Tendances et événements au Proche-Orient

Sommet arabe : entre la détermination de la Syrie et les pressions des États-Unis

Les concertations s’intensifient entre les pays arabes au sujet du sommet arabe prévu à Damas les 28 et 29 mars. C’est dans ce contexte que s’inscrivent la tournée du président égyptien Hosni Moubarak dans certains pays du Golfe, et la visite en Arabie saoudite du souverain hachémite, Abdallah II. Pendant ce temps, la Syrie poursuit les préparatifs et les émissaires du président Bachar al-Assad se rendent auprès des chefs d’État et rois arabes pour leur remettre les invitations officielles à ce sommet. Les derniers développements enregistrés à ce niveau sont les suivants :
 1. Des sources syriennes de hauts niveaux ont réitéré la détermination de Damas à organiser le sommet à la date prévue quelles que soient les circonstances, partant du principe qu’il est inacceptable que la plus importante institution de l’action arabe commune soit paralysée. Ces mêmes sources soulignent que les divergences entre les pays arabes ont de tout temps existé et que la situation actuelle ne sort pas de l’ordinaire. Ces différends devraient inciter les Arabes à tenter de les régler et non pas à créer de nouveaux foyers de tension et approfondir le fossé entre les pays frères. Dans ce cadre, Damas a toujours exprimé son souci, ces dernières décennies, de régler les problèmes interarabes dans un climat calme.
 2. Des sources politiques arabes s’étonnent des appels lancés à la Syrie afin qu’elle intervienne auprès de l’opposition libanaise pour qu’elle s’auto-élimine de l’équation politique, tandis que ces mêmes pays arabes refusent de déployer le moindre effort auprès de leurs alliés libanais afin qu’ils facilitent la solution à la crise. Ces sources s’interrogent sur les raisons pour lesquelles l’Égypte et l’Arabie saoudite occultent complètement la question palestinienne de leur action diplomatique et politique, bien que ce dossier soit fondamental pour l’avenir des Arabes. D’autant que Le Caire et Riyad assument une responsabilité directe depuis l’effondrement de l’accord inter-palestinien de la Mecque, parrainé par le roi Abdallah Ben Abdel Aziz, à cause des manouvres états-uniennes. Ces deux capitales font preuve d’une très grande énergie lorsqu’il s’agit de dépêcher des émissaires partout dans le monde pour plaider en faveur de l’internationalisation de la présidentielle libanaise, et ne lèvent pas le petit pour alléger le blocus imposé à la Bande de Gaza et mettre un terme aux massacres quotidiens perpétrés contre les Palestiniens.
 3. En liant le sort du sommet arabe à l’élection d’un président au Liban, Riyad et Le Caire ne font qu’exécuter les volontés de George Bush. Celui-ci craint que le sommet ne réactive l’initiative arabe (proposée par le même roi Abdallah en 2002) qui prévoit le retour des réfugiés palestiniens, alors qu’il a enterré ce droit lors de sa tournée au Moyen-Orient, en janvier dernier.

Presse et agences internationales

TECHRINE (QUOTIDIEN SYRIEN)
 Omar Jaftali
Depuis la découverte de l’Amérique et le génocide des Indiens, aucun peuple n’a subi d’aussi grandes injustices, répression, privations de ses droits, et vols de sa terre, autant que le peuple palestinien. Même les tragédies des guerres du siècle dernier n’étaient qu’une parenthèse. Après la fin des hostilités, les choses sont rentrées dans l’ordre. Mais les souffrances des Palestiniens, elles, n’ont pas cessé depuis plus de 60 ans.

AL RAYA (QUOTIDIEN QATARI)
La poursuite de la situation actuelle à Gaza, caractérisée par le conflit entre le Fatah et le Hamas et les meurtres quotidiens perpétrés par Israël, est inacceptable. Il faut trouver une issue surtout que la communauté internationale n’a pas réussi à contraindre Israël à lever le blocus qu’il impose à Gaza. Il ne reste plus aux Palestiniens, quelles que soient leurs appartenances politiques, qu’à entamer un dialogue national.

AL WATAN (QUOTIDIEN SYRIEN)
Saad Hariri souhaite l’échec des efforts arabes de règlement de la crise libanaise et est entièrement couvert par l’Arabie saoudite. Ces efforts coïncident avec la pression saoudo-égyptienne pour faire obstacle au prochain sommet arabe qui doit se tenir à Damas. Ce que l’Égypte et l’Arabie saoudite considèrent comme le triomphe de l’axe modéré n’est en fait qu’un nouvel épisode de la guerre américano-israélienne contre les forces de la Résistance et la protection qui lui est assurée par Damas et Téhéran. Hariri a fait mine de vouloir rester en Arabie saoudite, pour y suivre les entretiens entre le roi Abdallah et le président Moubarak, au risque de faire échouer la rencontre au Parlement, où il a suggéré qu’un de ses conseillers pouvait le représenter. Cette perspective avait poussé le général Michel Aoun à affirmer qu’en pareil cas, il n’assisterait plus à la réunion.

