Pour la plupart des Américains, la date la plus importante du mois de décembre est le 25. Mais pour les Turcs, c’est le 17, jour où l’Union européenne annoncera l’ouverture ou le refus des négociations avec la Turquie. Les opinions européennes sont ambivalentes sur ce point, mais les Turcs sont majoritairement enthousiastes face aux perspectives d’adhésion. Elle permettrait d’accroître la richesse du pays et marquerait la victoire finale du Kémalisme, de façon ironique cela se produirait sous un gouvernement dont l’optique est très différente de celle d’Ataturc.
L’AKP, le parti au pouvoir en Turquie, est en effet un parti islamiste dirigé par Recep Tayyip Erdogan. Il s’oppose aux politiques initiées par Ataturc. Il veut par exemple faire disparaître l’interdiction de porter le foulard islamique dans les bâtiments publics. Par le passé, les militaires auraient renversé tout gouvernement sortant de la ligne kémaliste, mais cela a moins de chance d’arriver car la Turquie doit adhérer aux normes démocratiques pour rentrer dans l’Union européenne.
Traditionnellement, les États-Unis sont des alliés de la Turquie et soutiennent son entrée dans l’Union européenne, mais plus la Turquie se rapproche de cet objectif, plus les Turcs deviennent « parisiens » dans leur rapport aux États-Unis. La plupart des Turcs étaient opposés à l’invasion de l’Irak car ils craignaient l’indépendance du Kurdistan et rien de ce qui est advenu ne les a poussé à changer d’état d’esprit. L’attaque de Fallouja par les États-Unis a provoqué un déchaînement de rage en Turquie : les journaux ont accusé les Américains d’utiliser des armes chimiques, biologiques ou nucléaires et un député a qualifié l’assaut de génocide. Le Premier ministre turc a remis en cause l’alliance avec Israël et condamné l’action israélienne contre le terrorisme. Erdogan éprouve une sympathie pour ses coreligionnaires.
Malgré cet alignement sur Paris et Berlin, l’intégration à l’Union européenne est positive car elle développe la démocratie et intègre le pays dans l’Occident. Tout ce qu’il faut espérer, c’est que le processus de négociation ne sera pas long avant d’aboutir à rien.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« West Should Welcome Turkey », par Max Boot, Los Angeles Times, 16 décembre 2004.