Tendances et événements au Proche-Orient

Les rencontres israélo-palestiniennes annoncées ne vont probablement rien apporter de nouveau, à la lumière du refus catégorique d’Ehud Olmert de promettre un quelconque calendrier portant sur les questions clé du conflit. Tout juste si le Premier ministre israélien accepte que la conférence de « paix » d’Annapolis se fende d’une déclaration de principes, similaire à toutes celles qui ont été publiées lors des précédentes rencontres de Washington et de Charm el-Cheikh, et qui sont restées lettre morte.
Des sources palestiniennes bien informées révèlent qu’Israël réclame à l’Autorité palestinienne une plus grande coopération et coordination entre les services de sécurité des deux parties pour lutter contre les mouvements de résistance en Cisjordanie et à Gaza, en contrepartie de l’aide militaire et financière fournie à l’Autorité par les États-Unis. Des milieux palestiniens commencent à dénoncer le fait que le Mossad israélien possède, désormais, une liberté d’action sans précédent dans les villes et les localités de Cisjordanie, au vu et au su de tout le monde. Bénéficiant d’une couverture directe de la part de l’Autorité, le service de renseignement israélien se livre à toute sorte d’action et d’exactions sans être inquiété le moins du monde.
Côté israélien, un grand nombres d’experts et de spécialistes effectue une évaluation anticipée des pertes et profits que la conférence d’Annapolis pourrait engendrer pour l’État hébreu. Les partisans de la participation à la conférence estiment qu’un minimum de concessions verbales de la part d’Ehud Olmert pourrait ouvrir la voie à une normalisation des relations avec de nouveaux pays arabes, et même à une alliance israélo-saoudienne qui changerait la face du Moyen-Orient sur les plans politique, économique et sécuritaire. Si cette vision se concrétise, Israël aura réussi à rayer définitivement le droit au retour des réfugiés à travers des indemnités versées par l’Arabie saoudite aux Palestiniens de la diaspora. Les États-Unis s’engageront, pour leur part, à consolider cette alliance militairement et sécuritairement en l’orientant contre l’axe Damas-Téhéran et contre tout autre pays arabe qui, après la conférence d’Annapolis, continuera à appuyer la Résistance palestinienne, qui sera taxée de terroriste indistinctement de la nature idéologique et politique des mouvements qui l’animent.
Les Israéliens qui plaident en faveur d’une non-participation à la conférence mettent en garde contre le déclenchement d’une troisième Intifada qui changerait radicalement les rapports de force et imposerait à l’État hébreu de nouvelles priorités. Ce nouveau soulèvement populaire palestinien pourrait renverser Mahmoud Abbas et son Premier ministre Salam Fayyad au profit d’une nouvelle génération de leaders palestiniens radicaux du Fatah. Cela équivaut à une victoire indirecte pour le Hamas.

Presse et agences internationales

CHRISTIAN SCIENCE MONITOR (QUOTIDIEN ETATS-UNIEN)
 Joshua Mitnick
Israël s’apprête à couper l’approvisionnement de Gaza en électricité en signe de punition contre l’escalade enregistrée dans les tirs de roquettes et d’obus de mortier contre des régions israéliennes. Après avoir décrété la Bande de Gaza « entité ennemie », l’État hébreu a fermé les points de passage, autorisant seulement l’entrée des produits alimentaires, des aides humanitaires et des médicaments. Cela a provoqué une inflation sans précédent qui a poussé un grand nombre de sociétés et d’entreprises à fermer leurs portes. La demande sur les produits et les biens de consommation, introduits à travers les tunnels et vendus sur le marché noir, a considérablement augmenté.
Cette politique israélienne d’isolement de Gaza est destinée à pousser les habitants de ce territoire à se retourner contre le Hamas. Mais des experts mettent en garde contre des conséquences inverses. De telles mesures de rétorsion pourraient pousser un plus grand nombre de Palestiniens à rejoindre les groupes armés, et pourraient resserrer les rangs de la population autour du Hamas.
La pression israélienne sur le Hamas coïncide avec les négociations en cours entre l’État hébreu et l’Autorité palestinienne pour aboutir à des « principes communs ».

