Merci, Mesdames, Messieurs.
Merci, cher Pasqual Maragall, président de la Généralité de Catalogne.
Merci à la Catalogne qui nous accompagne ce soir et merci à Barcelone, Monsieur le Maire, merci à Barcelone, capitale des arts et de la culture où s’expriment, sans aucun doute, l’âme, la fierté, la générosité de tout un peuple.

Barcelone, capitale de la jeunesse, capitale ouverte sur le monde, ville où se développe l’exceptionnel dynamisme de l’Espagne. Ville dont les charmes sont unanimement reconnus. Barcelone, symbole de cette Europe confiante dans son avenir et où se mêlent à la fois tradition et modernité. Je suis heureux d’adresser à Barcelone un salut à la fois cordial et fraternel.

Je tiens à remercier chaleureusement mon ami, le président José Luis Zapatero, pour son initiative, pour son invitation et peut-être, et surtout, pour son engagement au service d’une Espagne forte dans une Europe forte.

Je regrette, bien entendu, l’absence du chancelier Gerhard Schröder qui est pour nous un partenaire lucide et courageux de la construction européenne et qui est porteur avec nous des idéaux de paix, de démocratie sur notre continent. Il est malheureusement grippé et il paraît que c’est une grippe tout à fait européenne ! Et je veux regretter, moi aussi, l’absence de Silvio Berlusconi, le président du Conseil des ministres de l’Italie. L’Italie, notre sœur latine, pays fondateur de l’Union européenne. Je lui adresse nos vœux les plus sincères de rapide rétablissement.

Le 20 février, l’Espagne votera pour le premier référendum européen sur le Traité constitutionnel. L’Espagne va donc ouvrir la voie. Elle va montrer le chemin. Et je souhaite que le peuple espagnol nous montre ce chemin, de façon éclatante, en participant massivement à cette consultation pour donner l’exemple et pour montrer à quel point l’Espagne est un élément essentiel de la construction européenne de demain, et bien entendu, en votant massivement "oui" car c’est une affaire européenne, profondément européenne. Cette constitution n’est pas un texte partisan. Elle appartient à chaque nation. Elle appartient à chaque Européen quelle que soit sa sensibilité politique. Elle a été élaborée et approuvée par une Convention dans laquelle étaient représentés des hommes et des femmes qui incarnaient l’ensemble des pays européens, toute allégeance politique confondue. Elle a été approuvée par les vingt-cinq chefs d’Etat et de gouvernement qu’ils soient de droite ou qu’ils soient de gauche. C’est une grande ambition commune.

En effet, depuis des siècles, et dans son message, Gerhard Schröder l’évoquait, l’Europe, le continent européen a été, hélas, marqué par les divisions, les guerres, les dictatures. Quand on imagine le sang versé, le nombre de douleurs issues de cette situation, les espoirs anéantis par ces conflits permanents, on voit à quel point ces comportements étaient, hélas, à la fois naturels et humains, mais dramatiques par leurs conséquences et toujours parfaitement injustifiés au plan de la morale, de l’intérêt général ou du respect de l’Homme.

Le grand mérite des pères fondateurs de l’Europe a été de vouloir enraciner la paix, la démocratie, les Droits de l’Homme sur l’ensemble de notre continent, de façon à créer un système qui ne permette plus de revenir à ces erreurs du passé et aux drames qu’elles avaient engagés. Ils ont voulu enraciner la paix, la démocratie, les Droits de l’Homme. C’était une grande ambition. Cela reste notre ambition car rien n’est jamais gagné et nous avons fait des pas considérables dans cette direction. L’élaboration, ensemble, d’une Constitution qu’ensemble, nous allons voter, créera le cadre dont on ne pourra plus désormais sortir en s’évadant vers les drames du passé.

De même, cette grande ambition européenne a facilité, sans aucun doute, le développement économique et le progrès social, l’affirmation de notre modèle social européen, les progrès économique dont, depuis vingt ans, l’Espagne porte un éclatant témoignage, d’autres aussi, bien entendu, et l’ensemble de l’Europe également.

Cette Constitution nous permet en effet de franchir une nouvelle étape qui est une étape politique, avec la confirmation des valeurs et des objectifs qui sont les nôtres. Bien entendu, dans le passé, on a pu avoir des hommes, des régions, des pays parfois, porteurs d’un certain nombre de valeurs, mais isolés. Aujourd’hui, c’est ensemble, sur le continent, que nous créons un système garantissant ces valeurs et cela, c’est capital pour nos enfants et pour ceux que nous laisserons après nous.

D’abord, des valeurs communes : le respect de la dignité humaine, de la liberté, de la démocratie, de l’Etat de droit, des Droits de l’Homme, et ceci pour bâtir une société respectueuse du pluralisme, de la tolérance, de la solidarité, de l’égalité entre les femmes et les hommes dont, je dois dire, l’Espagne nous donne aujourd’hui un bel exemple.

Ces valeurs sont au bénéfice d’objectifs partagés, d’objectifs communs : qu’il s’agisse d’améliorer la situation du travail et de l’emploi, qu’il s’agisse du progrès social et de conforter en permanence notre modèle social européen, qu’il s’agisse de la lutte contre l’exclusion et contre les discriminations ou du respect de plus en plus évidemment nécessaire de l’environnement ou de la diversité culturelle.

L’intégration de la Charte des droits fondamentaux dans la Constitution est un pas considérable fait pour ancrer et respecter l’ensemble de ces objectifs et de ces valeurs, puisque, dorénavant, la Charte leur donne une valeur contraignante et pouvant, le cas échéant, permettre de déférer en justice.