• Des milliers de Palestiniens ont formé mercredi une chaîne humaine à Gaza pour protester contre le blocus imposé par Israël. Les manifestants se sont alignés sur l’axe Salahedine qui traverse le territoire palestinien de Rafah, au Sud, jusqu’à Beit Hanoun, au Nord, sur près de 40 kilomètres. En fin de matinée, un groupe rassemblé à Beit Hanoun, avec des cadres du Hamas en première ligne, a marché vers Erez, principal point de passage entre la bande de Gaza et Israël, tandis que des appareils israéliens survolaient le secteur. « Le siège de Gaza ne fera que nous renforcer », « Le monde a condamné Gaza à mort », ou « Sauvez Gaza », pouvait-on lire sur des pancartes. Alors que les manifestants se dispersaient, un groupe d’enfants a mis le feu à un pneu à des dizaines de mètres de la position militaire israélienne d’Erez et lancé des pierres. Les soldats ont tiré blessant deux enfants. L’armée a affirmé avoir arrêté une cinquantaine de Palestiniens qui s’étaient approchés d’Erez.
La manifestation a été organisée par le Comité populaire contre le siège de Gaza (PCAS), dirigé par le député Jamal al-Khoudari proche du Hamas. « Il s’agit d’une activité pacifiste et civilisée qui permet aux gens d’exprimer leur rejet du siège et de la punition collective, a déclaré M. Khoudari. Nous poussons un cri d’alarme pour que le monde réagisse. » « Si le siège n’est pas levé, il y aura un ouragan qui inondera toute la région », a pour sa part déclaré Fawzi Barhoum, un porte-parole du Hamas.

SANA (AGENCE DE PRESSE SYRIENNE)
Le vice-président Farouk el-Chareh a estimé que le blocus israélien imposé à la bande de Gaza éloigne les perspectives de paix, lors d’un entretien avec l’ancien chef de la diplomatie allemande Joschka Fischer en visite en Syrie. « Les pratiques israéliennes, notamment le blocus imposé à la bande de Gaza et le fait d’affamer les Palestiniens éloignent toute perspective de paix dans la région », a déclaré M. Chareh. « La paix ne se réalisera que si Israël dispose d’une volonté politique et que s’il renonce à la politique de la force pour imposer le fait accompli sur le terrain », a ajouté le vice-président.

AFP (AGENCE DE PRESSE FRANÇAISE)
Les réformateurs iraniens ont affirmé mercredi ne pouvoir disputer qu’un peu plus de la moitié des sièges du Parlement aux législatives du 14 mars, après la disqualification d’un grand nombre de leurs candidats par les autorités. « Un peu plus de 900 candidats réformateurs ou proches s’étaient inscrits pour les élections du 14 mars, mais nous ne pouvons être présents dans la compétition que pour 111 des 290 sièges du Parlement », a dit à l’AFP un responsable de la Coalition des réformateurs, initiée par l’ancien président Mohammad Khatami, qui regroupe une trentaine de partis politiques. Pour Hossein Marachi, vice-président de la Coalition, la compétition « est possible pour 120 sièges environ ».
La situation est un peu meilleure aux yeux du Parti de la confiance nationale, également réformateur, dirigé par l’ancien président du Parlement Mehdi Karoubi, qui a décidé de ne pas intégrer la Coalition des réformateurs, mais prévoit de présenter des candidats communs. « Nous disposons de 160 candidats pour Téhéran et la province. Nous pouvons participer à la compétition pour 55 % des sièges du Parlement », a dit Esmaïl Gherami Moghadam, porte-parole du Parti de la confiance nationale. Ce chiffre inclut des candidats des deux groupes réformateurs qui discutent de la présentation de listes communes. « Plus de 80 % des candidats de la Coalition des réformateurs et du Parti de la confiance nationale seront communs », a affirmé M. Gherami Moghadam.

• Quelque 140 000 GI’s seront encore en Irak fin juillet, après le départ de cinq brigades de combat, soit un nombre supérieur au niveau des troupes avant l’envoi de renforts en janvier 2007, a indiqué mercredi le général Carter Ham, directeur des opérations de l’état-major interarmées US. L’état-major envisage de rapatrier plus de 20 000 militaires, d’ici à l’été, sur les effectifs envoyés en renfort. Les responsables du Pentagone espèrent, enfin, opérer de nouveaux retraits de soldats dans le courant de l’année 2008.

