Cher Heiko,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
chers amis,

Le multilatéralisme que nous avons peu à peu bâti depuis 1945, le multilatéralisme que nous défendons aujourd’hui, ce n’est pas seulement une méthode d’action, c’est un ensemble de valeurs. C’est une certaine idée de l’humain, une certaine idée de la dignité. Et c’est pourquoi nous avons souhaité, cette année, faire coïncider cette nouvelle réunion de notre alliance avec l’ouverture du Conseil des droits de l’Homme comme nous l’avons fait l’année dernière. En un an, alors que la crise pandémique occupait le devant de la scène, des régressions considérables ont eu lieu. Et le rôle de ce Conseil reste donc absolument essentiel, et nous devons tous le soutenir. Et la France est fière d’y siéger à nouveau, aux côtés de certains de vos pays. C’est une grande responsabilité que nous mesurons parfaitement et que nous entendons assumer pleinement, en agissant partout dans le monde et de manière très concrète en faveur du respect des droits de l’Homme.

Aujourd’hui, nous commencerons donc par évoquer ensemble quelques-unes des nouvelles menaces qui pèsent sur les droits humains.

Je pense d’abord au défi de la révolution numérique. Se battre pour l’universalité des droits de l’Homme aujourd’hui, c’est en effet, notamment, se battre pour que le droit à la vie privée, à la liberté d’expression, la liberté d’informer, la liberté d’être informé, ne s’arrête pas là où commence le cyberespace, et combattre toutes leurs violations, même celles qui sont commises aux moyens d’outils numériques, est essentiel. Le virtuel fait aujourd’hui pleinement partie de notre réalité ; si besoin était, cette réunion nous en apporte la confirmation. Une part croissante de nos existences se joue désormais dans le cyberespace. Il ne peut donc s’agir de zones de non-droit. Surtout lorsqu’il s’agit des droits fondamentaux.

C’est pourquoi, un multilatéralisme efficace et utile aux valeurs qui nous réunissent, c’est un multilatéralisme qui travaille à mettre au point et à faire appliquer des régulations nouvelles dans ce domaine. Des régulations nouvelles pour une utilisation responsable de l’intelligence artificielle, dans la lignée des recommandations formulées par l’UNESCO et des pistes ouvertes par le partenariat mondial pour l’intelligence artificielle que nous avons lancé en juin 2020. Et puis, des régulations nouvelles pour que les medias puissent continuer à jouer pleinement leur rôle de pilier de la démocratie, en dépit des évolutions économiques et technologiques qui viennent aujourd’hui bouleverser leur modèle de fonctionnement. Et c’est là un des enjeux du partenariat information-démocratie que nous avons créé avec nos partenaires de l’Alliance pour le multilatéralisme et Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières, y reviendra.

Tu l’as dit, Heiko, il y a un instant, le dérèglement climatique constitue également une nouvelle menace pour les droits humains. Il s’agit malheureusement d’une réalité environnementale ; mais cette réalité environnementale est d’autant plus redoutable qu’elle se combinera, et parfois se combine déjà, à des réalités sociales. Le combat pour le climat doit toujours être en même temps un combat pour l’humain, pas seulement pour les générations à venir, mais, dès maintenant, un combat pour les plus vulnérables de nos sociétés ; c’est le sens de la coalition pour l’action féministe, pour une justice climatique, qui s’est constituée dans la perspective du forum génération égalité qui se tiendra cette année, nous allons y revenir dans un instant.

Dans la seconde partie de cette réunion, nous ferons également le point sur notre riposte collective à la crise sanitaire. Nous évoquerons à la fois les enjeux de court terme, en particulier la question de l’accès universel à ces biens publics mondiaux que doivent être les vaccins et du combat que nous menons en ce sens dans le cadre de l’initiative ACT-A. Mais Heiko l’a déjà tout à fait tracé, tout à l’heure. Et puis, il nous faut aussi réfléchir et agir ensemble sur la réforme de l’architecture multilatérale de santé, qui passe par plusieurs chantiers très concrets : le renforcement du rôle de l’OMS, par l’amélioration en particulier de son système d’alerte, la capacité à disposer de l’expertise scientifique nécessaire pour agir, notamment grâce au Conseil d’experts de haut niveau "Une seule santé", dont notre dernière réunion, en novembre, a permis d’acter la création ; ou encore par l’envoi de missions de vérification sur le terrain.

Voilà trois initiatives, trois chantiers très concrets, sur lesquels il nous faut nous mobiliser. Voilà les sujets sur lesquels nous devons agir ensemble pour retrouver les voies d’une action collective plus efficace.

Je ne serai donc pas plus long, et je vous passe la parole pour que vous puissiez la passer aux interlocuteurs à venir.