Cette Constitution donnera également à l’Union des règles meilleures pour fonctionner de manière plus efficace. Bien entendu, lorsque nous étions ensemble, à six, sans expérience, nous avions bâti un système qui a été efficace et qui nous a permis de progresser, mais ce système s’est usé finalement avec le temps et avec l’élargissement. Il fallait aujourd’hui le reconsidérer, l’adapter, donner à l’Europe les moyens de se gouverner de façon moderne et plus efficace. Cette Constitution a cet objectif.

D’abord, pour la première fois, la Constitution dira qui fait quoi. Il est vrai que souvent nos concitoyens s’interrogeaient sur ce point en se demandant quelle était la véritable responsabilité, où est-ce qu’elle se situait, dans les régions, dans les Etats, en Europe, à Bruxelles ? Parfois, le disaient-ils d’ailleurs avec regret ou avec crispation. On dit cette fois-ci qui fait quoi. Et c’est ce qu’on appelle le principe de subsidiarité. Ceci sera vérifié par les Parlements nationaux. Ce sont les Parlements nationaux qui pourront dire si tel ou tel domaine constitutionnellement est de la responsabilité de la région, du pays ou de l’Europe. C’est essentiel et cela nous permettra de progresser avec beaucoup plus d’efficacité.

De la même façon, la Constitution permettra aux Européens d’être plus efficaces grâce à des institutions renforcées. Tout à l’heure, on l’a évoqué, c’est vrai, qu’il s’agisse de la Présidence du Conseil européen, de la Commission, qu’il s’agisse du Parlement européen, qu’il s’agisse de la politique des affaires étrangères, ces institutions modernisées et renforcées permettront à l’Europe d’assumer mieux ces responsabilités.

Enfin, nous avons besoin de l’Europe pour agir plus efficacement dans beaucoup de domaines. Tout à l’heure, Gerhard Schröder évoquait la lutte contre le terrorisme. Dieu sait que c’est un problème sensible pour des pays comme l’Espagne ou comme la France qui, certes, ont bien compris que, là encore, il faut s’unir si l’on veut être efficace. Les relations, de ce point de vue, entre l’Espagne et la France pour la lutte contre le terrorisme sont, je dois le dire, aussi bonnes qu’il est possible, pour ne pas dire exemplaires. Mais ce n’est pas suffisant.

C’est au niveau de l’Europe tout entière que doivent être élaborées les politiques et mis en œuvre les moyens nécessaires pour lutter contre le terrorisme. Il en va de même pour d’autres sujets. Nous avons présent à l’esprit les drames qu’ont causé un certain nombre de voyous des mers, et qui ont eu des conséquences terribles sur nos côtes. La sécurité maritime est évidemment un sujet qui nous est particulièrement sensible. Là encore, nous avons besoin ensemble de mettre en commun notre expérience et notre volonté pour pouvoir aller de l’avant et faire respecter nos intérêts dans un domaine aussi sensible et qui touche à notre environnement.

Enfin, la Constitution renforcera nos moyens dans des domaines essentiels, comme la justice, la défense, la sécurité.

Pour la première fois, cette Constitution affirme en réalité une grande ambition sociale et donne sa justification et son cadre au modèle social européen, ce qui a d’ailleurs été souligné très clairement par la Confédération européenne des syndicats. Elle renforce les droits des citoyens sur l’ensemble du territoire concerné, c’est-à-dire de nos vingt-cinq pays aujourd’hui, un peu plus demain, je l’espère. Et elle garantit la paix, la démocratie.

Voilà l’essentiel de ce que représente cette Constitution. Mais lorsqu’on l’intègre dans l’histoire de l’Europe, que j’évoquais tout à l’heure, on se rend compte de tout ce que cela peut représenter comme legs positifs pour ceux qui nous suivront sur le continent européen.

Et puis, elle permet aussi et surtout à l’Europe de peser davantage dans le monde multipolaire qui se développe et de mieux faire ainsi face aux défis de la mondialisation. On parle beaucoup de la mondialisation. Elle est inéluctable. Elle comporte des dangers comme elle comporte des avantages à condition, naturellement, qu’elle soit maîtrisée. Nous la maîtriserons si nous sommes unis, déterminés et si nous allons ensemble vers un objectif bien clair. Sinon, nous serons les victimes de la mondialisation, comme sont les victimes, hélas, de ce phénomène, la plupart des pays en développement ou sous-développés.

De la même façon, chacun voit bien que le monde évolue vers une situation multipolaire. On voit l’importance croissante de l’Asie, notamment de la Chine, demain de l’Inde, celle après-demain de l’Amérique latine, sans aucun doute. On voit la puissance de l’Amérique du Nord. Comment peut-on imaginer que demain nous ayons la possibilité de défendre nos intérêts, nos valeurs, si nous ne sommes pas également unis pour être forts et puissants ?

C’est cette Union européenne que facilite considérablement la Constitution qui nous permettra d’exister demain. Alors, voilà, je terminerai en disant simplement, selon un vieux proverbe, que c’est l’union des Européens qui fera leur force et rien d’autre. Sans union, ils disparaîtront. Sans une organisation, ils ne résisteront pas. Cette Constitution leur donne cette organisation dans le respect de ce que sont nos ambitions sociales, économiques, environnementales, politiques.

Je ne doute pas que l’Espagne, qui est un partenaire essentiel de l’Europe, le 20 février, nous montrera la voie en disant : " oui ", mais un " oui " massif. Un " oui " qui ne chipote pas. Un " oui " qui rassemble et qui exprime une volonté unanime et qui donne l’exemple de l’Espagne à l’ensemble de l’Europe pour la suite de cette construction.

Je ne doute pas que l’Espagne montrera la voie en disant : "oui" au Traité constitutionnel en disant : "oui" à l’Europe. Je vous remercie.

Ministère français des Affaires étrangères