Bonjour, je voudrais d’abord vous dire le plaisir que j’ai d’accueillir aujourd’hui mon homologue Mme Tzipi Livni avec laquelle j’entretiens, comme vous le savez, une relation de confiance.

La France accorde une très grande importance au dialogue avec Israël, en particulier en ces moments troublés, durant cette période cruciale pour parvenir à une stabilisation de la situation entre Israël et le Liban.

Mme Livni m’a fait part de ses préoccupations, préoccupations sécuritaires bien légitimes de la part d’Israël. Nous cherchons à parvenir à un cessez-le-feu durable qui aura deux conséquences : ce cessez-le-feu doit permettre, d’une part, à Israël de vivre en toute sécurité - ce qui est une légitime demande – et, d’autre part, de préserver la souveraineté de l’Etat libanais.

Nous sommes tous les deux d’accord pour dire que seule l’application pleine et entière de la résolution 1701, par toutes les parties y compris le Hezbollah, permettra de parvenir à la situation que nous souhaitons. Aujourd’hui, nous continuons d’appeler à la libération de tous les prisonniers israéliens ainsi qu’au retrait de l’armée israélienne pour que l’armée libanaise se déploie. Ceci constitue les deux faits politiques majeurs de la semaine passée.

Avec Mme Livni, nous sommes convenus que ce double mouvement de déploiement de l’armée libanaise au sud du Liban et de retrait de l’armée israélienne ne peut se faire qu’avec l’appui d’une FINUL renforcée. Il est capital que les troupes arrivant en renfort de la FINUL, dont le mandat doit être clair et clairement défini, puissent se déployer le plus rapidement possible et en nombre suffisant sur le terrain. C’est ce qui a déjà commencé à se produire, notamment avec l’arrivée d’une contribution française sous la forme d’un contingent.

Les consultations se poursuivent actuellement avec l’ensemble de nos partenaires, en particulier avec nos partenaires européens. J’aurai d’ailleurs une réunion avec mes homologues européens, ce vendredi.

Nous avons également évoqué, avec Mme Livni, l’idée d’une relance des efforts en vue d’une solution globale au conflit israélo-arabe. Sur un chemin difficile et semé d’embûches, la France se tiendra toujours aux côtés des Israéliens comme des Palestiniens, pour surmonter les obstacles, vaincre les réticences et s’engager résolument dans la voie de la négociation, la seule qui permettra la paix juste et durable que nous appelons de nos vœux.

Pour reprendre les questions posées à Mme Livni et avant de répondre à celle que l’on vient de m’adresser, je voudrais dire que la résolution 1701 est une résolution qui engage les deux gouvernements israéliens et libanais mais aussi toutes les parties et la communauté internationale afin que la souveraineté du Liban soit respectée et que soit levé le blocus maritime et aérien à l’encontre du Liban.

Enfin, il faut qu’il y ait, de la part du Liban, un engagement à respecter cet embargo sur les livraisons d’armes et, à terme, que l’on aboutisse à un désarmement des milices.

Maintenant, pour répondre à votre question, je voudrais vous dire que la France a souhaité être le premier pays à contribuer au renforcement de la FINUL. Le président de la République a immédiatement décidé de dépêcher 200 hommes supplémentaires en renfort des 200 qui y sont déjà. Je me permets de signaler que nous avons déjà 1.700 hommes engagés dans l’Opération Baliste, sur les bâtiments de la Marine nationale, au large des côtes libanaises. Ils permettent pour une large part l’acheminement du ravitaillement de la FINUL. De plus, je soulignerai que nous avons, en effet, demandé des précisions et des clarifications à l’ONU concernant cette FINUL renforcée.

Nous avons travaillé à quatre objectifs : clarifier les missions de cette FINUL renforcée, bien définir la chaîne de commandement la plus crédible possible et, bien sûr, le mode d’engagement de la FINUL renforcée, et enfin, définir les garanties de sécurité.

Le chef de l’Etat aura l’occasion de dire quelles forces armées doivent entrer dans la FINUL. Il a déjà répondu et c’est le premier à l’avoir fait, en urgence, à cette demande des Nations unies qui parlent de 3.000 à 3.500 hommes nécessaires dans cette phase d’urgence.

Je vois avec plaisir que la demande française a été acceptée par la présidence de l’Union européenne assurée par la Finlande. Vendredi, je me rendrai à une réunion ministérielle pour voir quels sont les partenaires européens qui souhaitent participer et également les réactions politiques, militaires et humanitaires à la crise libanaise de la part des Vingt-cinq.

Comme vous le savez, nous avons toujours dit que nous examinerions avec soin la composition et la répartition, l’équilibre des forces de cette FINUL renforcée.

Q – Monsieur le Ministre, je crois comprendre la région : ne peut-on pas suivre les Etats-Unis sur la voie de sanctions contre l’Iran si le programme d’enrichissement n’est pas stoppé ?

L’Union européenne n’y aurait-elle pas intérêt, en y gagnant doublement : à la fois en dissipant cette crainte que peut-être ce programme d’enrichissement nucléaire fait planer et en montrant que l’Iran doit respecter la souveraineté du Liban, notamment en s’abstenant de financer ou de fournir le Hezbollah en armes comme on le soupçonne de le faire ?

