Le meurtre brutal de cinq travailleurs humanitaires de Médecins sans frontières (MSF) en Afghanistan au début du mois démontre la détérioration des conditions de sécurité dans ce pays et l’échec des membres de l’OTAN pour y faire face. Depuis début 2004, 38 travailleurs humanitaires ont été tués, principalement par d’ex-Talibans, Al Qaïda oui des nationalistes pachtounes ou islamiques. C’est presque le double de l’année précédente. Les bandits et trafiquants de drogue peuvent également être tenus pour responsable de certaines de ces morts, mais MSF pense que ces attaques étaient surtout motivées politiquement.
Les Afghans et les expatriés pointent de plus en plus l’implication de Gulbbudin Hekmatyar dans ces violences. Cet homme a été soutenu par la CIA dans les années 80 pour lutter contre les Soviétiques. Il mène aujourd’hui le jihad contre Hamid Karzaï et les États-Unis. En dépit des avertissements d’associations humanitaires, de journalistes et de responsables du département d’État, la CIA a toujours soutenu les fondamentalistes islamistes dans les années 80 en affirmant qu’ils étaient les résistants les plus efficaces. L’Occident ignora également le danger que représentait l’abandon à eux-mêmes de ces groupes après le départ de l’Armée rouge. Cela a entraîné la guerre civile et l’avènement des Talibans.
Les meurtres d’agents de MSF est également en partie la responsabilité des forces de la Coalition qui, en embarquant les groupes humanitaires dans leurs escadrons, les ont assimilés à des combattants. En distribuant des tracts demandant des informations contre les guérillas en échange de la poursuite de l’aide humanitaire, les forces de la Coalition ont achevé de semer la confusion. Cette violence nuit gravement à la reconstruction car elle pousse les ONG et les agences de l’ONU à limiter leurs opérations et cela prive les Afghans d’aide, ce qui fait naître la frustration. De même, l’ONU ne peut pas enregistrer les électeurs pour les prochaines élections.
Face aux milices, les forces de sécurité afghanes ne peuvent pas grand-chose. Il faudrait aider ces troupes à se développer. Les forces de la Coalition font face aux mêmes problèmes que l’Armée rouge. Il n’y aura pas de solution rapide, il faut une implication à long terme. Si ce n’est pas le cas, alors avec le retour d’Hekmatyar, l’Occident pourrait payer son manque de projet des années passées.

Source
Christian Science Monitor (États-Unis)

« Losing humanitarian perspective in Afghanistan », par Edward Girardet, Christian Science Monitor, 24 juin 2004.