Washington soutient Al-Qaïda, mais le régime reste "soudé", selon des experts occidentaux

L’administration Obama est impliquée jusqu’au cou dans le soutien aux groupes affiliés à Al-Qaïda, qui combattent l’État laïque syrien et son armée nationale, bâtie sur la doctrine de la lutte contre Israël, le terrorisme et la violence communautaire.
Les stratégies états-uniennes dans la région du Mashreq arabe sont principalement motivées par l’hostilité à toute tendance libératrice arabe, visant à jeter les fondements de l’indépendance nationale et engagée dans la lutte contre l’hégémonie sioniste. Dans le front complexe et varié mis en place par les USA, Al-Qaïda et ses ramifications semblent s’être transformées en outil de division et de terrorisme soutenu par l’Occident. Son but est de détruire le tissu social des peuples arabes en répandant la violence et la terreur, couplées d’une culture de discorde confessionnelle, en transformant une contradiction virtuelle et illusoire en contradiction principale.
Les positions exprimées dernièrement par différents groupes de l’opposition syrienne, y compris lors de la conférence dite des "Amis de la Syrie", à Marrakech, montrent clairement qu’Al-Qaïda n’est pas un simple détail du paysage syrien. Les condamnations de la décision états-unienne d’inscrire le Front al-Nosra sur la liste des organisations terroristes prouvent l’existence de liens organiques entre Al-Qaïda et la plupart des vitrines politiques de l’intérieur et de l’extérieur de la Syrie. Ce schéma rappelle étrangement la politique US en Afghanistan, lorsqu’elle avait ouvertement et directement soutenu le réseau Al-Qaïda. Aujourd’hui, l’administration Obama mise sur un compromis avec cette organisation avant le retrait de ses troupes de ce pays, bien que les expériences proches et lointaines prouvent qu’Al-Qaïda possède son propre agenda et que les accords avec elle ne sont pas garantis. Surtout qu’elle sait très bien exploiter à son avantage les équilibres internationaux et régionaux pour servir son plan terroriste mondial.
La réédition de cette expérience illustre à quel point l’Occident s’emploie à instrumentaliser la violence communautaire pour combattre les forces de la résistance et de la libération dans le monde arabo-musulman. Dans le même temps, les peuples de la région tombent une nouvelle fois dans le piège des divisions communautaires, ce qui transforme en priorité la lutte contre ce climat culturel et médiatique sectaire.
Une grande responsabilité incombe à la République islamique d’Iran et au Hezbollah libanais et aux mouvements de la résistance palestinienne pour faire face à ce danger et il ne fait aucun doute que dès lors que ce fléau est éradiqué, la région toute entière sera au seuil d’une renaissance, basée sur l’indépendance nationale et la libération de l’hégémonie impérialiste.

Une armée "forte" de "toutes les confessions"

Pendant ce temps, des "experts" cités par les agences de presse internationales, dont l’AFP, ont démenti dimanche toutes les informations sur la chute imminente du régime syrien. Un "régime soudé autour de Bachar al-Assad et qui semble tenir bon et démentir pour le moment les prédictions occidentales sur sa chute imminente", estiment ces experts. Pour ces experts, il faut plus que ces coups de butoir pour que le régime tombe. "Il ne pourra tomber que par un coup d’État, une intervention étrangère ou un renforcement massif du soutien logistique aux rebelles par des pays étrangers", assure Barah Mikaïl, chercheur à l’institut de géopolitique espagnol FRIDE.
Selon ce spécialiste du Moyen-Orient, il y a certes "des déclarations diplomatiques fortes, mais il ne faut pas les surestimer, car le régime conserve la structure militaire et institutionnelle, même s’il se fait parfois surprendre", comme lors du récent attentat durant lequel le ministre de l’Intérieur a été blessé.
Plusieurs responsables ont déjà sonné le glas du régime. Le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, a estimé que le régime "se rapprochait de l’effondrement" et Paris a appelé à "faire partir Bachar al-Assad le plus rapidement possible".
Washington a jugé le régime "de plus en plus désespéré". Le vice-ministre russe des Affaires étrangères en charge du dossier syrien, Mikhaïl Bogdanov, est allé dans le même sens, avant que son pays ne fasse marche arrière.
Pour Rami Abdel Rahmane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), plusieurs hypothèses expliquent cette avalanche.
"Soit il y a le début d’un consensus international pour mettre fin au régime, soit des pays occidentaux sont en contact avec un groupe important et influent dans l’armée qui pourrait se retourner contre Assad, soit ils accentuent les pressions afin de pousser Assad vers la sortie pour éviter un effritement total de l’État", explique-t-il.
Mais pour cet observateur, dont l’organisation dispose d’un important réseau de militants sur le terrain, "l’armée reste très forte, elle est toujours capable de protéger une large portion du territoire allant de Damas au littoral".
Certes, l’appareil militaro-sécuritaire, longtemps omniprésent, s’est nettement érodé et la multiplication des attentats à Damas démontre que la Sécurité est moins fiable qu’auparavant.
"C’est certain que les rebelles ont avancé et se montrent audacieux, mais pour le moment, l’armée garde globalement sa cohésion et défend les grandes villes", note un expert militaire occidental à Beyrouth. "Malgré les désertions et les morts, elle compte encore 200 000 hommes, de toutes les confessions, et n’a pas engagé toutes ses unités dans les combats. Elle se conduit comme un véritable corps, avec une mission", ajoute-il. "Elle se sentait mal à l’aise au début de la contestation quand on lui demandait de tirer sur des civils. Mais aujourd’hui, elle n’a plus d’états d’âme face à des hommes armés", assure-t-il.
Selon un spécialiste, qui ne veut pas être identifié car il retourne régulièrement en Syrie, les déclarations diplomatiques "prouvent que les négociations ont véritablement commencé entre les États-Unis et la Russie pour trouver une solution à la crise. Il s’agit d’exercer une pression psychologique pour obliger le régime à envisager des compromis douloureux". Mais ces annonces peuvent être contre-productives, car si la chute du régime n’intervient pas dans les semaines à venir, "il pourra prétendre qu’il est assez fort pour ne pas céder".

