Les différentes prises de positions sur le conflit ivoirien que nous présentons dans cette livraison ont été rédigées et publiées juste avant l’adoption à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU de la résolution 1572.
Dans un entretien accordé à Libération, le président Laurent Gbagbo récuse l’allégation de son homologue français Jacques Chirac selon lequel la Côte d’Ivoire connaîtrait une dérive fasciste. Selon lui, c’est au contraire le régime de parti unique, qui prévalut pendant 40 ans avec le soutien de la France, qui relève du fascisme. Au-delà de ces amabilités, le président ivoirien assure être innocent de l’attaque de Bouaké, qui a coûté la vie à des soldats français, tout en reconnaissant avoir nommé au lendemain de cette attaque le général Mangou à la tête de son armée, sachant que celui-ci dirigeait précisément les attaquants. Bref, si l’on ne peut exclure, comme le prétend M. Gbagbo, que l’attaque de Bouaké est un coup fourré, ni ses explications, ni ses décisions ultérieures ne clarifient la situation.
Michèle Alliot-Marie, ministre français de la Défense, a accordé en forme de réponse une interview au Monde. S’exprimant avec clarté et froideur, comme le veulent à la fois son origine sociale et sa formation juridique, elle rappelle que la force française « Licorne » agissait sous mandat de l’ONU en couverture de l’ONUCI.
Corinne Dufka d’Human Rights Watch plaide dans l’International Herald Tribune pour que l’ONU protège les populations vulnérables et fasse taire les médias de la haine. Ce dernier souhait paraît bien naïf, dans la mesure où l’on ne voit pas sur quelle base juridique le Conseil de sécurité pourrait prendre une telle initiative. Il montre combien les experts sont désemparés lorsque les moyens de propagande ne sont plus utilisés pour fabriquer le consentement des populations, mais pour les transformer en meurtriers.
Dans El Periodico, Sami Naïr décrit le piège ivoirien : la France ne peut se retirer sans provoquer le bain de sang et ne peut rester sans imposer une partition du pays. Il faudrait donc qu’elle se retire au profit de l’ONU. Mais ce piège est-il celui de la France, ou celui ressenti par un universitaire tiers-mondiste et homme politique souverainiste qui se trouve partagé entre sa dénonciation du néo-colonialisme et le constat d’une nécessaire intervention extérieure dans une telle situation ? Tout se passe comme si l’on pouvait affirmer un devoir d’intervention dans certains conflits, mais se l’interdire dans d’anciennes colonies.
Heureusement, le Conseil de sécurité a eu moins de scrupules. Il a pris des mesures exécutoires d’embargo sur l’armement et progressives d’interdiction de déplacement des dirigeants des deux parties au conflit. Disant le Droit, il a confirmé à l’unanimité que la riposte française n’était pas une ingérence, mais était légitime au regard de l’Accord signé par les forces politiques ivoiriennes à Linas-Marcoussis le 24 janvier 2003, approuvé par la Conférence des chefs d’État sur la Côte d’Ivoire qui s’est tenue à Paris les 25 et 26 janvier 2003, et de l’Accord signé le 30 juillet 2004 à Accra (dit « Accord d’Accra III »).

Le secrétaire général de l’OTAN, Jaap de Hop Scheffer, a prononcé un important discours devant le Council on Foreign Relations, dont The Independent reproduit des extraits. Le diplomate néerlandais affirme que face au terrorisme, c’est l’analyse états-unienne qui est juste tandis que l’européenne est fausse. Selon lui, le terrorisme serait une menace universelle contre les sociétés libres et démocratiques ne pouvant être combattue que par des limitations des libertés démocratiques. Pour preuve de ce sophisme, M. de Hoop Scheffer cite l’assassinat de Theo Van Gogh par un fanatique islamique. Or, précisément, cette affaire selon The Observer pourrait être une manipulation de l’OTAN pour couvrir des ventes d’armes en violation d’embargos.
Dans la même veine, le procureur Theodore B. Olson plaide dans le Washington Times pour une rapide confirmation sénatoriale de la nomination d’Alberto Gonzales comme Attorney general des Etats-Unis. Il serait l’homme de la situation pour combattre le terrorisme. Cette nomination serait d’autant plus politiquement correcte que M. Gonzales serait le premier hispanique à accéder à cette haute fonction. Certes, mais M. Gonzales est avant tout le promoteur du recours aux juridictions d’exception (commissions militaires sans Code de procédure préexistant et sans assistance d’un avocat) et à la torture (Bagram, Guantanamo).