Pour remplacer George W. Bush à la Maison-Blanche, John Kerry s’efforce de séduire le pouvoir militaire et les multinationales. Aux premiers, il assure qu’il poursuivra beaucoup plus avant la militarisation du pays ; aux seconds, il affirme qu’il répartira de manière plus large les profits des guerres impériales. Pour convaincre l’état-major, il met en avant son passé d’ancien combattant. Tous ses meetings commencent par un hommage aux vétérans. Et il ne déplace jamais sans être accompagné de son témoin de prédilection, le lieutenant Jim Rassman. Celui-ci ne manque jamais une occasion de raconter de manière affable comment au péril de sa vie, le courageux Kerry le repêcha dans la rivière de Bay Hap sous le feu nourri du Viet-Cong. Cette affaire, chargée d’émotion, a fait l’objet d’une campagne de spots promotionnels de 50 millions de dollars. Il n’est donc pas étonnant que, bien qu’elle soit somme toute très secondaire, cette belle histoire ait donné lieu à des vérifications poussées. Rapidement, le Parti républicain a accumulé quantité de témoignages contredisant celui de Rassman et a commencé à les exploiter. Un groupe de vétérans ayant servi sous les ordres de Kerry a ouvert un site internet pour dégonfler le prétendu héroïsme de John Kerry. L’historien John B. Dwyer en donne compte-rendu dans le Washington Times. Surtout John E. O’Neill et Jerome R. Corsi ont publié un ouvrage dévastateur dans lequel ils ne se contentent pas de remettre en question cet épisode, mais toute la biographie militaire officielle du candidat démocrate. Ils en concluent que celui-ci est inapte au commandement. Le Washington Times, toujours lui, a publié en feuilleton trois extraits du livre dont nous donnons compte-rendu.
Une fois capitaine Kerry descendu de son piédestal, les néo-conservateurs poursuivent l’offensive en l’accusant, ni plus, ni moins, d’être un crypto-pacifiste ; argument ultime pour le discréditer auprès de l’état-major. William Kristol consacre l’éditorial du prochain Weekly Standard pour rappeler qu’en 1969, Kerry draguait dans le sillage électoral de George McGovern en témoignant devant le Sénat que les GI’s commettaient quotidiennement des crimes de guerre au Vietnam. Or, les critiques que l’on pouvait admettre d’un héros sont insupportables pour les vétérans lorsqu’elles sont formulées par un officier médiocre qui a déjà usurpé des faits d’armes. Loin d’être une péripétie de plus dans une campagne électorale qui devient agitée, ces accusations portent un coup très dur à la candidature Kerry et seront décisives s’il n’y est pas trouvé de réponse satisfaisante. D’autant que ces accusations vont renforcer les critiques destinées à le discréditer auprès des multinationales. Jusqu’à présent, celles-ci voient d’un bon œil le retour de l’équipe Clinton (Albright, Berger, etc.) dans les bagages de Kerry, mais elles s’inquiètent de sa capacité à prendre des décisions. On sait déjà que le candidat démocrate n’a aucune expérience du pouvoir exécutif. Il n’a jamais été gouverneur, ni ministre, seulement parlementaire. On sait qu’il ne gère pas lui-même sa considérable fortune. On apprend maintenant qu’il n’était pas capable de commander avec sang-froid un groupe de six soldats. Voilà qui n’incite guère les grands patrons à la confiance.

L’écrivain britannique John Harris revient dans le Guardian sur cette propension des gouvernants à susciter la peur pour faire admettre leur politique. Durant la Guerre froide, ils assuraient que nous étions à la veille de l’apocalypse nucléaire. Maintenant, ils prétendent qu’il n’y avait pas de danger réel dans la mesure où les dirigeants de l’URSS étaient des hommes rationnels, mais ils nous assènent que le terrorisme est un plus grand danger encore. Et en définitive, ces excès de langage débouchent sur des mesures dérisoires comme le conseil de prendre le train plutôt que l’avion.

Henry Siegman, ancien président de l’American Jewish Congress, dénonce dans l’International Herald Tribune la transformation de l’idéal sioniste par le Likoud en une idéologie raciste. Selon lui, les leaders les plus extrémistes du Likoud veulent imposer un apartheid aux Palestiniens, tandis qu’Ariel Sharon a opté pour une politique de Bantoustans. On observera que les propos de M. Siegman, une des personnalités plus respectées de la communauté juive états-unienne, sont exactement ceux qui avaient été tenus par la majorité des participants à la Conférence internationale contre le racisme, organisée par l’ONU à Durban, en septembre 2001. À l’époque, la délégation états-unienne avait crié au scandale et réfuté l’assimilation odieuse entre sionisme et racisme. La conférence s’est conclue dans un désordre général et en suspendant le vote d’un texte final. La position officielle des États-Unis ne représente donc pas celle des juifs états-uniens.

Enfin, les remarques de Patrick Seale à propos de la hausse du pétrole ont eu suffisamment de retentissement dans le monde arabe pour être publiées à la fois par Gulf News, Dar Al-Hayat et le Daily Star. Il relève que l’invasion de l’Irak visait à prévenir la prévisible hausse du pétrole en faisant main basse sur ses réserves, mais que l’impossibilité de les exploiter, face à la résistance, précipite au contraire la hausse des cours mondiaux. Dans un premier temps, cette hausse profite aux pays producteurs, principalement aux Arabes. Mais simultanément, elle rend rentable l’exploitation d’énergies de substitution et stimule les recherches sur l’hydrogène. Ce faisant, elle hâte le moment où l’on pourra se passer du pétrole. Les États arabes seraient donc avisés d’investir la manne inattendue dont ils disposent en prévision du moment où elle se tarira.