Déclarations et prises de positions

Najib Mikati, Premier ministre du Liban
« Je propose une table de dialogue en présence de toutes les parties concernées pour s’entendre sur une loi électorale, suite à quoi le gouvernement démissionnera. Le gouvernement assure une stabilité relative dans le pays. Sans lui, le chaos y règnerait. Le chef du gouvernement, qui qu’il soit, devra œuvrer avant fin juin pour que les législatives aient lieu et que soit ainsi respectée la date constitutionnelle. J’ai l’intention de me présenter aux élections. J’ai appris du ministre de l’Intérieur qu’un responsable du Courant du futur lui a remis une liste de personnalités qui selon lui auraient reçu des menaces. La décision du gouvernement de ne pas accorder toute la base de données téléphoniques aux services de sécurité est motivée par la liberté garantie par la Constitution libanaise, et la loi relative au mouvement des communications. La décision a donc été prise de livrer sans hésiter toutes les informations relatives à des numéros suspects. Les événements de Tripoli sont en bonne partie le reflet de ce qui se passe en Syrie. »

Sayyed Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah
« Je lance aujourd’hui un appel à Al-Qaïda et je leur dis que les États-uniens, les Européens et des gouvernements arabes et musulmans vous ont tendu un piège en Syrie et vous ont ouvert la voie pour vous faire tuer en Syrie. Et vous êtes tombés dans ce piège. Les groupes liés à Al-Qaïda ou se réclamant de son idéologie seront les premiers à payer le prix, comme ils l’ont payé dans d’autres pays. La situation en Syrie est de plus en plus complexe. Croire que l’opposition est en mesure de l’emporter militairement est très, très, très suspect. La bataille se joue entre le régime qui défend son existence par conviction et parce qu’il est soutenu par une grande partie de la population, et l’opposition armée qui veut faire chuter ce régime et a une partie de la population avec elle. Nous déplorons le fait que le conflit dure. La faute en incombe à l’opposition et aux pays derrière elle qui refusent le dialogue. Les États-Unis y ont intérêt car le résultat serait une Syrie faible et ferait pencher l’équilibre régional en faveur des États-Unis et d’Israël. Nous appelons le 14-Mars à renoncer à son boycott des réunions parlementaires. L’objectif principal du boycott était de faire chuter le gouvernement, mais ils n’ont pas réussi. Le Cabinet n’est pas tombé car il est soutenu par la communauté internationale. Ce boycott se poursuit car le 14-Mars veut nous imposer deux choix : des élections législatives basées sur la loi électorale de 1960 ou pas d’élections. Cela est inacceptable. Le processus normal serait de revenir à la table du dialogue et d’étudier un nouveau projet de loi électorale et de former un nouveau gouvernement après les Législatives. Le nombre des Libanais vivant sous le seuil de pauvreté augmente et cela va empirer. »

Samir Geagea, chef des Forces libanaises (pro-américain)
« Les chrétiens sont au cœur du printemps arabe. Notre position est claire à ce propos. Nous appuyons le droit des peuples à décider de leur sort et à vivre en liberté. Le camp adverse adopte toujours la méthode des assassinats pour mettre la main sur le pays, à défaut des moyens démocratiques comme les élections. Je regrette que ces méfaits et ces attentats soient couverts par des parties libanaises dans le seul but d’obtenir des sièges au Parlement et au gouvernement. Pour ces raisons, nous refusons de participer au dialogue et aux réunions des commissions parlementaires. Les événements au Liban et dans la région prennent une tournure en notre faveur, ce qui nous place devant un tournant décisif. »

Elias Sleiman, évêque maronite de Lattaquié, en Syrie
« Il y a une ambiance de chaos en Syrie et les criminels exploitent ce climat. Les chrétiens syriens sont victimes d’un nouveau type de crime, les enlèvements pour demande de rançons. Les chrétiens sont pris pour cible par les groupes armés et par les fondamentalistes. Mais l’État ne s’en prend pas aux chrétiens en raison de leur appartenance religieuse. Ils sont traités comme tout le monde. D’ailleurs, les chrétiens n’ont pas pris position dans le conflit en cours. Ils souhaitent le retour de la paix et du calme. Nous craignons le radicalisme musulman. Il y a des étrangers qui viennent en grand nombre pour pratiquer le prosélytisme et répandre le fondamentalisme. Cela est étranger à la nature du peuple syrien. Ils viennent de tous les pays du monde, comme s’il existait une campagne ciblée. Ce sont les chrétiens qui en paieront le prix, bien qu’ils aient refusé de porter les armes. »

Rifaat Eid, responsable politique du Parti arabe démocratique à Tripoli (pro-Assad)
« Des bateaux chargés d’armes pour le compte du Courant du futur transitent par Tripoli à destination de la Syrie. Toutes sortes d’armes sont présentes à Tripoli en provenance de Syrie. Nous faisons assumer aux responsables politiques de la ville le sang des martyrs tombés à Tripoli et les morts de Tal Kalakh. Nous soutenons et soutiendrons le président Bachar el-Assad jusqu’au bout. Nous l’exhortons à renvoyer aux Liban toutes les dépouilles des Libanais tués à Tal Kalakh. »

