Du 18 au 20 octobre dernier, le Rwanda a consacré une semaine à la réconciliation nationale. Une initiative louable, tellement ce pays a besoin de sortir de la spirale de la violence.

Ainsi, cette première conférence nationale sur " l’unité et la réconciliation nationale au Rwanda " a suscité de nombreuses réactions à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Certains se félicitent de cette initiative comme Eloysie Inyumba, responsable de la Commission pour l’Unité et la Réconciliation qui parle de réussite même s’il pense " qu’il n’y a pas de raccourci vers la réconciliation et (que) nous avons encore des pas à faire pour y arriver " estimant toutefois que " c’est une question de temps "1, les rwandais ne devant pas transiger sur cette nécessité d’unité. Beaucoup remarquent cependant que l’appel lancé par les autorités pour que l’ensemble des rwandais, même les opposants " exilés " à l’extérieur, s’expriment, n’a pas été beaucoup entendu. Le seul " opposant extérieur " de poids a s’exprimé fut l’ancien Premier ministre Faustin Twagiramungu. Il en a d’ailleurs profité pour dénoncer selon lui, le manque d’ouverture du FPR et s’interroger sur les départs à l’étranger de plusieurs personnalités. Toutefois, même si certains semblent sceptiques sur la conférence, relevant la confusion dans les objectifs recherchés ou le déséquilibre entre les préconisations finales, constatant que rien de réellement nouveau n’est sorti de cette conférence, on ne peut que qu’applaudir à l’organisation de ce premier essai de transparence dans le débat national sur l’unité des rwandais.

Toutefois, le concept même de réconciliation suscite, entre Rwandais, beaucoup de débats et de contradictions. Pour de nombreux Hutu, la réconciliation est synonyme d’oubli du génocide, la libération des présumés coupables, bref l’amnistie sans conditions, pour recommencer à zéro. Une minorité d’entre eux approuvent réellement la poursuite des génocidaires. Beaucoup de Tutsi, quant à eux, manifestent leur détermination de voir le génocide être sanctionné comme il se doit. En tant que garants de l’unité nationale, les autorités sont amenées à prendre des mesures qui vont au-delà des aspirations individuelles. D’où leur effort de prêcher une réconciliation nationale rapide. Leur choix est compréhensible, mais il suscite des interrogations car toute réconciliation vraie a un prix. Elle suppose une démarche librement consentie par le criminel jugé et repenti, pour reconnaître son tort, et implorer le pardon à la victime. Sans ce préalable, aucune réconciliation n’est possible. Or, au Rwanda, rares sont les criminels qui ont osé faire ce pas. Bien au contraire. En Europe, nombreux sont les génocidaires qui regrettent seulement n’avoir pas réussi l’extermination totale et définitive des Tutsi. D’où notre inquiétude devant une réconciliation prêchée politiquement. Si celle - ci ne résulte pas d’une démarche personnelle du bourreau envers sa victime, elle peut être rarement fructueuse. José KAGABO l’a magnifiquement rappelé en 1995, dans un vibrant texte qui n’a rien perdu de son actualité : " Nous sommes, avait-il constaté, dans un contexte dit de réconciliation nationale, où les politiques, pour diverses raisons, avec une bonne foi plus ou moins avérée, plus ou moins acceptable, défendable, prêchent cette réconciliation. Mais s’il devait y avoir amnistie, il faudrait que les bénéficiaires de ce pardon soient connus, identifiés et que ce soient eux - même qui enclenchent la démarche. Il ne peut pas exister des pardonneurs sans pardonnables "2. L’urgence consiste donc à appréhender tous les coupables, les juger, les sanctionner selon la loi et sans injustice. La réconciliation suivra d’elle-même. (JDB, TL)

1. interview dans The New Times, 165

2. Les Temps Modernes, N° 583, p.123