À l’occasion du troisième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, Le Figaro donne la parole à deux personnalités atlantistes qui tirent leurs premières conclusions de l’actuelle guerre au terrorisme.
Pierre Lellouche assimile le 11/9 à la prise d’otages de Beslan et considère que désormais les États-Unis et la Russie sont partenaires dans la guerre contre le terrorisme islamique. Pour François Heisbourg, la France, qu’elle le veuille ou non, est dans le même bateau, car aux yeux des islamistes elle est aussi une terre de mécréants. Pour ces deux auteurs, le moment est donc venu de l’union sacrée de la civilisation face à la violence produite par l’arriération de la civilisation musulmane.
Rappelons à nos lecteurs que M. Heisbourg est administrateur de l’International Institute for Strategic Studies de Londres, qui publia la désinformation de référence sur les armes de destruction massive irakiennes, et que M. Lellouche fut responsable de la revue de ce think tank. Observons également que la position attribuée par ces « experts » à la Russie est contredite par les déclarations du ministre russe des Affaires étrangères que nous avons rapportées hier dans ces colonnes : Moscou considère que la prise d’otages de Beslan a été commanditée par des dirigeants états-uniens et britanniques formés durant la Guerre froide et s’il établit un parallèle entre le 11/9 et le massacre de Beslan, c’est uniquement pour souligner ses droits à la riposte. De même, Moscou réfute la théorie de la guerre des civilisations et, loin d’assimiler le terrorisme au wahhabisme, vient de conclure une alliance avec l’Arabie saoudite. Au contraire, les Atlantistes pensent le monde comme un affrontement entre l’islamisme, c’est-à-dire la quintessence violente de l’islam, et le monde non-musulman, donc civilisé.

M. Heisbourg définit Al Qaïda comme une nébuleuse en trois cercles concentriques dont le cercle extérieur a la propriété… de ne pas faire partie d’Al Qaïda. Ainsi donc, l’ennemi est à définition variable. Quelques barbus terrés au fond de grottes n’en sont pas moins capables de rivaliser avec la première puissance militaire mondiale. Aussi, pour décrire ce conflit binaire, a-t-il introduit le concept d’hyperterrorisme qui répond à celui de M. Védrine qualifiant les États-Unis d’hyperpuissance.
C’est à ce type de paranoïa que le statisticien Bart Kosko répond ans le Los Angeles Times. Il observe que le nombre de victimes du terrorisme dans le monde est inférieur à 1 000 par an, avec une pointe en 2001 n’excédant pas 4 000. En comparaison, aux seuls États-Unis, on dénombre 15 000 meurtres par an et 40 000 décès par accident de voiture. On peut en conclure que les vrais menaces ne sont pas là où on les imagine et que les États-uniens ont inutilement sacrifié leurs libertés fondamentales.
Moins tranchant, un ancien responsable du Conseil de sécurité nationale, Daniel Benjamin, relève dans le même quotidien qu’il est illusoire de prétendre avoir accru l’efficacité de la lutte contre le terrorisme depuis le 11 septembre en changeant de méthode. C’est à tort que Dick Cheney prétend que la sécurité s’est améliorée quand on a cessé de considérer le terrorisme comme un crime relevant de la police pour en faire une guerre relevant des armées : en réalité, les seuls résultats tangibles ont été obtenus classiquement par les forces de l’ordre.

Mattheuw Bunn et Anthony Wier de l’université d’Harvard vantent dans le Washington Post le plan du département de l’Énergie pour sécuriser les installations nucléaires russes. Le lecteur se souvient que le 26 mai dernier à Vienne, le secrétaire Spencer Abraham avait présenté son Initiative de réduction de la menace globale (GTRI). Sous couvert d’empêcher des terroristes d’acheter des matières radioactives sur des marchés parallèles, il s’agit principalement de récupérer ces matières disséminées dans l’ex-empire soviétique pour empêcher les nouveaux États de s’en servir.

Le journaliste vedette du New Yorker, Seymour Hersh, publie aujourd’hui en librairie son enquête sur les tortures en Irak. Témoignages et documents à l’appui, il analyse cette politique et dénonce ceux qui l’ont ordonnée. Pour éteindre l’incendie, l’ancien secrétaire à la Défense James R. Schlesinger donne compte rendu de sa mission d’inspection dans le Wall Street Journal. Il avait été chargé par son successeur Donald Rumsfeld de faire toute la lumière sur les responsabilités dans l’affaire des tortures en Irak. Sans surprise, M. Schlesinger innocente M. Rumsfeld, minimise les faits et félicite les troupes. Son argument principal est que les coupables ne menaient pas des interrogatoires (et n’avaient donc pas d’ordre pour se livrer à ces atrocités), mais qu’ils « s’amusaient ».

Enfin, l’ancien Premier ministre et actuel candidat à la présidence de l’Ukraine, Viktor Yushchenko espère faire sortir son pays de l’orbite russe pour le faire entrer dans l’OTAN et l’Union européenne. C’est ce programme qui lui vaut le soutien financier de la NED/CIA et qu’il présente franchement dans l’International Herald Tribune.