Événement

• Le gouvernement libanais a rejeté la demande des services de sécurité d’avoir accès à toutes les données téléphoniques et a limité l’accès des services de sécurité aux informations relatives aux numéros jugés suspects, cet accès devant se faire conformément aux usages en vigueur. Le Conseil des ministres a donc su résister aux intenses pressions exercées par les SR des Forces de sécurité intérieure (FSI) ainsi que par certaines forces politiques. Le ministre de l’Intérieur Marwan Charbel a appelé à dissocier la sécurité de la politique, et a expliqué que le ministre des Télécoms et lui-même pourront aller au-delà de ce qui a été décidé par le Conseil des ministres s’il y a urgence. Une source militaire haut placée citée par le quotidien As Safir considère qu’il ne convient pas de demander d’avoir accès au contenu des SMS échangés par tous les Libanais, étant donné qu’une telle requête allait à l’encontre de la liberté des citoyens et portait atteinte à leur vie privée. Selon cette source, le risque existe : secrets personnels pourraient être divulgués mais aussi et surtout des secrets professionnels. Le mieux serait donc de permettre aux services de sécurité l’accès au mouvement d’échange des SMS, suite à quoi ces services pourront demander le contenu des SMS qui leur paraissent suspects.

• Des graffitis insultants envers Jésus Christ ont été inscrits en hébreu sur les portes de l’entrée du cimetière arménien, ainsi que sur les murs d’un monastère appartenant à l’Église grecque-orthodoxe où ont également été inscrits « Joyeux Hanouka » et « prix à payer ». Les pneus de trois voitures ont été crevés près du monastère », a indiqué une porte-parole de la police israélienne, Louba Samri. Des extrémistes de la colonisation mènent depuis des années une politique dite du « prix à payer », consistant à se venger sur des villageois palestiniens, des lieux de culte musulmans et chrétiens, des militants pacifistes israéliens, voire l’armée israélienne, des décisions gouvernementales qu’ils jugent hostiles à leurs intérêts. Les auteurs de ces attaques sont rarement appréhendés et traduits en justice.

Revue de presse

As Safir (Quotidien libanais proche de la majorité, 14 décembre 2012)
Paris, Mohammad Ballout
L’émissaire arabo-international en Syrie, Lakhdar Brahimi, est attendu bientôt à Damas. La décision de son retour en Syrie a été prise à l’issue des négociations qui ont eu lieu la semaine dernière à Genève entre le vice-ministre russe des AE, Mikhaël Bogdanov, et le vice-secrétaire d’État US, William Burns, en présence de l’ambassadeur états-unien à Damas, Robert Ford, qui est l’un des responsables américains chargés de la gestion du dossier syrien et l’artisan de la « coalition nationale syrienne ».
Brahimi se rendra à Damas porteur d’une série de questions dont ont convenu Washington et Moscou à Genève. Elles permettront de savoir si le président syrien Bachar al-Assad est disposé à accepter le plan de Genève dans sa version modifiée, lequel pave la voie à sa sortie de l’équation syrienne. En effet, ce plan préconise que le président syrien renonce à ses prérogatives en faveur d’un gouvernement transitoire qui sera formé de personnalités de l’opposition et de certaines figures du régime actuel qui ne sont pas impliquées dans les évènements sanglants en Syrie.
Une source européenne rapporte qu’une évolution sensible a été constatée dans la position de la Russie qui, tout en étant intransigeant quant au maintien du président syrien à son poste lors du processus transitoire, ne s’est pas opposée à ce que ses prérogatives soient transmises au gouvernement transitoire. Car Moscou se rend compte des changements politico-militaires survenus sur le terrain ainsi que de la perte par l’armée syrienne régulière de plusieurs sites stratégiques au Nord du pays.
Une source diplomatique européenne a affirmé qu’un responsable états-unien a fait allusion durant la réunion de Genève à un recours possible de son pays à l’armement de l’opposition au cas où la solution politique restait dans l’impasse.
Le retour de Brahimi en Syrie traduit l’entente fragile à laquelle seraient parvenus les États-Unis et la Russie, suite au changement de la balance des forces entre les rebelles et l’armée syrienne. Il semble que les États-Unis misent sur deux chevaux : la solution politique qui impliquera le départ d’Assad du pouvoir ; une bataille décisive qui serait rendue possible par le soutien du Qatar, de la Turquie et de l’Arabie saoudite, sans que Washington ne soit obligé d’y être impliqué par l’envoi d’armement à l’opposition.

As Safir (13 décembre 2012)
Un haut responsable du ministère syrien des Affaires étrangères qui a requis l’anonymat considère que la conférence des Amis de la Syrie à Marrakech n’apportait rien et doit être mise sur le compte de la guerre psychologique pour sauver ce qui pourrait encore être sauvé après les déroutes de l’opposition extérieure. La même source ajoute que cette conférence n’a permis aucun nouveau résultat politique, et les quatre conférences du Groupe des Amis du peuple syrien ont été un échec. Des « efforts absurdes » ont été déployés pour reconnaître la nouvelle structure de l’opposition. Le même responsable indique en outre qu’un grand bloc international était actuellement en faveur d’une solution politique, contrairement au Qatar et à l’Arabie saoudite qui défendent l’option militaire.
Il dénonce ensuite les « actes terroristes en cours, qui n’auront aucun effet » et souligne les « grands et véritables exploits réussis ces derniers jours par l’armée syrienne sur le terrain pour contrer l’offensive contre Damas ». Ce responsable ne s’attend toutefois pas à une éclaircie : en réponse à une question, il a affirmé sans hésitation qu’il prédisait, « après l’exploit politique et militaire », une plus grande escalade et « de nouvelles attaques terroristes ».