R – Concernant l’Iran, comme vous le savez, la réponse aux propositions ambitieuses que la Russie, la Chine, les Etats-Unis d’Amérique, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne lui ont faites est arrivée hier, par l’intermédiaire de nos ambassadeurs à Téhéran. C’est un document long et complexe que nous sommes en train d’étudier. Nous le commenterons ultérieurement.

Dès à présent, nous avons demandé que se tienne une réunion avec nos partenaires européens, en particulier avec les membres de E3 ainsi qu’avec M. Javier Solana.

J’ai entendu hier M. Larijani dire qu’il était prêt à reprendre des négociations. Je souhaite rappeler ici la disponibilité de la France à négocier et que, comme nous l’avons toujours dit et comme le sait très bien M. Larijani, le retour à la table des négociations est lié à la suspension de l’activité d’enrichissement de l’uranium.

Q – Monsieur le Ministre, il y a quelques semaines, vous aviez un peu surpris les Israéliens et d’autres en disant que "l’Iran", précisément, "était une force de stabilisation dans la région", je vous cite. Aujourd’hui, après la décision de l’Iran justement d’aller jusqu’au bout de son programme atomique, maintenez-vous cette analyse ? Sachant bien que l’Iran arme notamment le Hezbollah.

R – Ne confondons pas les dossiers. Concernant l’Iran, nous devons, en effet, et nous l’avons fait, réagir avec fermeté au dossier nucléaire iranien. Je rappelle que la France présidait le Conseil de sécurité des Nations unies le 31 juillet. Ce 31 juillet 2006, nous avons choisi de voter à l’unanimité, moins une voix, une résolution qui vise à soumettre l’Iran à des sanctions, placée sous le chapitre sept de la Charte des Nations unies, article 41, au sujet de son dossier nucléaire.

C’est donc avec la plus grande fermeté que nous devons réagir sur ce dossier iranien. Je viens de redire à l’instant que la main est toujours tendue, que la négociation est possible à condition que cette négociation soit souhaitée de l’autre côté ; les règles du jeu sont connues par les Iraniens, il faut d’abord suspendre les activités nucléaires sensibles.

Concernant le conflit israélo-libanais, comme l’a dit le président de la République dans un entretien avec un journal du soir, ce mois d’août, ou bien l’Iran souhaite jouer un rôle important dans cette région du monde, auquel cas nous lui disons que c’est le moment où jamais de le montrer, de montrer que l’on peut stabiliser cette région. Ou bien il ne le fait pas, et il prend au contraire le risque de s’isoler de la communauté internationale. Les choses sont claires.

Q – Vous avez beaucoup de dossiers en cours avec Mme la Ministre, vous évoquez beaucoup de sujets pour lesquels vous êtes à l’écoute l’un de l’autre. Grâce à cette amitié entre la France et Israël, vous vous permettez aussi de montrer vos désaccords à Israël, comme la politique d’enlèvement des élus parlementaires depuis un certain temps. Avez-vous soulevé cette question aujourd’hui ?

Avez-vous parlé du procès de M. Doweik ? Comptez-vous montrer, là aussi, votre désapprobation concernant cette politique ?

R – C’est avec préoccupation que nous avons appris l’arrestation du vice-Premier ministre palestinien, Nasser Shaer et celle du Secrétaire général du Parlement M. Mahmoud Al Ramhi.

Nous avons clairement fait savoir notre position sur ces arrestations. Nous disons que seul un processus politique fondé sur le dialogue pourra mettre un terme au conflit israélo-palestinien. L’Union européenne avait eu l’occasion de s’exprimer le 3 juillet dernier sur les premières arrestations visant des ministres et des membres du Parlement palestinien, à la fin du mois de juin. L’arrestation de M. Doweik, le président du Parlement palestinien actuellement jugé par un tribunal israélien relève malheureusement de la même logique qui, de notre point de vue, ne contribue ni à la diminution de la tension, ni au renforcement - si souhaitable et d’abord pour Israël - des forces modérées parmi les Palestiniens.

Q – Deux points de détail : Monsieur le Ministre, aujourd’hui, la Syrie a fait savoir que le déploiement d’une FINUL renforcée sur ses frontières serait un acte d’hostilité, qu’avez-vous à répondre ?

R – Concernant les frontières, je voudrais dire d’abord que la FINUL renforcée n’a, à aucun moment, une mission d’imposition de la paix mais qu’elle a une mission d’appui et d’assistance aux armées libanaises au sud-Liban. Au niveau de la FINUL renforcée, il y a deux objectifs très distincts : le premier est d’appuyer en effet l’armée libanaise dans son déploiement et le deuxième est d’aider l’armée libanaise à s’assurer du respect de l’embargo sur les livraisons d’armes, à toutes les frontières du pays.

Il est donc nécessaire que cette résolution 1701 s’applique. Et d’ailleurs, puisque vous parlez de la Syrie, c’est aussi l’occasion pour moi de dire à ce pays que la résolution 1595 s’applique également à ce pays./.

Source
France (ministère des Affaires étrangères)