(Synthèse de la partie publique de l’audition)

M. Deridder concède, en premier lieu, que la connaissance qu’ont les services de police du phénomène des sectes pourrait être meilleure. Cela est probablement dû au fait que celles-ci ressortent, à l’instar de groupements philosophiques, de la liberté d’expression, de culte et de réunion et donc des droits et libertés fondamentales de l’individu. L’exercice de ces droits et libertés n’intéresse donc les services de police que pour autant qu’il donne lieu à des délits ou, sans qu’on en soit déjà à ce stade, à des troubles de l’ordre public.

De plus, il faut bien admettre que l’intérêt porté à la problématique sectaire en Europe occidentale est récent dans le chef de la population et des pouvoirs publics. Enfin, il est acquis que les personnes, qui, au contact de certaines sectes, ont été les victimes de certaines pratiques malhonnêtes, ne sont généralement pas pour autant disposées à témoigner ou à porter plainte en ce sens.

Le tout fait que les services de police et la gendarmerie ont à faire face à ces " obstacles " qu’il n’est pas toujours aisé de franchir, ce qui limite quelque peu leur connaissance du sujet.

Le commandant de la gendarmerie fait aussi valoir que la difficulté principale réside dans le fait qu’il n’y a pas de véritable politique en la matière. Si les autorités publiques parvenaient à en déterminer une, la gendarmerie s’en trouverait moins démunie et pourrait donc mieux orienter ses actions de recherche et sa collecte d’informations. A cet égard, les services de police ont à faire à tellement de phénomènes différents qu’il apparaît grand temps de déterminer ceux qui sont véritablement prioritaires.

M. Deridder plaide donc en faveur d’une politique de sécurité, dont un volet serait consacré aux sectes. Il s’agira alors de décider si la gendarmerie s’en occupe ou non.

Plus généralement, les services de police sont demandeurs qu’on établisse des critères permettant de déterminer si un groupement constitue ou non une secte. Les critères retenus par la commission d’enquête française semblent, à cet égard, être un bon point de départ. A l’évidence, ces critères doivent être fonctionnels. Pour l’instant, la gendarmerie est, en effet, amenée à s’intéresser à ce phénomène mais ses efforts sont limités, dans la mesure où une véritable définition fait défaut. Cela a pour conséquence que l’approche est liée aux faits et est donc par essence " réactive ", alors qu’elle devrait, au contraire, être " proactive ". De même, la formation et l’information internes devraient être améliorées.

Aux yeux de M. Deridder, si la gendarmerie venait à être chargée de cette mission, elle se devrait de mettre sur pied un cycle d’information et de recherche, en vue d’une approche pluridisciplinaire et intégrée du phénomène, que ce soit au niveau local, supralocal et même international. Ce programme devrait également préciser le rôle des brigades sur le terrain, notamment pour ce qui concerne l’information aux écoles, aux jeunes et aux familles.

En réponse à une question en ce sens, le commandant de la gendarmerie précise qu’il n’existe pour l’instant, au sein du corps qu’il dirige, aucune définition - même provisoire - de la notion de secte.

La gendarmerie s’intéresse à des groupements qui pourraient être classés comme tels, en partant de leurs activités, surtout sur le plan pénal. Cette démarche présente l’inconvénient d’entamer des enquêtes judiciaires sans connaître le contexte exact dans lequel ces faits se situent.

M. Deridder renvoie à la solution adoptée en 1981 pour les groupements dits " subversifs ". On a, à l’époque, dressé une liste des groupements qui, selon les différents services concernés, représentaient un danger potentiel pour l’ordre public. Cette liste est établie par le ministre de l’Intérieur, à la suite du rapport fourni par la gendarmerie. Sur la base de renseignements complémentaires, la liste est adaptée tous les six mois. Certains groupements sont alors ajoutés et d’autres rayés. Depuis 1981, un rapport est régulièrement fait sur tous les groupements qui se trouvent encore sur la liste. Dans la liste figure pour l’instant une seule secte.

Le commandant de la gendarmerie rappelle également la difficulté, dans l’état actuel de la législation, d’enregistrer et d’archiver des informations. Il n’existe donc pas de documentation " organisée " sur les sectes.

Il ajoute aussi qu’il peut apparaître opportun de compléter le Code pénal à ce même égard, sans pour autant vouloir donner une définition trop complète de la notion de " secte ", qui finirait à la longue par limiter les possibilités d’action. Il serait préférable de s’en référer à leur nocivité ou à leur dangerosité. Cela permettrait d’adapter plus aisément les listes de groupements quand le besoin s’en fait sentir.

En outre, on pourrait prévoir dans le Code pénal une disposition visant à pénaliser l’abus de la situa-ion de faiblesse d’une personne, à l’instar de ce qui existe déjà en matière de prostitution ou de traite des êtres humains.

Plus largement, le commandant de la gendarmerie fait valoir que son corps devrait disposer de moyens supplémentaires, pas seulement en argent mais aussi en formation. Se pose aussi la question des écoutes téléphoniques dans le cadre de recherches pro actives. Quel que soit le service policier retenu, l’autorité devra préciser ce qu’elle souhaite en obtenir. En fait, un cadre suffisamment clair, bien défini et orienté sur l’action est nécessaire.

D’ailleurs, en réponse à une question en rapport avec les activités criminelles de la secte Aoum, le général Deridder confirme que la gendarmerie aurait éprouvé des difficultés à obtenir des informations préalables sur ces évènements. Il estime, à cet égard, que l’arrestation du leader de la secte a finalement été assez rapide.

Enfin, le commandant confirme qu’il y a une coopération de plus en plus grande entre les services de la Sûreté de l’Etat et ceux de la gendarmerie.


Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be