As Safir (12 décembre 2012)
Malak Akil
La réunion qui a eu lieu vendredi 7 décembre dans la banlieue sud de Beyrouth entre Hussein Khalil, Ali Hassan Khalil, et Gibran Bassil, en présence du responsable de l’unité de liaison et de coordination du Hezbollah, Wafiq Safa, et du responsable du Mouvement Amal, Ahmad Baalbaki, se répétera plus souvent.
En plus des questions relatives à la loi électorale et la crise gouvernementale qui ont été discutées en profondeur lors de la réunion, les participants ont penché sur les moyens susceptibles de trouver un dénominateur commun entre le 8-Mars d’une part et Walid Joumblatt de l’autre et de parvenir à une formule permettant de prendre en compte les inquiétudes du chef du PSP concernant la nouvelle loi électorale et de rassurer en même temps les chrétiens. Jusqu’à l’heure, les trois pôles de la majorité (le Hezbollah, le mouvement Amal et le CPL) n’ont pas épuisé les moyens qui contribueraient à la mise en place d’une formule consensuelle.
À cet effet, Nabih Berry est appelé à jouer le rôle de chef d’orchestre. Il est mieux placé que le Hezbollah ou le général Aoun pour parrainer les efforts allant dans ce sens, à l’approche de l’échéance électorale, d’autant plus que sa relation avec le locataire du Moukhtara est de nature à favoriser les compromis de dernière minute. Les proches du président de la Chambre affirment qu’il n’existe pas un projet complet qui réunit pour le moment entre la majorité et le leader druze, mais qu’une série de réunions et de rencontres de coordination auront lieu dans la période à venir dans une tentative d’une meilleure compréhension des appréhensions de Joumblatt.

As Safir (11 décembre 2012)
Dans une interview accordée à la chaîne MTV, le député Sleiman Frangié, s’est exprimé, sur plusieurs questions, notamment la crise gouvernementale, le conflit en Syrie, l’affaire Samaha et la situation à Tripoli.
En ce qui concerne la question relative à la formation d’un nouveau gouvernement, il a affirmé qu’il adhère à la proposition du général Michel Aoun de former un « gouvernement de pôles ». Cependant, a-t-il ajouté, il est impossible de s’entendre sur quoique ce soit sans recourir au dialogue. Il a clarifié, dans ce contexte, que le Premier ministre Najib Mikati n’est pas acquis au camp du 8-Mars, soulignant qu’il souhaitait voir à la présidence du Conseil des ministres Omar Karamé ou Abdel Rahim Mrad. Toutefois, constate-il, la désignation d’une personnalité appartenant à l’un ou l’autre des deux camps est susceptible de provoquer une discorde, alors que le gouvernement actuel met le Liban à l’écart des évènements qui surviennent dans son entourage. Partant de là, Frangié a insisté sur la formation d’un gouvernement de pôles ou d’entente nationale, rejetant en bloc l’idée de la mise en place d’un gouvernement neutre.
Le député de Zghorta n’a pas fait mystère de ses reproches à l’égard du président Michel Sleiman. « Lorsque l’ancien ministre Michel Samaha fut arrêté, Sleiman a convoqué le général Wissam el-Hassan pour le féliciter. Hassan avait arrêté 60 agents travaillant pour le compte d’Israël sans avoir droit à des félicitations de sa part », a-t-il lancé. Poursuivant sur sa lancée, il s’est interrogé : « Est-ce que son élection à la présidence de la République était une décision libanaise ou plutôt le résultat d’un accord entre l’Arabie saoudite, le Qatar et l’Occident, entériné à Doha ? ». Critiquant sa position à l’égard du conflit syrien, il a affirmé : « Si le président Bachar al-Assad était fort aujourd’hui, est-ce que Sleiman se serait conduit de la même manière ? ». Et d’enchaîner : « Les Français retiennent aujourd’hui des choses contre le président. Viendra le jour où l’on en parlera ». Il a toutefois souligné que les relations ne sont pas rompues avec le chef de l’État, exprimant son souhait que ce dernier œuvre pour l’intérêt du Liban. Frangié a signalé que Bachar al-Assad est son ami et son frère et qu’il ne le reniera jamais, quoiqu’il arrive.
En ce qui concerne l’assassinat de Wissam al-Hassan, le leader de Zghorta a dit : « Celui qui a vendu Wissam el-Hassan est soit son allié soit son ami. Lui-même avait dit avoir rencontré David Petraeus (ancien directeur de la CIA) qui s’était enquiert auprès de lui de la présence extrémiste au Nord du Liban. Il lui avait répondu qu’il s’agissait de rumeurs. Mais Petraeus l’a-t-il cru ? L’assassinat d’el-Hassan n’a pas provoqué une réaction internationale forte. Et ceci suscite plusieurs points d’interrogation.
Expliquant ses craintes pour le patriarche Béchara Raï, il a affirmé : « J’ai constaté que les prises de position de Raï déplaisent à certains. Le prélat est continuellement en déplacement. C’est une personnalité qui a une grande influence sur la communauté chrétienne. Voilà pourquoi, j’ai des craintes pour lui ».

