Sujet : Contraception, IVG
Allocution de : Paquita Morellet-Steiner
En qualité de : Conseillère technique au cabinet de M. Jack Lang, Ministre de l’Education nationale
Colloque : Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale (France)
Le : 30 mai 2000
Je vous présente les excuses de Monsieur Jack Lang, Ministre de l’Education nationale, qui, malgré tout son intérêt pour le sujet qui nous réunit aujourd’hui, ne pourra participer à votre débat. Le sujet de votre colloque fait partie des grands axes en matière de santé publique que nous allons traiter au sein du Ministère de l’Education nationale dans les années à venir avec les équipes des établissements scolaires et, en particulier, les médecins et les infirmiers de l’Education nationale.
J’aimerais rappeler un aspect important de la politique conduite, les années précédentes, à l’Education nationale, en matière d’éducation à la sexualité, en rendant hommage à Madame Ségolène Royal, alors Ministre déléguée à l’enseignement scolaire, qui a beaucoup fait dans ce domaine et qui a pris des décisions importantes, notamment en matière de contraception d’urgence. Je voudrais en retracer les grandes étapes.
Il y a eu, depuis trois ans, une réorientation très claire en matière d’éducation à la sexualité. L’une de nos missions essentielles à l’Education nationale est, en effet, de promouvoir une éducation à la responsabilisation des jeunes, au respect de soi et de l’autre, et aussi une éducation prenant en compte la dimension affective et relationnelle de la sexualité. L’éducation sexuelle existe depuis longtemps à l’Education nationale et ses premières circulaires datent de 1974. Mais, parce qu’il s’agit d’un sujet multiforme, complexe et sensible et parce que nous avons eu tendance à renvoyer l’éducation sexuelle à certaines disciplines, notre vision a été réductrice, et s’est trop souvent orientée vers des cours de biologie. Ces cours n’étaient pas portés par un discours " moral ", se référant à des valeurs et allant dans le sens d’une autonomie. Un axe nouveau a donc été clairement affirmé depuis trois ans : promouvoir auprès des jeunes une éducation à l’exercice de la responsabilité.
Nous travaillerons désormais à instaurer un meilleur dialogue avec les adolescents. Nous nous efforçons de construire des temps de dialogue, d’écoute, de prévention avec les jeunes. Par ailleurs, nous avons sans doute insuffisamment pris en compte, en matière de prévention et d’éducation sexuelle, la différence entre les garçons et les filles, ainsi que les différents niveaux de maturité. En effet, cela semble un paradoxe, mais certains discours destinés à être entendus par des jeunes filles, et même par des jeunes femmes adultes, ont peu de prise sur les jeunes adolescents. Il nous faut également réfléchir à une meilleure prise en compte des difficultés sociales et culturelles. Ainsi, la Guyane, où j’ai eu l’occasion de me rendre - mais la question se trouve posée dans les mêmes termes dans d’autres départements d’outre-mer -, présente une situation spécifique très grave en matière de sexualité des jeunes, avec un taux élevé de grossesses précoces. La politique de prévention fait défaut. Les jeunes lycéens avec qui nous avons pu discuter nous ont dit clairement qu’ils étaient contre la contraception d’urgence lorsque nous avons parlé du Norlévo. Pourquoi ? Parce qu’ils estimaient que le devoir de l’Etat à leur égard était d’abord de mettre en place ce qui manque de toute évidence, à savoir une politique d’information, de sensibilisation et de prévention dès le plus jeune âge, des garçons et des filles. C’est un point de vue intéressant.
Quel est le bilan de cette politique ?
En ce qui concerne la contraception d’urgence, je ne peux que confirmer ce que vous venez de dire, à savoir une faible délivrance du Norlévo dans les établissements scolaires. J’en fais l’analyse suivante. Une décision politique courageuse a été prise. Les infirmières s’interrogent profondément en conscience sur leur responsabilité vis-à-vis des jeunes, quand elles sont amenées à distribuer une contraception d’urgence. En effet, les infirmières, en milieu scolaire, s’en tiennent le plus souvent à des informations susceptibles de délivrer la contraception d’urgence, ce qui explique les faibles statistiques de distribution. C’est pourquoi, je crois que nous avons, après ces quatre mois de mise en _uvre, la confirmation de la conscience professionnelle des infirmières. Derrière ce faible taux de distribution, il y a eu tout un travail de dialogue, de suivi et d’aide. La distribution est une solution ultime. Il nous revient d’établir des codes de conduite permettant aux acteurs, en pleine conscience, de faire ce qu’ils ont à faire, mais sans aller souvent jusqu’à la responsabilité de délivrer ce type de contraception.
Il y a une deuxième piste sur laquelle nous voudrions travailler. Lorsqu’on est amené à détecter une situation d’urgence, il faut accomplir un travail individualisé auprès d’un certain nombre de jeunes filles. Pour ce faire, nous devons établir des partenariats plus solides avec des structures comme le Mouvement français pour le planning familial, par exemple, trop peu consulté par les adolescentes aujourd’hui, contrairement à d’autres époques. Le planning doit revenir dans l’univers de référence des jeunes adolescentes entre 14 et 16 ans.
Tels sont les quelques constats en matière de contraception d’urgence. La mission de l’Education nationale est aussi une mission d’éducation à l’autonomie, au respect de son corps. C’en est un aspect essentiel.
Madame Danielle Bousquet
Merci de nous avoir fait part de l’engagement du ministère de l’Education nationale, en espérant effectivement que, de manière concrète, les choses avancent dans les établissements. Au-delà des intentions du ministère, la mise en _uvre, établissement par établissement, est parfois difficile, parce que les réticences des adultes se font sentir de manière prégnante. Pouvez-vous nous préciser les difficultés rencontrées par les infirmières ayant fourni la pilule d’urgence aux collégiennes et aux lycéennes ?
Madame Paquita Morellet-Steiner
La distribution d’une contraception d’urgence par les infirmières s’intègre dans un protocole de soins d’urgence. Ce protocole, à l’Education nationale, n’ayant pas été défini avec assez de précision sur un plan réglementaire, s’apparente - c’est en tout cas ce que tendent à montrer les recours qui ont été déposés -, pour un certain nombre de personnels de la santé, à un exercice illégal de la médecine. C’est le procès qui est fait aux infirmières. Le Conseil d’Etat jugera sereinement de ces recours. Mais, pour une infirmière dans une structure administrative, cette situation donne lieu à de nombreux débats professionnels et à des tergiversations. S’il faut préparer un décret clair sur les soins d’urgences auxquels les infirmières de l’Education nationale pourront accéder, nous le ferons, évidemment. Toutefois, je pense qu’un certain contexte politique et médiatique encourage vraiment la circulation de rumeurs gratuites. En effet, une infirmière, en tant qu’adulte, peut largement exercer une responsabilité vis-à-vis des jeunes qu’elle côtoie et dont elle a la charge.
Madame Danielle Bousquet
Je vous remercie de votre précision. Cela dit, je pense que les infirmières ne doivent en aucun cas être mises en cause, puisque cette contraception est en vente libre.
Madame Paquita Morellet-Steiner
Mais dans l’attente de l’arrêt du Conseil d’Etat, il y a une peur très nette chez les infirmières, probablement non fondée, mais terriblement entretenue par d’autres.
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