Tendances et événements au Proche-Orient

La campagne menée par le président George Bush en personne contre le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki, notamment après sa visite à Damas, a remis sur le tapis le projet états-unien visant à renverser le gouvernement irakien quelques semaines avant l’examen par le Congrès d’un rapport sur la stratégie de la Maison-Blanche dans le pays des deux fleuves.
Dans ce cadre, le Washington Post a révélé que la Maison-Blanche est intervenue dans la rédaction de ce rapport préparé par le général David Petraeus et l’ambassadeur Ryan Croccker, pour en supprimer les paragraphes prouvant l’échec de la stratégie de Bush en Irak. Le journal précise que George Bush veut faire assumer à Nouri al-Maliki plutôt qu’à son administration la responsabilité des revers subis en Irak. Le président tente ainsi de protéger le parti républicain en cette période pré-électorale où le thème irakien occupe une place prépondérante.
Les différentes forces politiques participant au gouvernement irakien font face à une situation délicate avec la multiplication des indices montrant que le projet états-unien est dans une impasse et pourrait se terminer par un retrait-surprise des troupes d’occupation. Pour éviter le pire, ces forces sont donc contraintes à renforcer la coopération et la coordination avec les pays voisins, notamment la Syrie, l’Iran et la Turquie. Elles se voient aussi obligées d’ouvrir un dialogue interne avec des partis influents qui ne participent pas actuellement au pouvoir, comme les formations politiques qui appuient ouvertement la Résistance, les principales structures de l’ancien parti unique, le Baas, ainsi que les mouvements de la résistance armée d’obédience nationaliste, pan-arabe ou islamiste.
Dans certaines capitales occidentales, on indique qu’avant le retrait total, l’administration Bush va tester l’option du repli des troupes vers des bases militaires à l’intérieur de l’Irak. Mais des spécialistes assurent que cela ne changera en rien la donne puisque la Zone verte ultra-sécurisée à Bagdad est attaquée à un rythme quasi-quotidien. D’ailleurs, les options du déploiement ou de la concentration des troupes ont été testées au Vietnam et se sont terminées par une défaite cuisante.
Quel que soit le pari US, il sera perdant.

Presse et agences arabes et internationales

AL-BAYAN (QUOTIDIEN EMIRATI)
Robert Fisk, correspondant au Moyen-Orient de l’Independent britannique, publie dans Al-Bayan un article dont voici des extraits :
La crise constitutionnelle qui sévit au Liban est aussi grave et dangereuse que les combats de Nahr el-Bared entre l’armée libanaise et les miliciens du Fatah al-Islam. Le président libanais insiste à ne pas organiser l’élection présidentielle le mois prochain en raison des vices de représentativité qui minent le gouvernement actuel après la démission de plusieurs de ses membres. Il estime qu’il doit remettre le pouvoir à l’armée. Les Libanais et les Arabes savent que la remise du pouvoir aux militaires est une vieille tradition des régimes dictatoriaux au Moyen-Orient. Mais le Liban n’est pas une dictature. Il existe aujourd’hui dans le pays un courant de plus en plus important qui pense que l’on peut solliciter le général Michel Sleimane afin qu’il occupe le haut de la pyramide de l’État si la paralysie se poursuit pendant longtemps. Le général Sleimane, un chrétien maronite, a fait preuve d’une grande compétence dans la gestion des combats à Nahr el-Bared. Il a annoncé, dans ce qui ressemblait plus à un miracle, que l’armée resterait unie et qu’entre-temps, le peuple libanais se devait de prendre les décisions concernant son avenir. Comme le président de la République, le chef de l’armée est toujours maronite au Liban. Mais le plus bizarre, c’est que ce sont les maronites qui sont apparus les plus divisés au sujet de leur futur. Leur principal parti, dirigé par le général Michel Aoun, est aujourd’hui allié de la Syrie. Il est aussi l’ami du Hezbollah qu’il avait pourtant farouchement critiqué, et s’oppose fermement au gouvernement de Fouad Siniora. Le général Aoun espère accéder à la présidence.
C’est le destin du Liban que d’avoir un sort sombre et triste pour ses fils et pour les étrangers.
Ce qui est étonnant ici à Beyrouth, c’est que l’on dit que le général Michel Sleimane a des relations avec la Syrie qui appuie, prétendument, le groupe que l’armée combat à Nahr el-Bared. Il jouit également du soutien de Washington dans cette bataille. L’actuel chef de l’État, Émile Lahoud, a lui-même été commandant en chef de l’armée. Mais quoi qu’il en soit, le pays a aujourd’hui besoin du général Sleimane pour lutter contre Fatah al-Islam.

