Mme Hélène Mignon, rapporteure, a souligné l’importance du texte proposé. Ce texte court et précis concerne les parents, les enfants et les femmes de notre pays même si la priorité est de régler la situation difficile dans laquelle se retrouvent les jeunes adolescentes qui, après un rapport sexuel mal ou peu protégé, entament une grossesse. On estime que ces rapports conduisent à 10 000 grossesses non désirées chez les mineures, dont 6 700 donnent lieu à une interruption volontaire de grossesse (IVG). Ces grossesses non désirées concernent d’abord des jeunes filles en situation de précarité sociale auxquelles il est souvent difficile, voire impossible d’accéder aux centres de planification. Face à cette situation, il est évident que l’éducation et l’information en milieu scolaire doivent être améliorées.

Les mineures peuvent se voir prescrire une contraception régulière ou d’urgence avec l’accord parental chez un médecin ou sans son accord dans un centre de planification. La " loi Neuwirth " du 28 décembre 1967 dispose que les contraceptifs hormonaux ou utérins ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale. Ce texte a été complété en 1974 par une disposition qui autorise les mineures désirant garder le secret à s’adresser aux centres de planification ou d’éducation familiale.

Ce cadre juridique est aujourd’hui inadapté. Tout d’abord, on sait que certains médecins prescrivent une contraception régulière ou d’urgence sans accord parental et qu’ils peuvent à ce titre être poursuivis. Par ailleurs, les centres de planification sont mal connus des jeunes et parfois très éloignés de leur domicile, notamment dans les zones rurales.

Pour répondre à cette évolution, le Gouvernement a adopté deux mesures novatrices et courageuses en matière de contraception d’urgence.

Dans un premier temps, en juin 1999, la vente libre du Norlévo a été autorisée. Il s’agit d’un progestatif pur, sans contre-indication médicale et efficace à 99 % dans les vingt-quatre heures suivant le rapport. La " pilule du lendemain " est d’ailleurs utilisée depuis de nombreuses années aux Pays-Bas et en Finlande avec des résultats significatifs sur le nombre de grossesses précoces et d’IVG. En France, les six premiers mois d’utilisation n’ont donné lieu à aucun accident médical.

Dans un deuxième temps, en janvier 2000, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée en charge de l’enseignement scolaire a mis en place un protocole sur l’organisation des soins et des urgences dans les établissements scolaires comportant notamment un chapitre relatif à la contraception d’urgence. Cette mesure présente de nombreux avantages. Elle permet à une adolescente démunie de moyens financiers ou dépourvue de soutien familial d’accéder dans des délais rapides à la contraception d’urgence. Elle lui ouvre par ailleurs l’accès à une contraception régulière. Là encore, le bilan des six premiers mois d’application de cette mesure est satisfaisant. En moyenne, trois à quatre pilules du lendemain ont été délivrées par collège, sept à dix par lycée.

Malheureusement, ces deux initiatives ont été remises en cause par une décision du Conseil d’Etat. Dès lors, il est urgent, de l’avis des infirmières, des parents d’élèves et des jeunes de rétablir la possibilité d’une vente libre des contraceptifs d’urgence et de leur délivrance par les infirmières afin de répondre à des situations de réelle détresse.

Cependant, on ne peut se contenter de répondre à l’urgence et il est indispensable de reprendre les campagnes d’information et de développer l’éducation sexuelle pour une meilleure prévention.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, a présenté les recommandations adoptées par la délégation :

— application dans les meilleurs délais de la présente proposition de loi ;

— disponibilité de la pilule du lendemain dans tous les établissements et pour toutes les élèves ;

— mise à disposition par les établissements des fonds nécessaires à l’achat des contraceptifs d’urgence ;

— association des médecins scolaires à la contraception d’urgence ;

— reconnaissance du rôle des infirmières en matière de santé scolaire, amélioration de leur formation et augmentation de leurs effectifs ;

— meilleure accessibilité des adresses des centres de planification et d’éducation familiale ;

— introduction de l’éducation à la sexualité dans les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) ;

— adaptation et mise en oeuvre effective de l’éducation à la sexualité ;

— relance de la campagne nationale d’information sur la contraception ;

— intégration dans les missions des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté de l’information sur la sexualité et la contraception ainsi que du suivi de l’application de la contraception d’urgence ;

— développement des synergies avec les centres de planification et d’éducation familiale ;

— établissement d’un bilan des effets de l’utilisation de la contraception d’urgence sur les interruptions de grossesse chez les adolescentes.

Un débat a suivi l’exposé des rapporteures.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin s’est tout d’abord déclarée favorable à l’adoption de la proposition de loi. Elle a ensuite formulé les observations suivantes :

— On est tout à fait certain de l’innocuité du Norlévo, produit utilisé depuis des dizaines d’années. Il s’agit juste d’une présentation nouvelle d’un produit bien connu par les professionnels de santé et les utilisatrices.

— S’agissant des premières décisions prises par le Gouvernement, on peut regretter l’absence de coordination entre le ministère de la santé et celui de l’éducation nationale qui a certainement abouti à la décision du Conseil d’Etat. La précipitation avec laquelle le protocole du 6 janvier 2000 a été lancé a conduit à la situation présente.

— On ne peut faire l’économie d’une réflexion sur l’autorité parentale. La " loi Neuwirth " a 33 ans. Il est à présent nécessaire de supprimer l’autorisation parentale en matière de contraception, dans tous les cas. Le recours à la contraception d’urgence témoigne d’un échec évident des parents en matière de dialogue et de conseil. Dans une telle situation, la nécessité de leur autorisation semble inopportune. La décision doit revenir à l’adolescente.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a dénoncé les conditions de travail qui sont celles de la commission amenée à examiner une proposition déposée il y a une semaine et distribuée depuis seulement deux jours.