As Safir (11 décembre 2012)
Imad Marmal
Il est désormais certain que l’alliance du 8-Mars-Michel Aoun ne participera pas à des élections législatives organisées sur la base de la loi de 1960. Et si le commandement de cette alliance n’a pas encore annoncé officiellement sa décision de boycotter un tel scrutin, les milieux informés savent que la décision stratégique a été prise, partant du principe que le report des élections est certes mauvais, mais il reste moins grave que son organisation sur la base de la loi de 1960. Car cela enterrerait les espoirs de réformes et de bonne représentativité pour au moins quatre ans, renouvelables.
Les composantes de l’alliance ont pris leur décision en prenant en compte les justifications suivantes : À l’ombre de la loi de 1960, l’égalité des chances ne sera pas garantie. En effet, cette loi permet à l’argent politique de sévir dans les circonscriptions. Par conséquent, ceux qui disposent de plus de liquidités rafleront le plus grand nombre de sièges parlementaires. Les informations indiquent que les soutiens régionaux du 14-Mars vont débloquer de colossaux budgets pour affronter leurs adversaires, notamment le général Michel Aoun à Jbeil, Kesrouan et le Metn. Car pour eux, ces élections dépassent le contexte libanais et s’inscrivent dans le cadre d’un règlement de compte régional avec l’Iran et le président Bachar al-Assad, en écartant leurs alliés du paysage politique libanais ; l’évolution de la situation au Liban ces prochaines années dépendra en grande partie des résultats de ces élections. D’autant que le vainqueur du scrutin formera les gouvernements et aura une influence sur le choix des prochains présidents de la République et du Parlement. Aussi, le trio de la majorité ne prendra pas le risque de participer aux élections sur la base de la loi de 1960 ; la loi de 1960 consacrera l’injustice au niveau de la représentativité chrétienne, et, par conséquent, de l’équilibre national pour les prochaines années. Par contre, le report du scrutin, en attendant une entente sur une nouvelle loi électorale, aura des répercussions négatives pour quelques mois seulement.
Certains milieux de la majorité estiment que la situation interne, notamment les élections législatives, ne peut pas être isolée de la crise syrienne. Le sort de ce scrutin est lié à l’issue des événements en Syrie. Si un compromis est atteint dans ce pays, il aura des répercussions positives sur le Liban. Si, au contraire, il n’y a pas d’entente sur la Syrie, les scénarios les plus sombres sont à craindre.

An Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
Rosanna Bou Mouncef (14 décembre 2012)
Des sources diplomatiques à Beyrouth remarquent que le 14-mars, qui a toujours ménagé le président de la République Michel Sleiman dans la crise qui secoue le pays, a récemment décidé de procéder à une ouverture en direction du président de la Chambre Nabih Berry pour discuter avec lui des moyens de réactiver la sous-commission parlementaire chargée d’élaborer une nouvelle loi électorale. Certains expliquent cette démarche par la le souci du 14-Mars de ne pas assumer, seul, la responsabilité d’un éventuel report des élections législatives. Le président Berry est la personne concernée pour trouver une issue à la question de la sous-commission, et non pas le chef de l’État.
Bien que le dossier des élections soit important, ce n’est pas la seule raison qui expliquerait la décision du 14-Mars. En effet, certaines forces de cette coalition pousseraient vers plus de flexibilité, à l’instar du député Walid Joumblatt, qui estime nécessaire d’éviter une rupture totale entre les protagonistes libanais et de maintenir certaines portes ouvertes.
Ceci dit, la prise de contact avec M. Berry revêt une autre dimension à la lumière des événements en Syrie, surtout après les propos du vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, sur le fait que le régime syrien est en train de perdre le contrôle de la situation. M. Berry et la plupart des responsables, même si le 8-Mars ne le dit pas ouvertement, sont désormais convaincus que l’issue de la guerre ne sera pas à l’avantage du régime syrien et ne permettra pas son maintien en place. Aussi, l’ouverture du 14-Mars en direction du président du Parlement aidera le 8-Mars à opérer un « atterrissage en douceur » et atténuera les divergences entre la majorité et l’opposition au cas où la crise se termine comme l’ont dit les Russes.

An Nahar (13 décembre 2012)
La confrontation libano-syrienne prend une dimension judiciaires. Nous assistons à une offensive sans précédent et sans détour de Saad Hariri contre le président Bachar al-Assad, qu’il a qualifié de « monstre, qui a perdu toute validité morale, humaine et politique, et est réclamé par la justice du peuple syrien. Il comparaîtra également, sans doute, devant la justice libanaise, lui qui avait pris part, de façon préméditée, à des assassinats, à des opérations terroristes et à l’envoi d’explosifs au Liban ».
Pendant ce temps, le premier avocat général de Damas, Mohammed Marwan el-Louji, se déchaîne contre Saad Hariri, Okab Sakr et Louaï Mokdad, les accusant d’avoir « commis des crimes terroristes et fourni armes et argent aux terroristes en Syrie ». Il ouvre également le feu sur les autorités libanaises parce qu’elles « n’ont pas levé l’immunité parlementaire de Hariri et de Sakr et ne les ont pas traduits en justice ». L’ambassadeur de Syrie au Liban, Ali Abdel Karim Ali, prend la relève lors de sa visite au ministère des Affaires étrangères, en s’emportant contre une « partie libanaise » et en annonçant avoir chargé l’avocat Rachad Salamé de porter plainte contre « quiconque a financé et livré des armes » aux opposants.

Al Akhbar (Quotidien libanais proche de la majorité, 14 décembre 2012)
Hassan Olleik
La cour de cassation militaire est un tribunal de remise en liberté des agents à la solde d’Israël. Et son dernier exploit créatif fut la libération de Charbel Azzi, pourtant condamné à 7 ans de prison pour collaboration avec Israël. La légèreté vis-à-vis d’une affaire aussi dangereuse et l’attitude des juges qui semblent ignorer que le pays a un ennemi sournois et acharné à ses frontières sud sont inacceptables. Charbel Azzi a servi l’ennemi et ses renseignements depuis 1996. Le mutisme de la classe politique est inadmissible. La justice légitime ainsi la trahison et ceux qui ouvrent la porte toute grande à l’ennemi, semblent ignorer le sens de l’expression sécurité nationale.
Une question est adressée au Hezbollah : si le pouvoir au sein duquel la Résistance est représentée est incapable d’empêcher un agent à la solde d’Israël de circuler librement et impunément dans le pays, à quoi bon maintenir ce partenariat au pouvoir ?

