N° 2565

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 septembre 2000.

PROPOSITION DE LOI visant à mieux garantir l’accès à la contraception.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par MM. Georges SARRE, Jacques DESALLANGRE, Jean-Pierre MICHEL, Michel SUCHOD, Pierre CARASSUS et Gérard SAUMADE, Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les femmes ont aujourd’hui un libre accès à la contraception. On oublie cependant trop souvent que c’est un droit récent. Il a fallu attendre le 1er juillet 1967 pour que la proposition de loi du député Lucien Neuwirth sur la régulation des naissances soit adoptée au Parlement grâce au soutien des forces de gauche. A une époque où environ 300000 avortements étaient pratiqués chaque année et où seules les femmes ayant des relations ou les moyens nécessaires pouvaient accéder à des produits contraceptifs à l’étranger et que des moyens plus ou moins dangereux d’éviter une grossesse étaient en circulation, l’autorisation et la vente, sur prescription médicale, d’une molécule contraceptive a annoncé une véritable révolution culturelle pour l’ensemble des Françaises. Les enfants allaient pouvoir être désirés et non pas, dans certains cas, seulement subis.

Trente-trois ans plus tard, nous devons continuer d’améliorer le dispositif de maîtrise de la fécondité et la loi de 1967 doit être modifiée pour tenir compte des évolutions de notre société et de l’apparition de nouvelles formes de contraception, notamment la contraception d’urgence, plus communément appelée la " pilule du lendemain ".

Dans les pays où elle est déjà commercialisée, cette pilule a permis d’enregistrer une diminution du nombre des avortements ainsi qu’un meilleur recours à des méthodes contraceptives de type classique. Il faut rappeler l’absence de toxicité et de contre-indication de ce médicament qui, sans ajout d’_strogènes, permet d’éviter tout effet secondaire grave. Ce n’est en rien un produit abortif puisqu’il intervient avant le phénomène de nidation quelques heures après un rapport sexuel mal ou non protégé. Cette substance doit être prise très rapidement et à une efficacité maximale dans les douze premières heures suivant un rapport, délai difficilement compatible avec une prise de rendez-vous chez un médecin.

Pour toutes ces raisons, lors de sa mise sur le marché, le 1er juin 1999, il a été décidé de vendre dans les pharmacies la pilule du lendemain sans ordonnance, sans condition d’âge ou de sexe de l’acheteur. D’aucuns ont estimé à cette époque, dans une vision strictement légaliste, que le fait que la pilule du lendemain soit exonérée de la liste des substances vénéneuses, et donc que sa délivrance en pharmacie ne nécessite aucune ordonnance médicale, entrait en contradiction juridique avec les dispositions de la loi Neuwirth. Cette dernière dispose en effet que les " contraceptif hormonaux et intra-utérins ne peuvent être délivrés en pharmacie sans prescription médicale ". Mais si jusque-là tout le monde convenait que, tôt ou tard, il faudrait procéder à un toilettage de la loi Neuwirth, ce dernier n’était pas apparu pour autant comme une condition sine qua non à la délivrance sans ordonnance.

Cette réforme est devenue urgente aujourd’hui. Le 26 novembre dernier, la ministre déléguée à l’Enseignement scolaire annonçait dans le cadre du " Protocole national sur l’organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements du second degré " que la pilule du lendemain pourrait être délivrée par les infirmières scolaires aux adolescentes. Une circulaire était prise en ce sens un mois plus tard, le 29 décembre.

Le 30 juin 2000, le Conseil d’Etat annulait cette circulaire, donnant raison, en apparence, aux associations anti-avortement, hostiles à toute facilitation d’accès à la contraception pour les jeunes, qui avaient déposé un recours contre la légalité de la mesure. Cette dernière, selon la haute juridiction, aurait effectivement " méconnu la loi Neuwirth qui impose que les contraceptifs hormonaux soient délivrés en pharmacie sur prescription médicale ".

Il est important de relever que le Conseil n’a jamais retenu les arguments selon lesquels la délivrance de cette contraception contreviendrait aux règles de l’autorité parentale, définies par le code civil. Il n’a pas davantage remis en cause l’opportunité de la mesure ni les règles professionnelles des infirmières qui leur enjoignent de " prévenir et d’évaluer la souffrance et la détresse des personnes ".

Reste qu’un texte législatif est aujourd’hui nécessaire pour lever le plus rapidement l’obstacle juridique avancé par le Conseil d’Etat et permettre dès cette année aux infirmières scolaires d’administrer en cas de nécessité la pilule du lendemain dans une totale sécurité juridique.

Chez les adolescentes, on dénombre chaque année 10000 grossesses non désirées, entraînant 6700 avortements. Eviter une grossesse n’est pas une chose évidente chez les mineures, car l’accès à la contraception sans autorisation des parents n’est possible que dans les centres de planification familiale. Cette limitation trouvait déjà son origine dans la fausse idée qu’un accès trop facile contribuerait à inciter les jeunes à une sexualité précoce alors qu’on sait aujourd’hui, par exemple, que les politiques de promotion du préservatif pour la prévention du Sida n’ont pas eu d’effet sur l’âge au premier rapport sexuel qui n’a pratiquement pas changé depuis vingt ans.

Les infirmières scolaires doivent pouvoir, dans des situations de détresse, venir en aide aux adolescentes. Nous ne saurions nous associer aux réactions qui nient la réalité profonde de situations dramatiques vécues par des mineures et qui préconisent l’attentisme comme réponse d’urgence. Nous estimons que notre devoir est de renforcer les circuits d’accès à la contraception pour les adolescentes, l’IVG devant rester pour elles, plus que tout autre, une solution ultime.

Je vous propose, en conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, d’adopter la proposition suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le troisième alinéa de l’article 3 de la loi n° 67-1176 du 28 décembre 1967 relative à la régulation des naissances est complété par une phrase ainsi rédigée :

" Cependant, les médicaments qui ont pour objet la contraception d’urgence et qui ne présentent aucun danger ne sont pas soumis à prescription médicale. "

Article 2

L’article 4 de la loi n° 67-1176 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

" Si un médecin ou un centre de planification familial n’est pas immédiatement accessible, les infirmiers et infirmières scolaires dans les écoles et les établissements scolaires d’enseignement du second degré peuvent, à titre exceptionnel et en cas d’urgence, délivrer aux élèves dans une situation de détresse caractérisée une contraception d’urgence. L’infirmier ou l’infirmière devra ensuite, dans ce cas, assurer un soutien psychologique et veiller à la mise en oeuvre d’un suivi médical. "