• L’Iran et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ont annoncé mardi à Téhéran s’être entendus sur un calendrier pour qu’il réponde aux questions en suspens sur son programme nucléaire.
« Nous avons été en mesure d’établir un calendrier », a dit le secrétaire adjoint du Conseil suprême de la sécurité nationale, Javad Vaïdi, lors d’une conférence de presse.
Présent à ses côtés, le directeur-adjoint de l’AIEA, Olli Heinonen, a parlé d’un accord sur « un plan de travail, avec ses modalités et son calendrier ».
L’Iran n’a pas répondu jusqu’ici à des questions sur son programme nucléaire qui permettraient à l’AIEA de certifier qu’il a un objectif purement civil. « Toutes les questions importantes pour l’Agence, les questions actuelles, les questions pressantes et celles ayant trait au passé ont été incorporées » dans ce calendrier, a expliqué M. Vaïdi.
L’AIEA attend de l’Iran depuis plusieurs années des éclaircissements sur des traces d’uranium hautement enrichi, des expériences de traitement du plutonium et l’obtention de documents mentionnant de possibles applications militaires pour de l’uranium.
L’agence attend aussi une plus grande coopération de Téhéran dans le régime actuel des inspections des installations nucléaires iraniennes, et notamment dans le cas de l’usine d’enrichissement d’uranium de Natanz et celui du site du réacteur à eau lourde en construction à Arak.
« Les questions actuelles concernent le travail des inspecteurs et les inspections à Arak ainsi que la façon de mener celles à Natanz », a précisé M. Vaïdi.
« Nous avons besoin de ces informations et de cet accès (aux installations) pour confirmer la nature des activités nucléaires iraniennes », a ajouté M. Heinonen.
Cette entente sur un calendrier « est potentiellement encourageante », a dit une responsable de la Maison-Blanche avant d’ajouter aussitôt que « cela seul ne suffit pas et ne remplit pas les obligations qu’a l’Iran de se conformer pleinement aux résolutions du Conseil de sécurité de l’Onu et de suspendre ses activités d’enrichissement et de conversion ».
« Nous allons donc continuer à chercher à obtenir une troisième résolution », en collaboration avec les quatre autres membres permanents du Conseil et l’Allemagne, a-t-elle dit.
Les détails du plan de travail agréé avec les Iraniens devraient être inclus dans le rapport que le directeur de l’AIEA, Mohamed ElBaradei, présentera au Conseil des gouverneurs de l’agence en septembre.
Les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne, tous membres permanents du Conseil de sécurité, ont clairement fait savoir qu’ils chercheraient à obtenir dès septembre de nouvelles sanctions si Téhéran ne suspend pas son enrichissement d’uranium.
« Tant que l’Iran n’aura pas accepté la suspension des activités sensibles, nous devons clairement continuer à envoyer un message de fermeté », a déclaré mardi un porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Hugues Moret, évoquant « une troisième résolution de sanctions, que nous souhaitons substantielles ».

AL-CHARK AL-AWSAT (QUOTIDIEN SAOUDIEN)
Israël tente de promouvoir un plan économique visant à combattre l’influence du Hamas et des associations caritatives qui relèvent du mouvement en procédant à des changements radicaux dans le mode de vie des Palestiniens en l’espace de quatre mois. Ce plan sera soumis lors d’une conférence qui doit réunir à Washington des experts palestiniens, israéliens, égyptiens et jordaniens.
L’idée vient de l’ancien conseiller du ministère israélien des Finances, Rany Lubinstein. Celui-ci préconise le déblocage des montants appartenant aux douanes palestiniennes et confisqués par Israël, le démantèlement de centaines de barrages militaires installés par les Israéliens en Cisjordanie et la mise en place d’un programme permanent de soutien aux Palestiniens, financé par les Arabes. Le plan prévoit également la lutte contre l’influence du Hamas en offrant aux Palestiniens des projets subventionnés et des assurances sociales qui remplaceraient l’aide fournie actuellement par les associations caritatives du Hamas.