• La Fondation internationale Kadhafi, présidée par Saïf al-Islam, le fils du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, négocie avec un groupe rebelle islamiste affilié à el-Qaëda la libération de certains de ses membres emprisonnés, a fait savoir le groupe rebelle. De son côté, la Fondation Kadhafi a indiqué qu’à l’issue de ces négociations, les autorités libyennes s’apprêtaient à libérer un tiers des membres du Groupe islamique combattant en Libye (FIGL) actuellement emprisonnés. Toutefois, la fondation ne précise pas combien de membres du Groupe combattant purgent actuellement une peine de prison. Saïf al-Islam, qui n’occupe pas de fonctions officielles au sein du gouvernement, a toute la confiance de son père pour qui il joue le rôle d’émissaire. Le FIGL s’était fait connaître en 1995, menaçant de renverser Kadhafi et lançant une campagne de violences contre la Libye.

• Le favori de la présidentielle russe du 2 mars, Dmitri Medvedev, a assuré mercredi, lors d’une visite à Belgrade, les dirigeants serbes du soutien de Moscou, après la proclamation unilatérale de l’indépendance du Kosovo, reconnue par les puissances occidentales. « Nous nous sommes mis d’accord pour coordonner nos efforts afin de sortir de cette situation compliquée et résoudre le problème du Kosovo », a déclaré Dmitri Medvedev. « Les démarches entreprises pour reconnaître le Kosovo détruisent les systèmes légaux et de sécurité internationaux, que l’humanité a mis au point il y a plus de 100 ans », a ajouté M. Medvedev, actuellement premier vice-Premier ministre. Il a condamné la violation, selon lui, de la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’Onu, qui a mis fin au conflit de 1998-1999 entre les forces serbes et la guérilla séparatiste albanaise du Kosovo, et prévoit que cette province serait provisoirement administrée par l’Onu et obtiendrait une autonomie substantielle, mais resterait sous souveraineté serbe.
Le département d’État américain a réagi en soulignant que le Kosovo ne redeviendrait jamais une province serbe, mais que Washington continuerait à chercher une solution diplomatique avec Belgrade et Moscou.

Audiovisuel international

CHAINE SATELLITAIRE SYRIENNE
Un émissaire du président Bachar al-Assad a remis au chef d’État mauritanien une invitation officielle pour le sommet arabe de Damas.
Par ailleurs, quatre Palestiniens ont été tués lors d’un bombardement israélien de la Bande de Gaza.

AL ARABIYA (CHAINE SAOUDIENNE)
Entrevue spéciale
 Invité : Amine Gemayel, ancien président libanais (14-mars)
« L’opposition libanaise met en œuvre un plan orchestré visant à détruire les institutions constitutionnelles. À croise qu’à travers la paralysie des institutions, l’opposition souhaite renverser le régime pour des raisons externes. La majorité parlementaire (14-mars) pratique actuellement une résistance politique contre le coup d’état de l’opposition. »

