Sujet : Contraception, IVG

Allocution de : Nicole Péry

En qualité de : secrétaire d’État aux droits des femmes et à la formation professionnelle

Colloque : Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale (France)

Le : 30 mai 2000

Je suis très heureuse de répondre à l’invitation de la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale. Je souhaite vous expliquer comment se construit la politique des droits des femmes au sein du gouvernement et, au-delà des droits des femmes, l’égalité entre les hommes et les femmes.

J’ai rejoint le gouvernement en avril 1998 pour prendre en charge le domaine de la formation professionnelle. En décembre 1998, le Premier Ministre m’a confié une deuxième compétence ministérielle, celle des droits des femmes, avec un objectif précis : donner au projet de loi sur la parité une visibilité politique.

Mais, très vite, la militante des droits des femmes que j’ai été toute ma vie, ne s’est pas contentée de porter ce projet de loi sur la parité en politique. Je me suis intéressée à la manière dont on pouvait, de nos jours, traiter ce sujet, en particulier la maîtrise de notre corps, de notre sexualité et de notre fécondité. Cela a constitué, comme pour beaucoup d’entre vous, le but de mon engagement pendant de nombreuses années. Comment, aujourd’hui en l’an 2000, peut-on construire des politiques permettant de faire avancer les droits des femmes ainsi que l’égalité entre les hommes et les femmes ? J’ai résolument choisi de porter ce regard européen - qui est le mien après des années d’expérience en tant que députée européenne - et d’avoir ainsi une approche globale de ces problèmes.

Les droits des femmes sont un tout. Nous devons placer l’objectif de l’égalité entre les hommes et les femmes dans toutes les politiques construites par le gouvernement. Cette approche a été acceptée par le Premier Ministre le 8 mars 1999. Pendant un an, j’ai construit, en partenariat avec une large majorité de ministres, des politiques communes entre leurs secteurs et le mien, celui du Secrétariat d’Etat aux droits des femmes. L’ensemble de ces engagements dépassent celui de la Secrétaire d’Etat que je suis, mais engagent la responsabilité de tout le gouvernement. C’était aussi une façon de faire prospérer les cent millions de francs qui constituent le budget du Secrétariat d’Etat aux droits des femmes et de le faire abonder par les budgets de mes collègues du gouvernement.

Nous avons tracé plusieurs axes.

1) L’accès des femmes aux lieux de décision

Au-delà de la politique, l’accès des femmes aux lieux de décision concerne, plus largement, tous les champs de la société : économique, associatif, syndical, bref toute la société civile.

2) L’égalité professionnelle

Notre deuxième axe consiste à réactualiser la loi de 1983 de Madame Yvette Roudy et à examiner comment nous pouvons en l’an 2000, aussi bien dans le monde des entreprises que dans le cadre de la fonction publique, continuer à avancer vers l’égalité professionnelle. Pour cela, j’ai construit des partenariats avec divers ministres.

3) l’orientation scolaire

L’orientation scolaire des filles est toujours un sujet de préoccupation. J’ai signé une convention, le 25 février dernier, avec le ministre de l’Education Nationale pour mettre en place une politique non-violente et non-sexiste dès la maternelle et pour améliorer l’accompagnement de l’orientation scolaire.

Nous avions mené, avec Madame Yvette Roudy, des campagnes sur ce thème dans les années 1980. Ce problème demeure aujourd’hui. 60 % des emplois des femmes sont regroupés dans seulement six groupes socioprofessionnels. Nous devons reprendre cette réflexion collective sur l’orientation scolaire des garçons et des filles, en développant l’information sur les métiers et les perspectives professionnelles tout au long de la scolarité.

4) La création d’entreprises par les femmes

Le quatrième axe concerne la création d’entreprises par les femmes. Les femmes aiment entreprendre. Elles prennent des risques. La plupart du temps, il leur manque au départ l’autofinancement et un accompagnement dans la gestion. Nous avons décidé d’abonder de 20 millions de francs supplémentaires le Fonds de Garantie à l’Initiative des Femmes et d’augmenter de 25 % le nombre de femmes bénéficiant d’un accompagnement.

5) Les droits spécifiques des femmes

Le cinquième axe concerne les droits spécifiques des femmes.