• Le courant était sur le point d’être rétabli dans la bande de Gaza après la décision de l’Union Européenne d’assurer à nouveau le règlement des factures de fioul de l’unique centrale électrique de ce territoire palestinien.
« Nous avons reçu suffisamment de fioul pour une journée. Mais nous avons encore besoin d’un peu de temps pour relancer la production d’électricité », a déclaré à l’AFP le directeur de la compagnie d’électricité Rafiq Maliha.
Selon lui, trois camions citerne ont alimenté la centrale qui produit entre 25 % à 30 % de l’électricité de la bande de Gaza, le reste étant fourni par des lignes des compagnies israélienne et égyptienne d’électricité.
À la suite de l’interruption de l’approvisionnement en fioul la semaine dernière, des centaines de milliers de Palestiniens avaient été plongés dans le noir par intermittence. Ils avaient dû recourir à des lampes à gaz et aux bougies pour s’éclairer et à des générateurs pour faire fonctionner les équipements ménagers.
Une porte-parole de l’UE a confirmé que l’Union Européenne avait versé l’argent nécessaire à la compagnie israélienne Dor Alon, qui dispose du monopole sur le ravitaillement de la bande de Gaza en carburant.
L’Union européenne versait depuis la fin de l’an dernier quelque 6 millions d’euros par mois pour assurer l’approvisionnement en fioul de Gaza. Ces fonds ont permis l’achat de 75 millions de litres de fioul depuis novembre.
« L’UE a interrompu ses paiements à la suite d’informations selon lesquelles le Hamas prélevait de l’argent sur les factures d’électricité réglées par les abonnés », a ajouté la porte-parole.
Mahmoud Abbas avait accusé le Hamas de détourner des fonds de la compagnie d’électricité pour financer les membres de la Force exécutive, la police du mouvement islamiste. Depuis leur prise de pouvoir, les islamistes ont remplacé le directeur de la compagnie, accusé de corruption, et ont cessé de reverser cet argent au ministère à Ramallah (Cisjordanie), avait affirmé un haut responsable du gouvernement de Salam Fayyad.
Le Hamas avait rejeté ces accusations et s’était dit prêt à donner des garanties à l’Union européenne prouvant qu’il ne détournait pas de fonds de la compagnie d’électricité de Gaza et qu’il ne s’ingérait pas dans la gestion de la société.

TECHRINE (QUOTIDIEN SYRIEN)
La visite du Premier ministre irakien Nouri al-Maliki à Damas a posé les jalons d’une nouvelle relation entre la Syrie et l’Irak, basée sur la coopération. Cette visite a constitué pour M. al-Maliki une occasion de mieux connaître les points de vue syriens sur les moyens de mettre un terme aux souffrances du peuple irakien. La Syrie, tout en reconnaissant l’importance du soutien des pays voisins aux efforts du gouvernement irakien pour mettre fin à l’effusion du sang, à la violence et à l’anarchie, estime que l’établissement d’un calendrier pour le retrait des troupes étrangères d’Irak augmentera les chances de parvenir à une entente entre les Irakiens

• Le Premier ministre irakien s’est entretenu mardi avec le président Bachar al-Assad au deuxième jour d’une visite en Syrie.
Le responsable irakien a aussi rencontré le vice-président syrien Farouk al-Chareh et des réfugiés irakiens, une population dont le nombre est estimé entre 1,5 et 2 millions en Syrie et qui pèse sur les ressources du pays.
M. Maliki a effectué sa première en Syrie où il a eu des entretiens lundi avec son homologue Mohammad Naji Otri, dix jours seulement après un voyage officiel en Iran qui avait provoqué une mise en garde de Washington contre toute complaisance à l’égard de Téhéran accusé d’attiser les violences en Irak.
L’Irak constitue également un sujet de contentieux entre la Syrie et les États-Unis qui reprochent à Damas de ne pas en faire assez pour empêcher le transit d’extrémistes vers l’Irak. Les deux pays se sont de nouveau opposés lundi autour de la visite de M. Maliki.
Lors de sa rencontre avec son homologue irakien, le Premier ministre syrien a appelé à l’établissement d’un calendrier de retrait des troupes étrangères d’Irak, leur y faisant porter la responsabilité des troubles, selon l’agence officielle Sana.

