M. Lips indique qu’Internet est un réseau public, accessible dans environ 120 pays. Ce réseau regroupe environ 50 millions d’utilisateurs. Comme outil d’information, il recense 600 000 serveurs, qui diffusent au moins 90 millions de pages.

En Europe, le public a eu accès à ce réseau dès 1992. La Belgique comporte environ 5 000 serveurs d’information et son nombre d’utilisateurs est estimé en moyenne à 300 000. Il faut dire que le réseau est accessible à un public très large et qu’il suffit de disposer d’un ordinateur personnel, d’un modem et d’un abonnement pour s’y connecter.

Si Internet constitue effectivement un outil de communication et de diffusion d’informations, à l’instar de la télévision ou du téléphone, il a des spécificités résultant de son environnement ouvert. En effet, il constitue un élément qui ne connaît aucune centralisation et qui n’a d’ailleurs pas été mis en place par une structure commerciale unique.

Plutôt que de qualifier Internet de réseau, il faudrait plutôt parler d’un ensemble résultant de l’inter-connexion d’une dizaine de milliers de réseaux.

Les éléments " physiques " de ces flux d’informations sont les câbles posés pour assurer l’ensemble de ces réseaux. Les intervenants peuvent, dès lors, être clairement identifiés. Ainsi, en Belgique, tout passe, pour le moment, par l’unique opérateur téléphonique.

L’orateur attire cependant l’attention sur le fait que dans un avenir rapproché (3 à 5 ans), il est question de mettre en place un réseau de 400 satellites en orbite basse pour reprendre les fonctions actuellement assurées par le câble. Le projet est déjà bien avancé : 200 demandes d’attribution ont été recueillies par l’instance internationale compétente. Ces satellites permettront désormais un accès immatériel au réseau Internet, puisque non lié à des contraintes d’ordre technique ou technologique. Il n’y aura également plus de contrôle possible au niveau des échanges de flux d’informations.

Aujourd’hui, il est en principe possible d’identifier les acteurs qui participent à ce flux, étant donné qu’ils ont une présence physique identifiable. Dans un avenir très proche, cette présence sera plus immatérielle.

Internet se caractérise également par son environnement complètement électronique, qui permet des copies " anonymes ". Cet environnement permet notamment de faire des copies d’informations qui paraissent plus originales que les originaux. Cet anonymat n’est cependant que factice car, si la mise en oeuvre des procédures permettant l’indentification définitive d’un intervenant est assez complexe, elle n’est pas pour autant impossible. Toutefois, elle peut durer des années.

Face au nombre important d’utilisateurs et à la dimension internationale de leurs échanges, les moyens à mettre en oeuvre pour " tracer " (identifier de façon définitive) sont en effet impressionnants. Il faut rappeler, à cet égard, que chaque individu est un diffuseur d’informations potentiel.

M. Lips indique, par ailleurs, que les sectes sont bien présentes sur Internet. A l’instar d’un grand nombre de minorités, elles ont compris qu’il s’agit là d’un outil de diffusion d’information particulière-ment performant.

Dans le répertoire consacré à tout ce qui est religion, on recense plus de 800 sites d’informations, dont la moitié peuvent être considérés comme étant marginaux. Parmi ceux-ci, près de 85 sites d’informations consacrés à des voyages initiatiques organisés, à des sectes ou à des groupuscules sataniques.

On trouve ainsi des sectes clairement identifiées comme telles : l’Eglise de Scientologie (qui diffuse beaucoup d’informations sous une forme très soignée), la WICCA, les Davidiens ou encore Moon ...

Cette présence est clairement identifiable et rapidement accessible. Elle peut revêtir diverses formes : la diffusion d’informations statiques, la présentation de leurs objectifs, de leurs activités, de leurs opinions ou encore celles de leurs leaders, ainsi que la mise en avant de produits dérivés. Souvent, les sites proposent aussi une série de produits à acheter : cassettes video, livres, revues, ... De plus, ils incitent les personnes intéressées à rester en contact en déposant leurs coordonnées de courrier électronique ou leurs coordonnées administratives. Même s’il y a aucune contrainte à le faire, l’incitation à rester en contact est assez directe. C’est ainsi que le site de Moon est quadrilingue : anglais, allemand, espagnol et français. Il envoie près de deux messages par jour : une maxime, ainsi que des informations sur des discours ou préceptes à suivre.