BOSTON GLOBE (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
Le président George Bush et son vice-président Dick Cheney multiplient les misent en garde contre des grandes puissances et contre l’Iran, pour que ce pays suspende l’enrichissement de l’uranium. Ces avertissements ont pour but de pousser les dirigeants iraniens à négocier avec les Britanniques, les Français et les Allemands. Mais ils pourraient aussi s’inscrire dans le cadre d’un plan de mobilisation de l’opinion publique en prévision d’une attaque contre Téhéran. Dans les deux cas, Bush et Cheney n’ont pas compris qu’il fallait concilier les moyens et les objectifs. Le timing choisi pour hausser le ton contre les partenaires européens est inopportun, surtout que les Etats-Unis ont besoin d’eux dans le dossier iranien.
Lors de sa récente visite à Téhéran, le président russe Vladimir Poutine à remis au guide suprême de la révolution une proposition qui consiste à régler le problème nucléaire iranien à travers des négociations directes avec l’ayatollah Ali Khaménei, après qu’il eut prévenu les dirigeants iraniens que les menaces américaines sont sérieuses.

LOS ANGELES TIMES (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
Un haut responsable assure que les hommes armés qui tuent les GI’s en Irak agissent sous les ordres de la direction iranienne. Le conseiller pour les affaires irakiennes, l’ambassadeur David Satterfield, déclare à ce sujet « Nous n’avons aucun doute sur le fait que les unités des Gardiens de la révolution prennent leurs instructions des plus hautes sphères du pouvoir iranien ». Ces propos interviennent alors que les responsables états-uniens haussent le ton contre Téhéran et les officiels iraniens. Le général Peter Pace a lui aussi abondé dans ce sens. Mais contrairement à Satterfield, il a dit qu’il n’était pas sûr que la direction suprême en Iran était au courant des agissements des Gardiens de la révolution.

ROUZ (QUOTIDIEN IRANIEN)
Les milieux médiatiques et politiques iraniens et arabes ont avancé des explications contradictoires sur la démission, ou plutôt le limogeage, de Ali Larijani des deux postes qu’il occupait : le secrétariat du Conseil de la sécurité nationale et la présidence de la commission chargée des négociations autour du programme nucléaire.
Certains milieux ont indiqué que la destitution de Larijani constitue une réaction immédiate du Guide de la révolution après qu’il eut révélé la teneur de la proposition faite par Vladimir Poutine à l’ayatollah Ali Khaménei. Ou alors, le guide a-t-il estimé qu’il était temps de se débarrasser de Larijani en prévision de l’acceptation de l’offre russe et de l’ouverture d’une page nouvelle dans les négociations avec l’Europe. Surtout que le président Poutine a informé la direction iranienne que les menaces états-uniennes de lancer des frappes militaires contre l’Iran sont sérieuses. Ces informations sont confortées par la déclaration de George Bush qui a dit que la meilleure façon d’empêcher une Troisième Guerre mondiale est de faire en sorte que l’Iran ne possède pas la technologie nécessaire pour fabriquer la bombe atomique.
Le président Ahmadinejad et son ministre des Affaires étrangères, Manouchehr Mouttaki, ont démenti que la Russie ait fait une quelconque proposition. Mais Ali Larijani a affirmé, devant des chefs de l’armée et des religieux, que Téhéran étudiait sérieusement l’offre faite par Moscou. Les observateurs s’étonnent avec quelle facilité les chefs du régime ont lâché Larijani et l’ont remplacé par Khalili qui n’a aucune expérience politique et médiatique. La vérité est qu’Ahmadinejad n’a confiance qu’en ses partisans et proches collaborateurs. Par exemple, son chef de cabinet, Gholam Elham, occupe cinq fonctions officielles : il est notamment porte-parole du gouvernement, membre du Conseil de surveillance du respect de la Constitution, et ministre de la Justice. Cela prouve que le président n’a confiance qu’en un nombre restreint de personnes.

