"Quel jugement portez-vous sur le sommet de Charm El-Cheikh ?"
Sylvan Shalom :
"Nous pouvons parler d’une nouvelle ère. Nous avons devant nous une opportunité que nous entendons ne pas gâcher. Ce sommet a été une très bonne chose. Je le demandais depuis longtemps. Je suis très satisfait qu’on y soit parvenu, de plus sans avoir besoin des Américains ou des Européens. C’était la première fois qu’Ariel Sharon était invité en Egypte depuis plus de vingt ans.
J’ai participé de près au nouveau dialogue avec l’Egypte. Le ministre des Affaires étrangères de Jordanie m’a annoncé que l’ambassadeur en Turquie présenterait bientôt ses lettres de créance pour servir en Israël. Les Egyptiens font de même avec leur actuel ambassadeur en Allemagne, qui viendra ici. Il s’agit de pas très positifs. J’ai appelé mes homologues du Maroc, d’Oman, du Qatar. Je leur ai rendu compte du sommet et j’en ai profité pour leur demander, une nouvelle fois, d’envoyer des ambassadeurs en Israël. Nous avons déjà des sections d’intérêts : le moment est venu d’aller plus loin. Nous n’avons aucun sujet de conflit avec les pays d’Afrique du Nord ni avec ceux du Golfe. Leur présence aurait un impact incroyable sur les opinions publiques, pour ne pas parler des conséquences économiques..."
"Israël demande le démantèlement des groupes radicaux. Mahmoud Abbas a manifestement une autre stratégie en tête : les neutraliser en les intégrant dans le jeu politique. Qu’en pensez-vous ?"
"Il n’aura pas le choix. S’il ne les démantèle pas, s’il ne confisque pas leurs armes, ils finiront un jour ou l’autre par faire exploser ce processus, qui reste fragile. Aucun gouvernement digne de ce nom ne peut tolérer des milices armées.
La plus grande menace, pour Mahmoud Abbas, vient, aujourd’hui, du Hezbollah, qui est derrière la plupart des projets d’attentats. Le Hezbollah a remplacé Saddam Hussein pour le versement d’argent aux familles des kamikazes. C’est pourquoi l’Europe devrait l’intégrer sur sa liste des organisations terroristes.
Les Européens disaient autrefois du Hamas qu’il fallait faire la part des choses entre l’aile politique et l’aile militaire. C’est la même chose aujourd’hui avec le Hezbollah. Mais le Hezbollah fera tout pour que "Abou Mazen" -nom de guerre de Mahmoud Abbas- échoue. Il faut que les Européens renforcent le camp des modérés."
"Vous avez là un nouveau sujet de conflit avec la France..."
"Oui, mais la France a beaucoup évolué dernièrement, et de manière très positive. On l’a vu avec l’adoption de la résolution 1559 pour la souveraineté du Liban. J’ai été très encouragé par l’interdiction en France de la chaîne de télévision Al-Manar -liée au Hezbollah. C’était un signe très positif pour les Israéliens.
On a vu la réaction de la France après les attaques antisémites commises sur son territoire, la participation de Jacques Chirac aux commémorations de la libération d’Auschwitz, celle de Michel Barnier à la session spéciale des Nations Unies, les efforts français vis-à-vis du nucléaire iranien. Toutes ces initiatives sont très positives.
Les relations entre la France et Israël reprennent des couleurs. Il y a beaucoup plus d’optimisme entre nous. Les Israéliens qui en doutent encore n’ont qu’à regarder ce que font les Français. Quelque chose se passe et c’est très bien."
"Pourquoi venez-vous de lancer une campagne pour un référendum sur le retrait de Gaza ?"
"C’est pour moi une question de principe. Je suis d’ailleurs l’auteur d’une loi, adoptée en 2000, qui le prévoit pour le Golan.
Je crois que, si nous voulons donner des territoires et éviter en même temps une crise fratricide, il faut que le peuple se prononce. Je n’ai cessé de dire, au cours des derniers mois, que c’était la meilleure solution pour avancer.
Je reconnais aussi qu’on ne peut pas y parvenir si le premier ministre est contre. Il est impossible d’avoir une majorité à la Knesset sans son soutien. Je serais ravi s’il s’avérait, à la fin, que je me suis trompé et que le retrait se passe sans conflits. J’ai demandé trois fois au premier ministre, au cours des derniers mois, de passer par un référendum. Je crois que cela ne retarderait pas le processus. Il va y avoir des votes définitifs à la Knesset, dans les prochaines semaines, sur le projet lui-même et sur la loi d’indemnisation. Nous disposerons après de cinq mois avant l’échéance. Donc nous avons le temps."
"M. Sharon a déjà répondu par la négative. Diriez-vous qu’il est coupé des réalités ?"
"Je ne dirais pas cela, d’autant que je sais qu’il n’est pas hostile, par principe, à l’idée d’un référendum. Je n’ai pas été surpris par sa réponse, mais je vais continuer à essayer de le convaincre. Si nous sommes privés de référendum et que, faute de soutien, nous avons des élections anticipées, nous ne gagnerons pas de temps, bien au contraire ! En plus, je suis sûr que le premier ministre aurait une large majorité."
"Compte tenu de l’opposition répétée de M. Sharon, ne donnez-vous pas l’impression de prendre date pour préserver votre avenir politique au sein du Likoud ?"
"Il n’y a rien de cela dans mon initiative. C’est ma position depuis des mois, et je me suis longuement exprimé dans les journaux comme à la télévision."
Source : Le Monde
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