Après avoir affirmé son accord de principe sur les buts de la proposition de loi, elle a relevé le manque inquiétant d’information des jeunes ainsi que la très faible portée de la campagne de communication sur la contraception menée par le Gouvernement.

De plus, ce texte sera difficilement applicable étant donnée la faiblesse des effectifs des infirmières scolaires qui sont pourtant appelées à jouer un rôle central dans le dispositif proposé. Enfin, il est indispensable de rappeler que la demande de contraception à l’infirmière scolaire ne se fera qu’en dernier recours.

M. Maxime Gremetz a salué un texte qui répond à un enjeu essentiel dans les domaines de la liberté, de la maîtrise du corps et de la responsabilité.

Le manque d’information est réel ; l’école doit donc jouer son rôle éducatif important. Mais la situation de la médecine scolaire est tout à fait alarmante, notamment celle des infirmières dont le nombre est notoirement insuffisant et qui se voient confier une tâche nouvelle.

M. Pierre Morange a relevé qu’il y avait 10 000 grossesses non désirées de mineures par an et que 6 700 donnent lieu à un avortement. Ces chiffres témoignent de l’échec patent de la prévention et de l’éducation sexuelle. Dans ces conditions, le bien-fondé du texte proposé ne saurait apparaître clairement si les moyens humains et budgétaires ne sont pas donnés à la médecine scolaire de s’acquitter des tâches qui lui sont confiées.

Mme Brigitte Douay a insisté sur l’indigence du dispositif actuel de prévention et d’éducation. Dans certains arrondissements, notamment en milieu rural, il n’existe pas de centre de planification. La nécessité de légiférer est évidente et urgente. Cependant, il convient de souligner le trop faible nombre d’infirmières scolaires.

M. Bernard Perrut a indiqué que ce texte traitait un vrai problème mais éludait le rôle des parents. Cette éviction entre en contradiction avec le discours tenu par le ministre de l’éducation nationale sur le rôle crucial des parents à l’école et la nécessité de valoriser la fonction parentale.

De plus, le texte ignore la question de la prévention et de l’éducation en milieu scolaire. Il s’agit donc d’un texte réducteur. Il ne saurait recueillir l’assentiment s’il ne prévoit pas la mise en oeuvre des moyens d’application des dispositions qu’il contient, c’est-à-dire une augmentation importante du nombre d’infirmières scolaires.

Mme Marisol Touraine a fait les observations suivantes :

— Le texte préfigure heureusement le débat à venir sur l’allongement du délai de l’interruption de grossesse. Il brise par ailleurs un tabou sur la sexualité des jeunes.

— L’information de la jeunesse est largement insuffisante et disparate en fonction des situations sociales, voire géographiques. Il existe toute une population qui n’a accès ni à la contraception, ni même à l’IVG, notamment en zone rurale.

— Si la récente campagne d’information peut ne pas avoir été suffisante, elle a eu le mérite d’exister et doit être reconduite sous une forme améliorée.

— Il n’y a pas lieu de condamner la loi par avance au titre des problèmes d’application qu’elle ne manquera pas de rencontrer. Cette proposition de loi doit être au contraire un levier.

Le président Jean Le Garrec a souligné l’importance du cumul des inégalités en matière de santé.

En réponse aux intervenants, Mme Hélène Mignon, rapporteure, a apporté les précisions suivantes :

— Tout le monde s’accorde pour reconnaître que le nombre des infirmières scolaires est insuffisant et que leur présence, quand elle n’est pas continue, peut soulever des difficultés. Il faut toutefois saluer l’engagement militant des infirmières et le travail remarquable qu’elles effectuent.

— Le protocole d’accord permettant la délivrance de la contraception d’urgence définit très précisément le rôle de l’infirmière. Il faut toutefois observer que la difficulté des relations entre l’adolescente et ses parents peut exister dans tous les milieux sociaux.

— La définition retenue pour la contraception d’urgence montre bien qu’il s’agit d’un ultime recours.

— Il est indispensable de développer l’éducation sexuelle à l’école et on remarque que le contact avec une infirmière scolaire peut être l’occasion de faire apparaître des violences familiales et constituer le premier pas vers une assistance.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure au nom de la délégation pour le droit des femmes, a souligné que le protocole d’accord faisait bien apparaître le rôle des parents. D’ailleurs, l’examen des six premiers mois de distribution des contraceptifs d`urgence dans l’Académie de Paris montre que sur les 203 demandes formulées auprès des infirmières scolaires seulement 16 ont abouti à la délivrance de la contraception d’urgence par une infirmière. La prescription s’est donc faite par d’autres voies, ce qui montre que les parents, comme les centres de planification, ont joué leur rôle.

La commission est ensuite passée à l’examen de l’article unique de la proposition de loi.

Article unique

La commission a examiné un amendement de la rapporteure précisant que la contraception d’urgence pouvait être délivrée par les infirmières scolaires tant aux mineures qu’aux majeures.

La rapporteure a fait valoir que, dans la mesure où il existe des pharmaciens qui refusent de délivrer des contraceptifs d’urgence, des élèves majeures internes peuvent avoir besoin de recourir à l’infirmière scolaire. Le texte de la proposition de loi doit donc expressément leur être étendu.

La commission a adopté l’amendement.

La commission a adopté l’article unique de la proposition de loi ainsi modifié.