Nous avons voté non à Maastricht ; nous voterons oui à la Constitution européenne. Nous mènerons campagne en patriotes, c’est-à-dire en responsables politiques qui croient en l’Europe mais qui n’attendent pas tout d’elle, qui veulent enraciner le projet européen sans déraciner la France. Nous nous engageons avec la ferme volonté de voir un jour notre continent incarner un modèle de civilisation ordonnant la mondialisation et équilibrant la puissance américaine. Nous avons été mis à l’index en 1992 et nous n’entendons pas dans cette campagne stigmatiser nos adversaires.
Nous nous opposions à Maastricht car ce traité créait une Europe technocratique. Or, sur ces points, la Constitution propose des avancées potentiellement décisives à condition que les États et les peuples s’en saisissent. Le renforcement du poids de la France au Conseil européen, l’accroissement du rôle du Parlement européen, la création d’un droit d’initiative populaire, l’affirmation du principe de subsidiarité placé sous le contrôle des Parlements nationaux, tous ces éléments vont dans le bon sens. En articulant l’économie de marché au progrès social, en reconnaissant la nécessité des mécanismes de protection sociale, des services publics, de la cohésion territoriale, la Constitution peut être, par ailleurs, l’acte fondateur de l’Europe sociale de demain. Si nous ajoutons à tout cela le récent assouplissement du pacte de stabilité voulu et obtenu par le président de la République, nous estimons qu’il existe les ingrédients d’un contrepoids qui s’opposerait à la loi du marché.
Nous devons tenir compte du fait que nous sommes désormais 25 et que l’Europe ne pourra plus devenir ni fédérale, ni intergouvernementale. Ni le fantasme des États-Unis d’Europe, ni l’impuissance de l’Europe des États ne pourront désormais voir le jour. Ce texte offre la possibilité de créer une Europe à géométrie variable, qui permettra à certains États d’aller plus loin sans exclure de l’Union européenne les pays qui ne veulent pas se joindre à eux. Cette Europe à géométrie variable, nous l’avons défendue en 1992 au nom de la souplesse et de l’efficacité. Elle va désormais s’imposer.
Nous ne jetons pas l’opprobre sur les partisans du non et si le traité constitutionnel est rejeté, il n’y aura pas d’« apocalypse », mais les conséquences seront lourdes. Beaucoup de pays européens se détourneront de la France et trouveront dans la Grande Bretagne un nouveau leadership. L’Europe deviendra une simple zone de libre échange. Voter non à la Constitution, ce n’est pas dire oui à une autre Europe. On en restera aux traités de Maastricht et de Nice. L’Europe en restera à tout ce que les partisans du non, à tort ou à raison, rejettent. Notre oui n’est pas un « oui » politiquement correct, docile, résigné. Nous ne prétendons pas que cette Constitution puisse tout régler car, pour nous, l’aventure européenne reste la somme des volontés nationales.

Source
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.

« Du non à Maastricht au oui à la Constitution », par un collectif d’élus UMP opposés au traité de Maastricht, Le Figaro, 31 mars 2005.