Médecins du Monde a besoin d’argent. Cela justifie-t-il une campagne d’affichage aussi ambiguë que celle actuellement lancée sur les murs de nos villes. Jean-Luc Chavanieux, animateur de l’excellent site " RwandaNet " (http://www.altern.org/rwandanet) réagis et propose cette pétition sur son site Web. Foncez-y !

" Monsieur le Président de "Médecins du Monde",

IBUKA ! (Souviens-toi). Ce cri en kinyarwanda est devenu pour nous, Rwandais ou non qui avons perdu des membres de notre famille ou des amis, ou pour nous, citoyens du Monde, qui avons vu nier une partie de notre humanité lors du génocide des Tutsi rwandais de 1994, une ligne de conduite. Aujourd’hui encore, nous sommes hantés par le drame qu’a connu le Rwanda, un génocide qui a fait près d’un million de morts. C’est pourquoi, en mémoire des victimes, nous nous permettons de vous faire part de quelques remarques concernant votre dernière campagne de publicité. Vous posez cette question : "Dans un génocide, le plus important, c’est soigner les blessés ou désigner les coupables ?"

 Nous pensons que l’utilisation du mot "génocide" doit être circonstanciée (victimes, dates, lieux, faits...) et ne pas rester vague, car une utilisation, dans une publicité par exemple, de ce mot risque de banaliser un peu plus ce terme qui a tant été galvaudé ou utilisé à tort et à travers.

 Le génocide des Tutsi rwandais (comme les deux autres génocides du siècle, ceux des Arméniens et des Juifs) a clairement montré que les victimes étaient assassinées sans chance de survie, beaucoup plus que blessées, mutilées ou violées. Soigner les victimes d’un génocide, c’est donc surtout prévenir les assassinats.

 Tout génocide porte en lui sa part de révisionnisme et de négationnisme, ce qui en fait une de ses spécificités. S’il est du devoir de tout être humain de mettre en œuvre ce qui est en son possible pour "soigner les victimes" ou empêcher les massacres, il est aussi de son devoir d’identifier et de désigner, ou tout simplement de connaître les coupables.

C’est pourquoi nous trouvons votre publicité maladroite voire ambiguë. Si nous comprenons qu’une organisation comme la vôtre a besoin de "secouer" le public afin de récolter des fonds pour réaliser vos buts humanitaires, nous estimons que cela ne doit pas se faire à n’importe quel prix et qu’il existe encore une éthique concernant l’usage de certains mots dont le mot "génocide". Nous vous demandons d’y réfléchir et de considérer que cette publicité a pu heurter notre sensibilité. Nous vous le disons sans colère et sans esprit partisan.

Veuillez recevoir, Monsieur le Président, l’expression de notre considération distinguée. " Jean-Luc Chavanieux