Al Akhbar (14 décembre 2012)
Nicolas Nassif
La coalition de l’opposition syrienne est en train de gagner toujours plus de légitimité sur le papier, sans pouvoir la traduire dans les faits. Bien que la reconnaissance de cette coalition par la conférence des Amis de la Syrie à Marrakech comme seule représentant légitime du peuple syrien, qui a porté les signatures de la moitié des pays du monde, sinon plus, ses effets juridiques auront peu de chances d’aboutir ou d’avoir une quelconque pertinence. Pour cela, elle doit s’accompagner d’une résolution des Nations unies suspendant l’adhésion de la Syrie comme État membre à l’organisation internationale ou ôtant toute légitimité au régime syrien. Ce qui n’est toujours pas le cas. Paradoxalement, aucun des pays qui soutiennent la coalition n’a encore soumis à l’Onu une demande appelant à une Assemblée générale pour délégitimer le régime de Bachar el-Assad. Des sources diplomatiques occidentales se disent rassurées par le tandem politico-militaire à la tête de l’opposition, lequel sera à même d’accentuer les pressions sur le régime d’Assad. Elles estiment toutefois que la formation d’un gouvernement provisoire en exil demeure le meilleur objectif à atteindre afin d’ôter toute légitimité à ce régime.

Al Akhbar (14 décembre 2012)
Amman, Nahed Heter
De hauts dirigeants jordanien disposent d’informations de différentes sources qui se recoupent, selon lesquelles le président syrien Bachar el-Assad pourrait tenir bon deux ans encore, jusqu’en 2014, à une double condition : qu’il n’y ait aucune intervention militaire extérieure directe dans le conflit et que l’aide militaire et sécuritaire russe et iranienne soit maintenue au même niveau qu’aujourd’hui. La capitale jordanienne aurait toutefois des craintes relatives à l’économie syrienne, et les responsables sécuritaires jordaniens seraient également inquiets de la montée en puissance du Front al-Nosra.
D’éminentes sources jordaniennes estiment par ailleurs qu’une afghanisation de la Syrie amènerait les Frères musulmans à se rapprocher davantage d’al-Qaëda, ce qui pourrait entraîner un danger menaçant aussi bien la stabilité au Moyen-Orient que les voisins européens sur les rives de la Méditerranée. La diplomatie jordanienne s’active sans relâche pour faire parvenir ces craintes aux pays occidentaux dans l’espoir d’éviter un tel scénario et se mettre en quête d’un compromis pacifique en Syrie.

Al Akhbar (13 décembre 2012)
Jean Aziz
Le camp pro-Hariri n’accorde de l’importance aux mandats d’arrêt syriens à l’encontre de Saad Hariri et Okab Sakr que pour les exploiter au plan politico-médiatique. Car ce camp privilégie toujours la politique de l’attentisme : il attend l’après-Assad, dans la mesure où, selon lui, la chute du président syrien est inexorable et tous les indices le suggèrent. Il ne manquait plus, pour que toutes les pièces du puzzle soient en place, que la reconnaissance par les États-Unis de la nouvelle coalition de l’opposition syrienne –reconnaissance qui devrait annoncer, selon le camp précité, l’armement de cette opposition par les Américains. Tout le reste n’est que détails, même la position de la Russie. En effet, les haririens sont convaincus que Moscou finira par adhérer à un compromis qui définit les contours de la phase de transition. D’ailleurs, une date revient comme un leitmotiv dans ce camp : mars 2013, qui marquerait le point de basculement en Syrie. D’autant plus que la bataille de Damas est aux portes, du point de vue des pro-Hariri. Ces derniers affirment avoir reçu des informations confirmées, selon lesquelles plusieurs scénarios seraient envisagés par le régime concernant cette bataille. L’un de ces scénarios, soulignent-ils, prévoit une implication massive des combattants du Hezbollah, les haririens avançant le chiffre de milliers d’éléments armés et prédisant dans ce cas une grande « catastrophe » pour le Liban.

Al Akhbar (13 décembre 2012)
Hyam Kosseify
Un homme politique libanais déclare que la conséquence essentielle que l’on peut tirer des négociations en cours entre l’Occident et les Russes autour de la Syrie est que Bachar al-Assad est considéré comme un des nombreux acteurs du conflit. Cela aura des répercussions importantes sur les pourparlers en cours sur son sort et sur l’avenir du pays.
Des milieux politiques libanais en contact avec les Américains assurent que les développements sur le terrain ont prouvé que ni le régime ni les rebelles ne sont capables de terminer la guerre à leur avantage. Les propos qui sont échangés dans les salons politiques et médiatiques tendent à minimiser l’importance de toute bataille dans la capitale, dans le sens où elle ne saura être décisive. Damas n’est pas Daraa ou Daraya, elle est la capitale politique et administrative du régime dont les connaisseurs savent qu’il ne permettra pas qu’elle tombe, car cela signifierait sa fin. Damas est le principal poids militaires, toutes les unités d’élites y sont déployées, y compris celles qui ont été retirées de certaines régions. C’est la principale ligne de défense du régime, de la famille et de la communauté alaouite. Aussi, tout propos sur une issue rapide et proche de cette bataille sont précipités. Sans une opération spéciale extérieure ou un retournement interne, comme la défection d’une division de l’armée, il n’y a aucun indice montrant que le régime syrien va remettre les clés de Damas facilement. Surtout qu’il s’emploie, actuellement, à élargir son déploiement autour de la capitale et dans sa campagne pour y établir une puissante ligne de défense. Des analystes estiment que le timing de la bataille de Damas n’est pas à l’avantage des rebelles, qui ont raté l’occasion de fondre sur la capitale après l’assassinat des quatre généraux, en juillet dernier.
De même que les propos sur l’imminence de la bataille décisive de Damas ignorent l’impact qu’elle pourrait avoir sur le Liban, en raison de la proximité géographique, l’afflux probable de réfugiés, et les « exterminations » qui pourraient se produire dans un combat de vie ou de mort à Damas, sans oublier la suprématie militaire actuelle du régime. En partant de là, on comprend mieux l’importance que revêtait la rencontre Clinton-Lavrov, puis la réunion tripartite avec Lakhdar Brahimi, à Dublin. Les détails de ces discussions ont commencé à arriver à des milieux libanais informés : Russes et États-uniens sont sérieux dans leur recherche d’une solution politique à la crise syrienne. Deux points de vue s’affrontent : les Américains veulent au préalable le départ d’Assad, alors que les Russes et derrière eux les Iraniens, veulent la solution politique d’abord. Mais tous sont d’accord sur la nécessité de préserver la structure du régime au niveau de l’organisation et de l’administration, afin que ne se reproduisent pas les expériences irakienne et libyenne, ce qui aboutirait à un vaste chaos qui affecterait le Liban et la Jordanie. Dans ces négociations, la Russie dispose de nombreuses cartes. Son influence est grande au sein de l’armée syrienne et elle connait l’emplacement des armes chimiques. Elle négocie donc d’une position de force une formule qui sauvegarderait les alaouites et les autres minorités, ainsi qu’un rôle futur pour certaines figures du régime.

