Pauvre John McCain, voilà un type pour qui j’ai toujours eu de la sympathie et qui en est réduit à jouer les porteurs d’eau de la campagne de George W. Bush. Lundi soir, j’étais dans la section réservé à la presse pour assister à la convention républicaine quand le sénateur McCain est passé du statut d’avocat de la Guerre d’Irak à celui de critique cinéma pour s’attaquer à Fahrenheit 9/11, un film qu’il a avoué plus tard ne pas avoir vu. Je sais que les Républicains sont fous de rage à l’idée que ce film ait pu faire basculer juste ce qu’il fallait d’électeurs pour leur faire perdre l’élection.
Au beau milieu d’un discours sur la menace terroriste, il a affirmé que j’avais présenté l’Irak comme un " oasis de paix " dans mon film. En entendant cela, les 20 millions de spectateurs ont dû se demander comment ils avaient fait pour louper cette scène. En fait, il doit faire référence aux images d’irakiens vaquant à leur occupation quotidienne avant de mourir dans les bombardements que j’ai présentés dans mon film. Je voulais leur donner un visage humain. A ce moment là, je me suis senti mal pour MCCain. Durant les primaires républicaines de 2000, le clan Bush a fait courir sur lui des rumeurs sur sa santé mentale après avoir passé cinq ans dans les camps de prisonniers au Vietnam, puis a affirmé qu’il avait un bébé noir (en fait sa femme et lui ont adopté une petite fille du Bangladesh) et aujourd’hui, il doit faire campagne pour eux. Toutefois, son histoire me fit rire et j’apparus à ce moment là sur les écrans de la convention. Les républicains se mirent à scander en rythme le slogan " quatre ans de plus ". Ils se trompaient dans leurs comptes ; il ne reste plus que deux mois et je rectifiai en leur faisant signe, mais cela ne fit qu’attiser leur frénésie.
Il est étrange de voir qu’un parti prétendant nous faire gagner la guerre au terrorisme me siffle plus qu’ils ne le font pour Saddam ou Ben Laden. Peut-être est-ce parce que je suis plus facile à attraper. Je devrais inviter le sénateur McCain à voir mon film, il y verrait de braves soldats comme lui dire la vérité sur cette guerre.

Source
USA Today (États-Unis)

« The Ebert and McCain show », par Michael Moore, USA Today, 31 août 2004.