Quel que soit le résultat des élections en Irak, leur taux de participation s’inscrit déjà dans l’Histoire comme un événement majeur pour le futur du Moyen-Orient. Malgré les erreurs des forces d’occupation, on voit un vrai processus démocratique se mettre en place dans le monde arabe. Malgré le mauvais système électoral mis en place par l’ONU et les menaces contre les Irakiens, nous avons assisté à de vraies élections et pas à la célébration d’une autocratie comme c’est trop souvent le cas dans le monde arabe. Là, avec ces milliers de candidats, cette élection a permis un vrai choix permettant la découverte de la liberté aux Irakiens.
C’est pour cette raison que les élites politiques et intellectuelles arabes sont si hostiles. Elles ont martelé que la violence en Irak contre « l’occupation américaine » était légitime, mais la population a rejeté la violence en allant voter et la dénonciation du principe de démocratie par Zarkawi ne les a pas empêché de le faire en masse.
Les élections posent comme question essentielle la signification de ce qu’est « être Irakien » après Saddam Hussein. En effet, cette élection va conduire à la rédaction d’une constitution qui influencera l’identité irakienne. Je suis heureux de ce vote, mais je suis maintenant inquiet car je ne suis pas sûr que les prochains élus savent ce qui les attend Ils vont devoir affronter une insurrection qui fait peser une perpétuelle menace physique sur les Irakiens, altérant leur comportement. Il va falloir également reconstruire un pays dont l’identité a été effacée par les ba’assite. Sous leur dictature, il n’y a pas eu de tentative pour mettre en place une domination sunnite comme certains chiites le croient, il y a eu une tentative de gommer toutes les identités autres que ba’asiste. Il faut cependant reconnaître que le sectarisme anti-chiite s’est développé après l’insurrection de 1991.
Désormais, les chiites vont être majoritaires dans une assemblée qui va devoir reconstruire un pays éclaté. Dans la rédaction de la constitution, la question du fédéralisme et des droits des minorités sera centrale. La polémique qui est née de la possibilité pour des provinces où les minorités irakiennes sont majoritaires de censurer le prochain texte constitutionnel (ce qui montre que le respect du droit l’emporte sur le principe majoritaire) démontre que les chiites veulent avoir une position dominante. Le grand débat sera celui du rôle de la majorité chiite en Irak.
Il faut que le débat sur la constitution irakienne quitte sa dimension sectaire et que les parlementaires ne se voient plus en fonction de leur identité ethnique ou religieuse, mais qu’ils se conçoivent comme des Irakiens.

Source
Gulf News (Émirats arabes unis)
Gulf News est le principal quotidien consacré à l’ensemble du Golfe arabo-persique, diffusé à plus de 90 000 exemplaires. Rédigé à Dubaï en langue anglaise, il est principalement lu par la trés importante communauté étrangère vivant dans la région.
Wall Street Journal (États-Unis)

« The shiite obligation », par Kanan Makiya, Wall Street Journal, 7 février 2005.
« Secularism and democracy are the pillars of a united Iraq », Gulf News, 10 février 2005.