Al Hayat (quotidien à capitaux saoudiens-14 décembre 2012)
L’ambassadeur de Syrie au Liban Ali Abdel Karim Ali charge l’avocat Rachad Salamé, ancien membre du bureau politique des Kataëb, de porter plainte devant les autorités judiciaires compétentes contre quiconque dont est établie l’implication dans la livraison d’armes et d’argent à l’opposition en Syrie ou dans l’appui au terrorisme pour saper la stabilité générale dans ce pays, sur base des enregistrements attribués au député Okab Sakr. Salamé a indiqué qu’il est en train d’examiner le dossier pour décider si porter plainte ou pas, et qu’il portera plainte uniquement contre le député Sakr, à l’exclusion de tout autre, si une telle plainte s’avère nécessaire et justifiée. Une telle action en justice, explique-t-il, impliquerait une demande de levée de l’immunité parlementaire du député. Il souligne qu’il n’envisage aucune plainte contre l’ancien Premier ministre Saad Hariri.

Ad Diyar (Quotidien libanais proche de la majorité, 14 décembre 2012)
Le chef du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, se rendra à Paris pour présenter son initiative politique au président français, François Hollande. La rencontre sera pour le député du Chouf l’occasion de faire la connaissance du chef de l’État français. Elle ne se limitera pas à la discussion de la loi électorale. A la suite de l’élection de chaque nouveau président français, les services secrets français remettaient un rapport au locataire de l’Élysée concernant les relations historiques entre le Moukhtara et la France, soulignant que Walid Joumblatt est le leader d’une influente communauté et qu’il avait toujours d’excellentes relations avec la France, à tel point que Joumblatt a hissé le drapeau français au dessus du Palais de Moukhtara. Le député du Chouf veut porter le président français à s’occuper de près du Liban. Il souhaite également avoir des relations directes avec lui. Il tentera de savoir le nom de la personnalité française qu’il désignera comme officier de liaison entre lui et Hollande. Tout comme le président Nicolas Sarkozy avait chargé un responsable pour assurer les contacts avec Ali Mamlouk, Michel Samaha et Marwan Hamadé, son successeur pourrait à son tour désigner un officier de liaison qui sera chargé de suivre les dossiers libanais.

