujours opposé. Washington aussi. Je dis : travaillons à cette nouveauté. Si l’Europe est là-bas avec ses forces et prend ses responsabilités, elle pèsera beaucoup plus.

Quel rôle peut jouer l’Italie dans ce contexte ?

L’Italie a une tradition d’étroites relations aussi bien avec Israël qu’avec le monde arabe qui peut lui permettre de jouer un rôle. L’Italie l’avait un peu perdu ces derniers temps. La politique étrangère italienne a retrouvé une visibilité, que nous voulons mettre au service de l’Europe.

La Syrie et l’Iran n’étaient pas présents à Rome. Avez-vous l’intention d’avoir aussi une démarche envers eux ?

Il est important que la Syrie et l’Iran nous aident à résoudre les problèmes. Dès la réunion des ministres européens des affaires étrangères, le 1er août, nous devrons nous demander comment développer une initiative qui implique ces deux pays de manière active et positive dans la recherche d’une solution.

Source
Italie (ministère des Affaires étrangères)