Comme nous l’avions prévu dans ces colonnes, la polémique sur le passé militaire de John Kerry ne cesse de gonfler. L’enjeu n’est évidemment pas de savoir si les faits d’armes dont se glorifie le candidat démocrate sont ou non authentiques, mais d’évaluer si cet homme est capable de satisfaire à la Maison-Blanche les intérêts de l’état-major interarmes dont on sait qu’il exerce dans l’ombre la réalité du pouvoir politique. Le journaliste new-yorkais Ben Wasserstein monte au créneau dans le Los Angeles Times pour assurer le témoignage des vétérans mettant en cause le rôle de Kerry dans l’incident qui lui valut une Bronze Star n’est pas crédible. Le journaliste William B. Rood témoigne quant à lui dans le Chicago Tribune du comportement exemplaire de Kerry dans l’incident qui lui valu sa Silver Star. Mais le doute est désormais insinué dans tous les esprits et les néo-conservateurs ont déjà ouvert d’autres fronts. Ainsi, dans le Washington Post, Joshua Muravchik de l’American Enterprise Institute taille en pièces le bobard de Kerry sur sa prétendue mission secrète au Cambodge. Tandis que Frank J. Gaffney Jr. du Center for Security Policy souligne dans le Washington Times que le sénateur Kerry n’a jamais soutenu au Sénat les demandes des militaires et a toujours agi contre leurs intérêts. Ces nouvelles accusations sont, elles, vérifiables et donc plus graves encore. Les souvenirs de Kerry à propos du Cambodge sont démentis par une grossière erreur de date qu’il a commise. Quant à son action au Sénat, il suffit de reprendre le texte de ses auditions et le relevé de ses votes pour confirmer qu’il a suivi l’air du temps : il était pacifiste à l’époque de McGovern et joue au " dur " depuis le 11 septembre. Bref, on ne voit pas comment Kerry pourrait gagner la confiance de l’état-major indispensable pour accéder à la présidence.

L’annonce par le président Bush du rapatriement de 70 000 soldats états-uniens stationnés à l’étranger suscite des analyses contrastées. Tous les commentateurs s’accordent à penser que la Guerre froide finie le déploiement actuel n’a plus de sens. Le mode actuel de fonctionnement de l’armée US rend inutile le maintien de bases à l’étranger et fonde la projection de forces sur sa capacité de transport et d’édification rapide de bases ad hoc sur zone. Doug Bandow du Cato Institute en conclut dans le Taipei Times qu’il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin et qu’il faut rapatrier la totalité des troupes stationnées en Asie et en Europe. Mais à l’inverse, Robert E. Hunter de la Rand Corporation fait valoir dans le Christian Science Monitor que ce déploiement a une autre fonction : il permet de réaliser des manœuvres communes avec les États alliés. Cette remarque permet, a contrario, de mieux comprendre les intentions de Washington : le Pentagone se conçoit désormais comme la police globale. Il conçoit un dispositif de projection tous azimuts et non plus de défense de ses alliés. Il ne se pense d’ailleurs plus d’alliés et ne compte que sur ses propres forces. Il s’ensuit que l’OTAN, qui n’est déjà plus un pacte défensif face à celui de Varsovie, n’est plus un organisme d’intégration militaire au sein d’une coalition permanente, et ne tardera pas à être réduit à une bourse de l’engagement où les États-Unis pourront choisir des partenaires ad hoc selon les objectifs du moment.

La logique interne des médias, comme la méconnaissance de sujets complexes, conduit toujours à simplifier et à personnaliser les évènements. Ainsi, la presse de référence ne parvenant pas à décrire le foisonnement des groupes de résistance irakien, elle rapporte tous les accrochages à l’armée du Mehdi, c’est-à-dire aux " miliciens de l’imam radical Moqtada al-Sadr ". Mais au fait, quel est ce personnage emblématique ? Sami Radamani souligne dans le Guardian qu’il incarne aujourd’hui la résistance à l’occupant parce que son aura s’étend bien au-delà de la sphère chiite dont il est issu. Sa famille dispose depuis longtemps d’une considération et d’une légitimité dont il n’a pas démérité. Outre son activité proprement politique, c’est aussi le chef d’un vaste appareil d’action sociale. Enfin, c’est un homme d’ouverture, multipliant les liens avec les autres leaders à la manière de cheik Nasrallah, le chef du Hezbollah libanais. Sharif Hikmat Nashashibi, président de l’Observatoire des médias arabes, relève quant à lui dans The Independent que Moqtada al-Sadr n’a rien d’un extrémiste. C’est au contraire une personnalité modérée qui a repoussé le plus longtemps possible le recours à la lutte armée et ne s’y est engagé que pour défendre les siens face à l’armée d’occupation. Aujourd’hui encore, c’est un leader qui condamne les attentats aveugles, les assassinats, les attaques contre l’Onu et les enlèvements d’étrangers. La Coalition a donc tort de s’acharner sur lui, car son éventuelle disparition ouvrira sans aucun doute la voie aux vrais extrémistes.

Enfin, usant de son droit de réponse, Jimmy Carter répond dans le Wall Street Journal aux allégations du quotidien selon lequel il aurait couvert une fraude massive lors du référendum révocatoire au Venezuela. L’ancien président rappelle qu’il a effectué toutes les vérifications qui lui ont été demandées par l’opposition et que ses constats ont été confirmés par les observateurs de l’Organisation des États américains. La vérité, c’est qu’il n’y a pas eu de fraude, que le soutien populaire à Chavez n’a pas varié depuis son accession au pouvoir, et que l’opposition n’arrive pas à faire le deuil de ses espérances.