Tendances et événements au Liban

Échec de la mission Moussa en dépit des concessions d’Aoun

L’échec de la nouvelle mission du secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a réveillé les craintes d’une dégradation de la situation sécuritaire au Liban. Les développements des dernières 24 heures permettent de noter les observations suivantes :
 1. Les deux réunions parrainées par Amr Moussa entre le général Michel Aoun, représentant l’opposition, d’une part, et Saad Hariri et Amine Gemayel représentants le 14-mars d’autre part, ont donné lieu à des échanges sérieux et approfondis. Lors des discussions, l’opposition a réitéré son attachement à l’élaboration d’une loi électorale conformément au découpage de 1960, qui divise Beyrouth en trois circonscriptions. Un tel découpage permettrait aux chrétiens de choisir librement leurs députés. Mais Saad Hariri s’est fermement opposé à un tel projet, embarrassant son allié chrétien. Le contenu de la déclaration ministérielle du prochain gouvernement et la composition du futur cabinet, étaient au centre des délibérations.
 2. Michel Aoun a surpris les participants à la réunion en faisant preuve d’une grande flexibilité. Il a donné son accord pour un gouvernement de trois tiers (10 ministres pour le 14-mars, 10 pour l’opposition et autant pour le prochain président de la République), même si la quote-part du chef de l’État était choisie par le 14-mars. Il a seulement réclamé la garantie du président que les grandes questions nationales touchant à l’entente seraient examinées dans un esprit consensuel. Sa proposition a été rejetée sans autre forme de procès.
 3. Amr Moussa a annoncé qu’il concentrerait ses efforts, dans la période à venir, pour préparer le sommet arabe de Damas. Une manière de se désengager indirectement du dossier libanais, bien qu’il ait assuré qu’il resterait en contact avec les différentes parties libanaises, notamment le président de la Chambre Nabih Berry, jusqu’à la prochaine séance de l’élection présidentielle, prévue le 11 mars.
 4. Les pays arabes dits « modérés » continuent de lier le sommet arabe de Damas à la solution à la crise libanaise. Les analystes attendent de voir dans quelle mesure la position de ces pays arabes (Arabie saoudite et Égypte) va influer sur l’attitude des loyalistes au Liban.
 5. De nombreux articles indiquent que l’appui inconditionnel apporté par Riyad et Washington au 14-mars a encouragé cette coalition à durcir ses positions et fermer les portes à toute solution. Le 14-mars se cantonne à une seule position : élection présidentielle d’abord, accord politique sur les autres points ensuite. En cédant à cette revendication, l’opposition estime que cela ferait du prochain président l’otage du 14-mars.
 6. Les analystes croient de plus en plus probable une nouvelle guerre israélienne contre le Liban. C’est ce qui expliquerait l’intransigeance du 14-mars à qui les États-Unis ont demandé de résister quelques semaines encore en attendant les changements radicaux des rapports de force qu’apporterait la nouvelle offensive israélienne.

Déclarations publiques

 CHEIKH NAÏM KASSEM, SECRETAIRE GENERAL ADJOINT DU HEZBOLLAH
« Il n’y aura pas de solution en dehors d’une participation réelle de l’opposition au pouvoir. Les conflits externes sont en train de laisser leur empreinte à l’intérieur. Nous nous montrons positifs en tant qu’opposition, mais ils (les loyalistes) refusent tout. Les conflits des autres laissent leur empreinte à l’intérieur et nous empêchent de parvenir à une solution. Il est devenu clair qu’à chaque fois que nous parvenons à un compromis, l’équipe au pouvoir se dresse pour empêcher toute avancée parce qu’elle ne veut pas accepter que le tiers des portefeuilles soit accordé à l’opposition. »

 WALID JOUMBLATT, CHEF DRUZE DU 14-MARS
« Aussi déterminées que soient les menaces et autres promesses de guerres ouvertes ou préventives, et aussi différents que soient les qualificatifs et les significations que l’on donne à ces guerres, rien ne pourrait empêcher l’avènement d’une stratégie de défense nationale globale, rien ne pourrait empêcher que toutes les armes soient sous une seule et même autorité : celle de l’armée. Les autorités libanaises sont les seules habilitées à monopoliser les armes, comme dans tous les pays du globe ; aucun État au monde n’accepterait que des groupuscules armés échappant à son contrôle déclarent la guerre aux ennemis quand ils le souhaitent et comme ils le souhaitent –à croire qu’ils gèrent seuls les affaires de ce pays et de ses habitants. Une guerre ouverte se décide par le truchement d’une stratégie de défense et par un mandat que le peuple donne au pouvoir afin qu’il puisse négocier aux Nations unies. Les Libanais ne peuvent accepter que certains vengent leurs martyrs par le biais de guerres ouvertes, à partir de leur pays, qui a toujours bénéficié d’un système démocratique pluraliste pour lequel ces Libanais se sont sacrifiés durant des décennies. »

 NASSER KANDIL, ANCIEN DEPUTE DE BEYROUTH (OPPOSITION)
« Les services de sécurité saoudiens et le service de sécurité du Parti socialiste progressiste sous le parrainage de Walid Joumblatt, veulent m’assassiner moi et l’ancien ministre Wiam Wahhab (chef druze de l’opposition). Nos noms figure sur une hit liste (…) La Résistance est aujourd’hui bien plus forte qu’avant : elle va étonner le monde par les succès militaires qu’elle va enregistrer, grâce aux enfants par milliers d’Imad Moghniyé, au cas où l’ennemi israélien attaque le Liban. »

 NABIL NICOLAS, DEPUTE DU BLOC DE MICHEL AOUN (OPPOSITION)
« Les trottoirs de Beyrouth sont carrelés de granit, alors que le secteur de Dora (entrée est de Beyrouth) est privé ne serait-ce que d’un baril d’asphalte. L’affaire semble être une mesure punitive. C’est une sanction prise par le gouvernement à l’encontre de la population du Metn, suite à l’échec du candidat de la majorité aux législatives partielles de cette circonscription. »

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions allemande, arabe, anglaise, espagnole et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise, espagnole et arabe.