L’Iran introduit une instance contre les États-Unis d’Amérique au sujet d’un différend relatif à des violations alléguées du traité d’amitié de 1955
La République islamique d’Iran (ci-après l’« Iran ») a introduit hier devant la Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies, une instance contre les Etats-Unis d’Amérique (ci-après les « Etats-Unis »), au sujet d’un différend relatif à des « violations, par le Gouvernement des Etats-Unis, du Traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires entre l’Iran et les Etats-Unis d’Amérique, signé à Téhéran le 15 août 1955 et entré en vigueur le 16 juin 1957 » (ci-après le « traité de 1955 »).
Selon le demandeur, les Etats-Unis, qui considèrent de longue date « que l’Iran peut être qualifié d’Etat soutenant le terrorisme (désignation que l’Iran conteste catégoriquement) », ont adopté un certain nombre d’actes législatifs et exécutifs [1] ayant pour conséquence pratique d’assujettir les actifs et intérêts de l’Iran et d’entités iraniennes, notamment ceux de la banque centrale iranienne (également appelée « banque Markazi »), aux procédures d’exécution des Etats-Unis, y compris lorsque ces actifs ou intérêts « sont considérés comme appartenant à des entités juridiques distinctes … non parties au jugement sur la responsabilité dont l’exécution est recherchée » ou qu’ils « appartiennent à l’Iran ou à des entités iraniennes … et jouissent de l’immunité à l’égard des procédures d’exécution en vertu du droit international et des dispositions du traité » de 1955.
L’Iran ajoute que, en conséquence de ces actes, « toute une série de réclamations ont été tranchées au détriment [de lui-même] et des entités iraniennes, ou sont pendantes », et que les tribunaux américains « ont rejeté à maintes reprises les tentatives faites par la banque Markazi pour invoquer les immunités dont jouissent les biens en question » en vertu du droit américain et du traité de 1955. Il soutient en outre que « les actifs d’institutions financières et d’autres sociétés iraniennes ont déjà été saisis, ou sont sur le point d’être saisis et transférés, ou risquent de l’être, dans le cadre d’un certain nombre de procédures », et précise que, à la date du dépôt de sa requête, les tribunaux américains l’« ont condamné …, à raison de sa participation alléguée à différents actes terroristes principalement commis en dehors des Etats-Unis, à verser des dommages et intérêts d’un montant total de plus de 56 milliards de dollars américains ».
Le demandeur affirme que les actes et décisions en question « violent un certain nombre de dispositions du traité » de 1955.
En conséquence, l’Iran « prie respectueusement la Cour de dire et juger :
a) que la Cour a compétence en vertu du traité d’amitié pour connaître du différend et statuer sur les demandes présentées par l’Iran ;
b) que par leurs actes, à savoir ceux mentionnés plus haut et en particulier
• a) la non-reconnaissance du statut juridique distinct (et notamment de la personnalité juridique distincte) de toutes les sociétés iraniennes, parmi lesquelles la banque Markazi,
• b) le traitement injuste et discriminatoire de ces entités, et de leurs biens, qui porte atteinte aux droits et intérêts légalement acquis par celles-ci, ainsi qu’à l’exécution de leurs droits contractuels,
• c) le fait de ne pas assurer à ces entités et à leurs biens, de la manière la plus constante, une protection et une sécurité qui ne sauraient en aucun cas être inférieures aux normes fixées par le droit international ;
• d) l’expropriation des biens de ces entités,
• e) le fait de ne pas accorder à ces entités le libre accès aux tribunaux des Etats-Unis d’Amérique, et notamment de ne pas reconnaître les immunités que le droit international coutumier et les dispositions du traité d’amitié confèrent à l’Iran et aux sociétés publiques iraniennes, parmi lesquelles la banque Markazi, ainsi qu’à leurs biens,
• f) le non-respect du droit de ces entités d’acquérir et d’aliéner des biens,
• g) l’imposition à ces entités de restrictions en matière de paiements et autres transferts de fonds à destination ou en provenance des Etats-Unis d’Amérique, et
• h) le non-respect de la liberté de commerce, les Etats-Unis d’Amérique ont manqué à leurs obligations envers l’Iran, notamment à celles que leur imposent les paragraphes 1) et 2) de l’article III, les paragraphes 1) et 2) de l’article IV, le paragraphe 1) de l’article V, le paragraphe 1) de l’article VII et le paragraphe 1) de l’article X du traité d’amitié ;
c) que les Etats-Unis d’Amérique doivent s’assurer qu’aucune mesure ne sera prise sur la base des actes exécutifs, législatifs ou judiciaires (tels que mentionnés plus haut) en cause dans la présente affaire et qui, dans la mesure déterminée par la Cour, sont incompatibles avec les obligations qui leur incombent envers l’Iran au titre du traité d’amitié ;
d) que l’Iran et les sociétés publiques iraniennes jouissent de l’immunité de juridiction à l’égard des tribunaux des Etats-Unis d’Amérique et des procédures d’exécution dans ce pays, et que cette immunité doit être respectée par les Etats-Unis d’Amérique (y compris leurs tribunaux), dans la mesure établie par le droit international coutumier et requise par le traité d’amitié ;
e) que les Etats-Unis d’Amérique (y compris leurs tribunaux) sont tenus de respecter le statut juridique (y compris la personnalité juridique distincte) de toutes les sociétés iraniennes, y compris les sociétés publiques, telles que la banque Markazi, et d’accorder à celles-ci le libre accès à leurs tribunaux, et qu’aucune mesure fondée sur les actes exécutifs, législatifs ou judiciaires (tels que mentionnés plus haut) emportant ou supposant la reconnaissance ou l’exécution desdits actes ne sera prise contre les biens ou les intérêts de l’Iran, ni contre aucune entité iranienne, ni aucun ressortissant iranien ;
f) que les Etats-Unis d’Amérique, pour avoir enfreint leurs obligations juridiques internationales, sont tenus de réparer intégralement le préjudice ainsi causé à l’Iran, pour un montant à déterminer par la Cour à un stade ultérieur de l’instance, l’Iran se réservant le droit d’introduire et de présenter à la Cour, en temps utile, une évaluation précise des réparations dues par les Etats-Unis ; et d’ordonner
g) tout autre remède que la Cour jugerait approprié. »
Pour fonder la compétence de la Cour, le demandeur invoque le paragraphe 2 de l’article XXI du traité de 1955, auquel les Etats-Unis et l’Iran sont parties l’un et l’autre. Cette disposition se lit comme suit : « Tout différend qui pourrait s’élever entre les Hautes Parties contractantes quant à l’interprétation ou à l’application du présent Traité et qui ne pourrait pas être réglé d’une manière satisfaisante par la voie diplomatique sera porté devant la Cour internationale de Justice, à moins que les Hautes Parties contractantes ne conviennent de le régler par d’autres moyens pacifiques. »
[1] A cet égard, l’Iran se réfère, en particulier, à l’article 1605A du Foreign Sovereign Immunity Act (loi sur les immunités des Etats étrangers), au Terrorism Risk Insurance Act (loi sur la couverture des risques liés au terrorisme) de 2002, à l’Executive Order 13599 — Blocking Property of the Government of Iran and Iranian Financial Institutions (décret n° 13599 — gel des biens du Gouvernement iranien et des institutions financières iraniennes), et au Iran Threat Reduction and Syria Human Rights Act (loi pour la réduction de la menace iranienne et les droits de l’homme en Syrie) de 2012.
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