Les États-Unis ont poussé au Conseil de sécurité un texte visant à obliger la Syrie à se retirer du Liban et à contraindre le Liban à démilitariser le Hezbollah. Après diverses péripéties diplomatiques, la résolution 1559, adoptée le 2 septembre, formule une série de demandes vagues. Ni la Syrie, ni le Hezbollah ne sont nommément désignés, ce qui vide le document de toute substance. Plus équivoque encore, le Conseil souhaite que l’élection présidentielle se déroule « conformément à des règles constitutionnelles libanaises élaborées en dehors de toute interférence ou ingérence étrangère ». Pour les rédacteurs états-uniens, cela signifie que les Syriens doivent renoncer à faire modifier à la hâte la Constitution pour permettre au président Émile Lahoud de briguer un nouveau mandat. Mais pour d’autres membres du Conseil de sécurité, cette même phrase signifie au contraire que les États-Unis doivent renoncer à s’opposer à cette réforme et admettre un nouveau mandat Lahoud.
Dans ce jeu de dupes, Paris a apporté son soutien à Washington, comme la corde au pendu, pour gommer une à une toutes les références explicites aux divers protagonistes. En définitive, la résolution 1559 aura provoqué mécaniquement l’unité du Liban. Le Premier ministre, Rafic Hariri, adversaire d’Émile Lahoud, a lui-même immédiatement proposé la réforme constitutionnelle que le Conseil des ministres s’est empressé d’approuver et le Parlement de voter. Alors que seul le Hezbollah soutenait ouvertement la candidature du général Lahoud, presque tous les partis se sont ralliés au président sortant, à la plus grande satisfaction du grand frère syrien qui suivait la manœuvre en contact permanent avec Paris. Cependant, soucieuse de crédibiliser son jeu subtil, la France s’est livrée à des déclarations intempestives qui ont fait quelques dégâts. L’ancien ministre libanais George Corm se demande à ce propos, dans Le Monde, si Paris n’a pas été influencé par « l’Appel de Beyrouth ». Pour clore cette opération sans laisser de goût amer, il faudrait maintenant que la diplomatie française rectifie certaines de ses déclarations.

Le mythe de la menace nucléaire nord-coréenne fournit aux néo-conservateurs le seul argument qui leur reste pour justifier leur pharaonique et inutile programme anti-missiles. Il est régulièrement alimenté par des opérations de désinformation dont la dernière en date a consisté à annoncer l’explosion d’une bombe atomique nord-coréenne à l’occasion de la fête nationale de ce pays. Il s’agissait en fait d’une explosion volontaire sur un colossal chantier de travaux publics. Loin de se gausser de cette nouvelle intox, John Kerry en a profité pour en rajouter sur son concurrent en accusant le président Bush de laxisme avec Pyongyang.
L’ancien conseiller de sécurité nationale de Reagan, Richard V. Allen s’indigne dans le New York Times que les démocrates se permettent de donner des leçons aux républicains. Il souligne que la politique de Bush se veut une réponse à ce qu’il considère être un échec de Clinton.
Loin de ces surenchères, le parlementaire britannique Glyn Ford observe dans le Guardian qu’il n’y a pas eu d’explosion nucléaire et que la menace nord-coréenne est purement imaginaire. La vérité, c’est que Pyongyang tente de s’insérer dans l’économie de marché, comme la Chine l’a déjà fait, et que, si danger nucléaire il y a dans la péninsule, il vient du programme atomique sud-coréen. Le budget militaire sud-coréen est d’ailleurs supérieur au PIB nord-coréen.

Vladimir V. Poutine ayant décidé de mettre fin au processus de régionalisation mis en œuvre par son prédécesseur et, au contraire, de renforcer le contrôle du pouvoir central dans tous les territoires, la presse atlantiste le conspue. Après le drame de Beslan, le président russe déclare chercher à prévenir l’éclatement de son pays, tandis que ses adversaires l’accusent de rétablir le pouvoir absolu des tsars et des soviets. On passe ainsi d’une condamnation du pouvoir autoritaire communiste à une dénonciation de l’autoritarisme congénital de « l’âme russe » qui frise la xénophobie.
Ainsi, Robert Kagan dénonce la restauration d’une dictature à l’ancienne dans le Washington Post. L’intellectuel néo-conservateur implore donc le président Bush de faire pression sur son homologue russe pour faire cesser sa dérive.
Dans Le Monde, André Glucksmann reproche à Vladimir Poutine de ne pas avoir négocié l’indépendance de la Tchétchènie contre la vie des otages de Beslan et d’être, de ce fait, responsable du carnage. Au passage, il regrette que le Kremlin refuse de considérer l’ancien président Maskhadov comme un interlocuteur, oubliant de signaler que ce leader « modéré » vient de proposer 20 millions de dollars de récompense à toute personne qui assassinerait le président Poutine.
Le même quotidien publie une fort intéressante tribune de Boris Berezovski. Parfaitement rompu à la communication occidentale, l’oligarque, réfugié en Grande-Bretagne, y déplore que le président Poutine ait choisi la voie du centralisme et se refuse à négocier une autonomie de la Tchétchénie. On serait tenté de partager son point de vue si l’on ne se souvenait que cette autonomie a déjà été proposée par Moscou et refusée par les indépendantistes, montrant ainsi que le véritable enjeu de ce conflit est bien l’éclatement de la Russie dans le prolongement de celui de l’URSS.