Dans un article remarquable publié par Le Figaro, l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, analyse les conséquences internationales d’une éventuelle victoire de John Kerry. Il souligne que les États-Unis ont changé de nature au cours du dernier mandat pour renouer avec l’esprit de puissance et de mission dont ils avaient fait preuve par le passé. Dès lors, il est vain d’espérer une nouvelle politique étrangère à la faveur d’un changement d’hôte à la Maison-Blanche. Avec la lucidité de l’ancien courtisan qu’il fut et de l’observateur indépendant qu’il est devenu, M. Védrine relève qu’une victoire de Kerry ne ferait plaisir qu’à ceux qui souhaitent s’aligner sur Washington en étant traités poliment pour n’en pas rougir.

Zbigniew Brzezinski a accordé un entretien au Figaro. Ou plutôt, il s’est répandu dans ses colonnes sans tenir compte des questions qui lui étaient posées. Il s’efforce d’établir une convergence entre ses propres théories sur « l’arc de crise » et celles de Samuel Huntington sur le « clash des civilisations » pour aboutir à la conclusion d’une indispensable intervention des États-Unis afin de mettre de l’ordre dans ce désordre global. En bon Démocrate, il indique qu’avec les néo-conservateurs, cette politique impériale est rejetée, tandis qu’avec Kerry, Washington fera avaler cette couleuvre à tous avec un soupçon de multilatéralisme pour la faire mieux passer. Revenant sur la crise en Palestine, il assène que là encore l’intervention impériale est indispensable pour régler la situation. Enfin, il conclut en soulignant que le prochain président aura la tache difficile de faire face aux difficultés économiques des États-Unis et à l’hostilité générale qu’ils suscitent.
On ne sait trop comment interpréter un tel mélange de cynisme et de mensonges. Aucun des conflits que M. Brzezinski propose de faire régler par la puissance états-unienne ne se prolongerait aujourd’hui s’il n’était précisément entretenu par les Washington. Contrairement à ce qu’indique l’ancien conseiller de sécurité nationale, l’Empire n’est pas la solution, c’est précisément le problème. Quant aux remarques sur la crise budgétaire, elles forment l’aveu des objectifs de cette politique : l’impérialisme n’est qu’un mode de prédation pour renflouer les caisses d’une économie en déroute.

L’ambassadeur Stephen Sestanovitch continue dans le Washington Post la campagne anti-russe à laquelle il participe activement. Selon lui, la Fédération de Russie ne serait pas victime du terrorisme, comme on pourrait le croire après l’épisode de Beslan par exemple, mais bénéficiaire. En effet, elle en profiterait pour se dispenser de se conformer aux normes internationales de gouvernance.
De son côté, un collectif d’universitaires états-uniens a publié une réponse aux 115 atlantistes anti-Poutine (dont l’ambassadeur Sestanovitch fait partie). Ils y présentent des arguments efficaces : si la télévision nationale est passée sous contrôle de l’État, la presse écrite n’a jamais été aussi pluraliste ; si Poutine a remis en cause le système fédéral, cela ne veut pas plus dire que la Russie soit une dictature que la France n’en serait une ; etc.
Seule surprise de cette contre-pétition, elle a été publiée par le très réactionnaire Washington Times et comprend parmi ses signataires, outre des universitaires, des personnalités de l’extrême droite isolationniste comme Paul Weyrich.

Stephen A. Myrow, ancien assistant états-unien d’un ministre du gouvernement provisoire irakien, alerte les lecteurs du Los Angeles Times. Contrairement à l’image que l’on en a, assure-t-il, la guerre n’a pas attendu l’attentat kamikaze meurtrier de la semaine dernière pour pénétrer dans la zone verte de Bagdad. Tous les jours, les ambassades anglo-saxonnes et le gouvernement irakien font l’objet de tirs de mortiers. On y est soumis à des consignes strictes de sécurité et, néanmoins, toujours en danger. Mais, cette hostilité serait bien la preuve que les États-Unis sont engagés dans un juste combat.
Cette analyse ressort d’une vision eschatologique de la mission des États-Unis et n’a plus grand chose à voir avec la rationalité.

L’ancien secrétaire d’État norvégien Jan Egeland appelle, dans Dar al-Hayat, les États islamiques à aider à résoudre la crise du Darfour. L’originalité d’une telle démarche est de légitimer l’Union africaine et de récuser implicitement les analyses anglo-saxonnes selon lesquelles les combats opposent Arabes et Noirs, Musulmans et Chrétiens.

Enfin, l’ancien Premier ministre socialiste espagnol, Felipe González, demande dans El Periodico que la commission d’enquête parlementaire sur les attentats commis à Madrid le 11 mars dernier se recentre sur les faits. Selon lui, les parlementaires du Parti populaire orientent, à tort, l’enquête vers les événements postérieurs aux attentats pour trouver une explication à leur déroute électorale. M. González préconise donc de prendre exemple sur la Commission présidentielle états-unienne consacrée aux attentats du 11 septembre. C’est là que son intervention perd en crédibilité et laisse entrevoir une volonté d’accord bipartisan au détriment de la vérité.