Madame Martine Aubry, Ministre de l’Emploi et de la Solidarité, a instruit le dossier " IVG et contraception " bien avant que je n’aie la compétence " Droits des femmes ". Dès ma saisine de ce dossier, j’ai été totalement convaincue de la nécessité d’entreprendre une large campagne sur la contraception. Cette campagne est devenue plus que nécessaire, en particulier à cause du nombre encore élevé de grossesses non-désirées, notamment chez les très jeunes. Concernant l’accès à l’IVG, autre dossier porté par Madame Martine Aubry, nous avons donné, en juillet 1999, une conférence de presse à partir des conclusions du " Rapport Nisand " pour populariser ce qui semblait devoir faire l’objet de l’attention du gouvernement et d’un complément d’étude. La Ministre avait relevé trois sujets :

· l’allongement du délai à douze semaines ;

· le problème de l’autorisation parentale des mineures ;

· le cas des femmes en situation irrégulière, fortement défendu par le milieu associatif.

Je sais que Madame Martine Aubry a confié au Professeur Israël Nisand un deuxième rapport, qui vise à mieux connaître l’avis du milieu médical sur l’allongement des délais à douze semaines, sachant qu’il s’agit de la moyenne pratiquée par les pays de l’Union Européenne. Madame Martine Aubry a clairement annoncé qu’elle s’exprimerait sur ce sujet avant l’été. Je suis donc certaine que, dans les prochaines semaines, elle s’exprimera publiquement sur ce sujet.

Au-delà de ce dossier, d’autres questions restent très préoccupantes, en particulier celles liées aux violences subies par les femmes. Ce sujet va faire l’objet d’un travail de fond. Nous avons entrepris une enquête sur 7 000 femmes en France. Les résultats de cette enquête téléphonique, qui concerne à la fois la violence domestique, la violence sur les lieux de travail et les violences sur les lieux publics, seront rendus publics à l’automne. J’aurai ensuite à c_ur de faire en sorte que de véritables politiques publiques soient construites et que ce ne soit pas toujours le réseau associatif qui porte ces détresses à bout de bras. Avant même que cette enquête ne soit menée à bien, j’ai mis en place deux partenariats :

· Un premier partenariat avec Madame Elisabeth Guigou, Ministre de la Justice. Je lui ai demandé de m’aider à mettre à plat l’ensemble de la législation française relative à la protection des femmes qui subissent des violences. Je lui ai demandé également de procéder à une comparaison des législations européennes sur ce même sujet, pour déterminer la position de la France en matière de protection des femmes victimes de violences.

· J’ai signé, le 8 mars dernier, avec Monsieur Louis Besson, Secrétaire d’Etat au Logement, qui a rencontré beaucoup d’associations de femmes battues et a parfaitement bien compris que l’accueil était leur premier souci, une circulaire demandant à tous les préfets de veiller à ce que les femmes victimes de violences soient dorénavant considérées comme prioritaires dans l’accession au logement social.

Dans le cadre de ces violences, j’ai également un regard très particulier sur le dossier de la prostitution. Je compte intégrer ce dossier dans l’étude des violences. Vous connaissez, comme moi, le débat actuel sur le plan international, que ce soit le protocole discuté à Vienne ou la semaine prochaine à New-York. Je serai présente à la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations-Unies sur Pékin+5 et je m’y exprimerai au nom de la France. J’aurai évidemment très à coeur de rappeler que notre pays est toujours favorable à l’abolition de la prostitution et que, personnellement, je ne peux pas m’inscrire dans cette logique qui veut établir une différence entre prostitution dite libre et prostitution forcée.

1) Le soutien des femmes dans le monde culturel

Ce sixième axe tend à rendre plus visible la création féminine dans l’univers culturel. J’ai également inscrit, dans cet axe, le thème " Femmes et publicité ". En partenariat avec Madame Catherine Tasca, Ministre de la Culture, un groupe de travail va se constituer dans les jours prochains, afin d’élaborer un code d’éthique et de bonne conduite voué à sensibiliser les publicitaires sur l’image des femmes dans la publicité.

2) La solidarité internationale

Le septième axe concerne la solidarité internationale. Sur le sujet " Droits des femmes et respect des femmes ", nous avons, en France, la tradition d’une solidarité très forte, d’abord avec le milieu francophone, bien sûr au sein de l’Union Européenne, mais bien au-delà avec d’autres continents.

3) Les moyens financiers et humains

Les moyens d’une politique reposent sur une administration efficace de ressources humaines. C’est un combat que j’ai mené. J’ai réussi à faire en sorte que les personnels du service déconcentré des droits des femmes soient intégrés dans la grille du ministère au niveau cadre A. C’était mon engagement pour 1999-2000. Mon engagement pour 2001 est d’obtenir un maillage du service sur tout le territoire, de façon à ce que nous ayons un relais dans chaque département. A ce jour, quinze départements n’ont aucun relais du service des droits des femmes.