Tendances et événements au Liban

La polémique sur le quorum constitutionnel de la séance de l’élection présidentielle a resurgi avec force à la lumière des signaux contradictoires émis par l’administration états-unienne et des informations faisant état de l’intention du 14-mars d’élire un nouveau chef de l’État quel que soit le nombre de députés présents à la séance.
En l’espace de quelques heures seulement, Washington a soufflé le chaud et le froid : d’abord, il a affirmé que le quorum devrait être les deux tiers des députés et que l’amendement constitutionnel (qui permettrait l’élection du commandant en chef de l’armée, le général Michel Sleimane) n’était pas exclu. _ Plus tard, un porte-parole du Département d’État a rappelé que l’élection doit se faire conformément à la résolution 1559 (du 2 septembre 2004), faisant ainsi planer le spectre d’une mise sous tutelle internationale de l’échéance présidentielle. De la sorte, l’administration états-unienne laisse ouvertes les options de l’entente sur un candidat de consensus ou, au contraire, de l’explosion de la situation. Ces hésitations sont liées au contexte volatil et incertain en Irak et dans le dossier du nucléaire iranien.
Des observateurs pensent que l’administration US continuera à émettre des signaux contradictoires au moins jusqu’au milieu du mois de novembre prochain. Si Washington opte pour une solution consensuelle au Liban, cela signifiera qu’il a décidé d’appuyer les efforts français destinés à arrondir les angles avec les acteurs régionaux influents au Liban (Syrie, Arabie saoudite, Iran). Dans ce cas, l’administration états-unienne sera en tête des défenseurs du quorum constitutionnel des deux tiers. Ce qui voudra dire qu’elle aura arrêté ses choix en Irak et aura abandonné son véto qui empêche toute entente entre les protagonistes de la crise libanaise depuis deux ans.
Si l’administration Bush choisit la voie de l’escalade au Moyen-Orient en allumant des incendies un peu partout (Irak, Liban, Palestine ect…), elle appuiera alors la théorie du « quel que soit le nombre de députés présents », ardemment défendue par le 14-mars, et jouera à fond la carte des « Arabes modérés ». Concrètement, cela veut dire que Washington soutiendra l’élection d’une personnalité du 14-mars, disposée à signer une paix des faibles avec Israël.
Le Liban sombrera alors dans un effrayant chaos, car une grande partie de la population et des forces politiques défendront avec force la véritable indépendance et la réelle souveraineté du Liban.

Manchettes des journaux libanais

AN-NAHAR (QUOTIDIEN PROCHE DU 14-MARS)
La réunion des chrétiens de l’opposition à la résidence de Michel Aoun à Rabié s’est terminé par un slogan : « Nous sommes les représentants de la majorité chrétienne ».
Par ailleurs, le Patriarche maronite, Nasrallah Sfeir, a estimé que le fait de réclamer la formation d’un cabinet d’union nationale constitue un défi.

AD-DIYAR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Michel Aoun a estimé que les personnalités présentes aux assises chrétiennes de Maarab (14-mars) n’ont pas le droit de présenter un candidat à l’élection présidentielle. Samir Geagea lui a répondu : « Vous n’avez pas assisté à la réunion parce que vous n’y avez pas été convié ».

AL-AKHBAR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Washington couvre le 14-mars en affirmant qu’il était opposé à tout amendement de l’article 49 de la Constitution afin de permettre l’élection d’un fonctionnaire de la première catégorie à la présidence.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions arabe, anglaise et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise et arabe.