Face à l’impossibilité de mettre sur pied une armée irakienne subalterne pour effectuer le sale boulot de répression, le commandement états-unien s’est pour la première fois résolu à mettre à la disposition des simples GIs un manuel d’opérations de contre-insurrection. En effet, traditionnellement et surtout pendant la guerre du Viêt-Nam, ce rôle n’était dévolu qu’aux seules forces spéciales U.S. et escadrons recrutés localement. C’est précisément au Viêt-Nam que, faute d’avoir compris dès le début du conflit que la force de la résistance était son infrastructure clandestine, l’U.S. Army s’était aliénée la population en conduisant de sanglantes opérations de ratissage à l’aveuglette. Aujourd’hui, en Irak, cette infrastructure politique dirigée par le parti Ba’as et qui, contrairement à la propagande, a intégré la plupart des groupes de résistance religieux sous son commandement, est efficace au point d’avoir infiltré et totalement désorganisé l’embryon de force contre-insurrectionnelle irakienne. En diffusant ce manuel à l’usage des GIs, le Pentagone admet donc d’une part qu’ils seront amenés à jouer ce rôle plus fréquemment, et d’autre part qu’ils devront payer de leur vie le prix des bombardements massifs sur la population en s’exposant au ressentiment de celle-ci.