Tendances et événements au Liban

Après le vent d’optimisme qui a soufflé ces derniers jours, le blocage caractérise, de nouveau, l’action politique entourant l’échéance présidentielle. Les travaux du comité inter-maronite de Bkerké (regroupant deux représentants de l’opposition et deux du 14-mars), sont arrivés à un point décisif : établir une liste de candidats à la présidence qui serait remise aux leaders maronites. Mais le chef de l’ancienne milice des Forces libanaises, Samir Geagea, qui bloque tout projet de rencontre entre les quatre principaux dirigeants maronites (Michel Aoun, Sleimane Frangié, Amine Gemayel et Samir Geagea), a refusé que le choix d’un ou de plusieurs candidats consensuels soit confié à ce comité, qui remettrait ensuite les noms au patriarche maronite Nasrallah Sfeir. Le prélat a pour sa part annoncé qu’il ne nommerait pas un candidat de son propre chef. Ce blocage suscite de nombreuses interrogations sur la prochaine action du patriarche, d’autant que la reprise des concertations entre Nabih Berri et Saad Hariri attend les résultats des réunions du comité inter-maronite.
Des sources du comité ont informé Tendances que les pourparlers piétinent du fait que les représentants du 14-mars ne sont pas réellement mandatés pour établir une liste de candidats. Les deux représentants du pouvoir n’ont pas été en mesure de dresser une liste des candidats du 14-mars.
Ce blocage s’accompagne d’une escalade verbale de la part des faucons du 14-mars et des responsables états-uniens. Ceux-ci sont déterminés, jusqu’à présent, à faire en sorte que l’échéance présidentielle libanaise soit une étape supplémentaire dans l’exécution du projet US au Moyen-Orient. Pour Washington, le prochain chef de l’État ne doit pas et ne peut pas être consensuel car il lui est demandé, avant tout, de mettre en œuvre la résolution 1559, exigeant le désarmement de la Résistance.
Pour la deuxième journée consécutive, Samir Geagea a refusé toute rencontre entre les pôles maronites. Geagea a fait cette déclaration avant de recevoir le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmad Aboul Gheit, venu spécialement à Beyrouth pour encourager les Libanais à conclure un compromis.
D’ailleurs, la visite d’Aboul Gheit, perçue à l’origine comme importante dans le cadre des efforts arabes pour trouver un compromis à la crise, a été vidée de son contenu et s’est transformée en simple opération de relations publique. Les milieux diplomatiques égyptiens se sont efforcés de nier tout lien entre la visite du ministre et la possible élection à la présidence du commandant en chef de l’armée, le général Michel Sleimane, reçu la semaine dernière par le président Hosni Moubarak. Visiblement, ce démenti répond aux vœux du 14-mars et de l’Arabie saoudite qui attendent le mot d’ordre états-unien : ce sera sans doute Nassib Lahoud qui sera choisi comme président de confrontation, alors que le général Sleimane est un candidat de consensus.

Presse libanaise

AS-SAFIR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Le chef de la diplomatie égyptienne a plaidé pour un dialogue inter-libanais dont l’élection présidentielle serait une partie et qui devrait être couronné par un accord politique global.
Les travaux du comité inter-maronite sont menacés d’effondrement en raison des difficultés entourant les noms des candidats du 14-mars et la réunion des quatre leaders maronites.

AN-NAHAR (QUOTIDIEN PROCHE DU 14-MARS)
L’initiative égyptienne véhiculée par le ministre Ahmad Aboul Gheit porte sur l’élection présidentielle et d’autres arrangements. Elle se résume à la déclaration du ministre : « Otez vos mains du Liban ».
Nabih Berri et Saad Hariri attendent les résultats des travaux du comité de Bkerké. Sinon, le nom du candidat consensuel sera divulgué juste avant la séance du 12 novembre.

AL-AKHBAR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Le patriarche maronite Nasrallah Sfeir a assuré que l’entente entre Nabih Berri et Saad Hariri sur le nom du futur chef de l’État n’est pas suffisante.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions arabe, anglaise et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise et arabe.