Pour expliquer les origines du conflit qui va provoqué le génocide de 94, Servilien M. Sebasoni veut remonter aux origines lointaines du Rwanda, une nation fondée sur " l’unité " : unité de lieu, de langue, de culture, clanique, de religion, d’habitat... mais aussi sur les différences qui caractérisent les hommes de toute société humaine. Cette explication d’un Rwanda soumis au Code des Rituels permet de mieux comprendre la société rwandaise pré-coloniale, tordant le cou aux nombreux clichés hérités des premiers colons belges ou allemands, mais surtout en nous faisant toucher du doigt la complexité des rapports sociaux ou de pouvoir, au temps du " Mwami ".

Et Sebasoni d’évoquer " la fissure la plus ancienne (qui) dans le socle commun des Rwandais aura ainsi deux sources. La première source sera la décision des Européens arrivant au Rwanda, de séparer les origines des Rwandais ; la seconde source sera la décision des rwandais eux-mêmes d’adhérer à cette vision de leurs origines. "

de l’Eglise catholique du Rwanda (...), les Hutus sont écartés du pouvoir dans le pays ". Mgr Classe, prêtre lorrain adopté par l’administration coloniale belge " à qui fut confié le Rwanda " admet qu’il ne faut pas écarter systématiquement des emplois les sujets les plus méritants des "races moindres" (Hutu, Twa) même s’il dit : "l’aristocratie de race (est) actuellement indispensable" ".

Puis, il évoque l’élimination du Roi Musinga, qui refuse la conversion catholique (1931), et débouche sur " une cassure douloureuse d’un élan millénaire dans le cœur du peuple rwandais " expliquant comment le gouverneur belge et son conseiller catholique, chef de l’Eglise au Rwanda, deviennent " les gardiens inattendus des Rituels de la Dynastie " (évoqué au début de l’ouvrage), et où les belges décident, sans demander leur avis aux rwandais, de la destinée du pays régi pourtant par des Lois ancestrales.

Après avoir abordé le bilan contrasté de la colonisation, S.M. Sebasoni évoque en fin d’ouvrage les notions d’identités rwandaises, toujours en remontant aux fondements historiques ou épiques puis en déroulant l’histoire récente. Il passe aussi en revue la perception de l’identité rwandaise par les pouvoirs politiques successifs qui ont donné à cette notion, différentes orientations pour servir leurs sinistres desseins (de " l’unité " à la " schizophrénie "). Enfin, Sebasoni insiste sur " les racines des choses " en revenant sur la période 1950/62, origine de toutes les tragédies, le " temps des conflits ".

Ecrit dans un style agréable où il alterne anecdotes, récits épiques et démonstrations scientifiques, " les origines du Rwanda " nous amène jusqu’au bout de la réflexion de l’auteur, en douceur, et nous transmet son désir de faire comprendre une histoire qu’il connaît bien, parfois jusqu’à la jubilation. Il apporte ainsi une vision nouvelle et une explication rationnelle à la portée de tous. Un travail efficace. (T.L.)

(" Les origines du Rwanda ", Servilien M. SEBASONI, Collection " Points de vues ", L’Harmattan - 2000, 234 pages)