L’Orient-Le Jour (Quotidien libanais francophone proche du 14-Mars)
Scarlett Haddad (14 décembre 2012)
Les propos du vice-ministre russe des AE sur les progrès de l’opposition syrienne et la possibilité de la chute du régime, repris dans tous les médias, sont venus conforter le 14-Mars dans sa conviction que les jours de Bachar al-Assad au pouvoir sont comptés et qu’ils ont donc fait le bon choix en appuyant les rebelles, ainsi que la prise du pouvoir dans la région par les Frères musulmans, selon le plan véhiculé par la Turquie et le Qatar.
Mais ce plan, aussi cohérent soit-il (voir L’Orient-Le Jour du mercredi 12 décembre), comporte des lacunes, et si on y regarde de plus près, il n’est pas réellement appliqué selon les prévisions et les attentes de ses parrains internationaux et régionaux. De Gaza à Tunis, en passant par Le Caire, Damas et Beyrouth, rien ne se passe comme prévu.
À Tunis et au Caire, le pouvoir des Frères musulmans peine à se mettre en place. Si les troubles en Tunisie sont devenus le pain quotidien des habitants, ce sont surtout les développements en Égypte qui inquiètent les Occidentaux. D’abord, les Frères musulmans montrent chaque jour leur dérive totalitaire, mais surtout, ils se heurtent à une opposition grandissante, qui ne veut pas baisser les bras. Les Égyptiens n’ont jamais été aussi divisés et l’opposition au régime des Frères annonce clairement qu’elle ne veut pas qu’on lui vole sa révolution. La situation est confuse et nul ne peut prédire quel sera l’avenir de l’Égypte. Mais l’élément le plus important, c’est que l’ère des tyrans qui pouvaient faire tout avaler à leurs populations est révolue et les Occidentaux craignent de plus en plus les mauvaises surprises avec le pouvoir des Frères musulmans.
Dans le dossier palestinien, la situation est aussi complexe. Si, en apparence, le Hamas de Khaled Mechaal est en voie de devenir « fréquentable » en acceptant plus ou moins clairement la possibilité d’un compromis après avoir obtenu le statut d’observateur à l’ONU pour la Palestine, rien n’indique que la situation est aussi simple. D’abord, les huit jours d’affrontements avec Israël et le lancement de missiles sur Tel-Aviv et Jérusalem ont donné aux Palestiniens un sentiment de puissance qu’ils n’avaient plus éprouvé depuis longtemps. Et ce sentiment est essentiellement dû aux armes fournies par l’Iran. C’est dire que la base du Hamas n’est pas forcément acquise à l’idée du compromis avec Israël, malgré la disparition du chef militaire Ahmad Jaabari. D’autres cadres du mouvement refusent de rompre les liens avec l’axe dit de la résistance, et le chef du gouvernement de Gaza Ismaïl Haniyeh adopte une position ambiguë ménageant aussi bien le Qatar et la Turquie que l’Iran et le Hezbollah. De plus, à la gauche du Hamas, il y a le Jihad islamique qui prend de plus en plus de poids à Gaza et qui est totalement aligné sur la politique de l’Iran. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les Israéliens ont refusé au chef de cette organisation Ramadan Abdallah Challah l’autorisation de se rendre à Gaza. C’est dire que « l’esprit résistant » est encore vivace à Gaza, et même si Mechaal se dirige vers un compromis – ce qui n’est pas encore confirmé –, il doit aussi tenir compte de la base de son organisation ainsi que de la tendance générale des Palestiniens qui ont montré, plus de soixante ans après la nakba et malgré leurs conditions de vie atroces, qu’ils continuent à vouloir lutter pour leurs droits. De plus, si la reconnaissance de la Palestine comme État observateur à l’Onu entraîne une reconnaissance tacite de l’État d’Israël par les pays qui niaient jusque-là son existence (l’Iran a ainsi voté en faveur de la résolution), elle permet aussi aux Palestiniens de déposer une plainte contre cet État devant la CPI et elle leur donne comme point de départ de toute négociation ultérieure les frontières de 1967.
En même temps, ce qui rend la possibilité d’une négociation assez difficile, c’est le refus des Israéliens de faire la moindre concession. Même si Netanyahu perd les prochaines élections, les sondages montrent que 60 % des Israéliens sont d’accord avec sa politique. La Cisjordanie est ainsi presque totalement démantelée par les colonies israéliennes, et malgré toutes les condamnations occidentales, les responsables israéliens ne semblent pas prêts à modifier leurs plans. Face à une telle réalité, que restera-t-il à négocier ?
En Syrie, les développements ne sont pas non plus forcément rassurants. Les médias US et les instituts de recherche dénoncent de plus en plus la dérive islamiste de l’opposition syrienne ainsi que la multiplication de groupes takfiristes, qui font eux la plupart des batailles sur le terrain. Les conclusions de ces centres de recherche montrent clairement que si le régime syrien devait chuter, il n’y aurait pas forcément une solution en Syrie. Au contraire, le pays serait livré à une multitude de groupes divisés, extrémistes et sans véritables têtes. La situation pourrait même devenir plus compliquée et le chaos s’installerait pour quelques années au moins dans ce pays stratégique à plus d’un titre.
Enfin, au Liban, le rapport des forces n’est toujours pas en faveur du 14 Mars, puisque Walid Joumblatt, sur lequel misait Saad Hariri, ne cesse d’exprimer son appui à l’actuel gouvernement qui lui paraît préférable au vide institutionnel. Le slogan de faire chuter le gouvernement de Mikati ne semble pas devoir se concrétiser dans un proche avenir, alors que le chaos à Tripoli ou à Saïda ne lui profite pas non plus. C’est d’ailleurs à cause essentiellement de la pression populaire que le Premier ministre a décidé de réunir le Conseil supérieur de défense dimanche dernier pour décider d’un plan de sécurité à Tripoli.
Pour toutes ces raisons, le plan d’une prise de pouvoir dans la région par les Frères musulmans et la mouvance islamique en général avec l’aval des Occidentaux n’est pas aussi précis qu’on pourrait –ou voudrait– le croire.

Sunday Telegraph (Hebdomadaire britannique, 10 décembre 2012)
L’ancien otage britannique, Terry Waite, a rencontré dernièrement des dirigeants du Hezbollah dans une démarche de réconciliation, 25 ans après son enlèvement au Liban. Terry a rencontré un des plus hauts dirigeants du Hezbollah, accusé de l’avoir enlevé et séquestré pendant cinq ans dans un fief du parti à Beyrouth. L’ancien otage a visité la capitale libanaise pour attirer l’attention sur les chrétiens qui ont été contraints de fuir la guerre civile en Syrie. Il a demandé au Hezbollah d’aider à atténuer la souffrance des chrétiens en cette période qui précède la fête de Noël, lors d’une rencontre arrangée de nuit avec le responsable des relations internationales du parti, Ammar Moussaoui.
Terry Waite (72 ans), a reconnu que « les gens vont (le) prendre pour un fou d’avoir sollicité une rencontre avec le Hezbollah et vont penser qu’(il) est de connivence avec le parti ». Mais il a mis insisté que le moment est venu de pardonner au Hezbollah ses souffrance passées. Après 48 heures de négociations, le Hezbollah a accepté une rencontre, lundi passé.
L’ancien otage a dit à son interlocuteur qu’il avait des problèmes avec le Hezbollah et qu’il souhaitait que cela reste dans le passé. Il pense que la réconciliation entre les grandes communautés et les groupes politiques « passe par notre réconciliation personnelle ». Terry Waite a informé le Hezbollah que le printemps arabe s’est transformé en « force d’oppression et non pas de liberté », alors que M. Moussaoui a déclaré que les moments difficiles ont besoin de grands hommes. « Si vous êtes venus pour démolir ce mur, c’est que vous être un grand homme », lui a lancé le responsable du Hezbollah.

Source
New Orient News