M. Lips observe qu’en règle générale, des moyens d’action sont envisageables à partir du moment où le contenu diffusé au travers d’Internet peut être considéré comme illégitime ou nécessitant un complément d’information. Cependant, tout dépend de la localisation physique de la source d’information, celle-ci n’ayant aucune influence sur les possibilités de consultation. Cette source peut se situer n’importe où dans le monde. Cela signifie donc que les juridictions peuvent être différentes et que des " paradis " de diffusion libre d’informations peuvent se créer en fonction de la complaisance des autorités locales. Enfin, même si l’on peut aboutir à l’identification de l’outil informatique qui a diffusé les informations, il n’est pas pour autant évident de pouvoir remonter à la structure,à la société ou à l’organisation qui en est à l’origine. Identifier la source des informations n’empêche également pas que celles-ci puissent se transformer en autant de copies qu’il y a de person-nes désireuses de les diffuser.

Sur Internet, l’information se diffuse également à travers des groupes de discussion, cet environnement télématique incitant visiblement énormément aux échanges. Ces groupes constituent des endroits clairement identifiés par rapport aux thèmes qu’ils abordent. On en compte près de 15 000, dont un certain nombre ont trait à la religion, à des groupes spécifiques ou encore à des sectes. Ces groupes permettent à tout un chacun, partisan ou détracteur, de diffuser de l’information, que ce soit de manière anonyme ou clairement identifiée. N’oublions pas que s’y pratique également la désinformation, certains se faisant passer pour d’autres.

Les moyens d’action par rapport à ces groupes de discussion existent théoriquement. C’est ainsi qu’il y a eu plusieurs cas ces derniers mois - notamment au Royaume-Uni et en Allemagne - où l’on a interdit aux fournisseurs d’accès de rediffuser l’information de certains groupes de discussion bien définis. Cependant, le fait d’interdire l’un ou l’autre de ces groupes n’empêche pas les utilisateurs de débattre de ces sujets dans d’autres groupes de discussion. Ce qui fait qu’en définitive, ces interdictions sont relativement inopérantes.

L’intérêt pour Internet provient aussi du fait qu’il n’y a pas de véritables coûts associés à la diffusion de l’information. Que l’on envoie un courrier électronique à une seule ou à un millier de personnes, il n’y a finalement que le premier message qui coûte.

Par rapport aux difficultés qui peuvent se poser quant à une mauvaise utilisation du réseau (par exemple le harcèlement par courrier électronique), M. Lips estime que notre arsenal juridique actuel devrait pouvoir suffire. Le seul problème est qu’il est parfois difficile à mettre en oeuvre, de par la rapidité de l’environnement concerné. Ainsi, le fait d’obtenir éventuellement une décision judiciaire ou de pouvoir imposer des sanctions n’empêche pas cet environnement de reproduire le même délit dans les secondes qui suivent, et ce n’importe où ailleurs dans le mon-de.

En tant qu’utilisateur averti, M. Lips propose cependant qu’à l’instar de ce qu’a fait la police judiciai-re en matière de pédophilie, il puisse exister un point de contact sur Internet, où des gens qui souhaitent se plaindre ou dénoncer certains agissements de groupes sectaires puissent déposer leurs informations.

Cette question, ainsi que bien d’autres, sont examinées de façon plus générale, tant au niveau européen qu’international, par diverses instances et commissions, qui tentent d’évaluer les possibilités de contrôle, voire de censure de cet environnement.

Le témoin répond ensuite à diverses questions posées par les membres :

PRESENCE DES SECTES SUR INTERNET ET LEUR IDENTIFI-CATION COMME TELLES

Les sectes clairement identifiées sont celles qui ont pignon sur rue. Certaines disposent d’un site où l’on peut retrouver leurs adresses de contact et leurs numéros de téléphone. On y trouve également souvent des informations sur ce qui s’y passe ou sur leur organisation matérielle.

Un problème se pose cependant pour les associations ou les personnes qui ne s’identifient pas comme secte ou comme organisation à caractère sectaire. Il est donc difficile de dresser un inventaire exhaustif de ces mouvements.

De plus, Internet n’étant pas centralisé, ses répertoires ne sont pas le fait d’un organisme qui, à la manière du Minitel, rendrait accessible à la fois les informations et leur index. Sur le réseau, ces index sont le fait de sociétés ou de particuliers qui réalisent ce service comme produit commercial. De par la grande quantité d’informations qui circulent et leur renouvellement constant, ceux-ci sont donc souvent partiels.

En fait, les auteurs de ces index répertorient les sites dans l’une ou l’autre catégorie, de leur propre autorité et en fonction de leur connaissance du site concerné. Pour ce qui concerne la catégorie " religion ", celle-ci est subdivisée en une panoplie de sous-catégories allant de l’ésotérisme aux religions plus traditionnelles, en passant par les voyages initiatiques.

CARACTERE CONTRADICTOIRE DU DEBAT D’IDEES

Dans la mesure où Internet est un réseau qui s’est établi sans l’action concertée d’une structure, il est souvent qualifié d’espace démocratique, où l’on trouve souvent tant les partisans que les détracteurs d’un même point de vue. Un équilibre naturel s’établit entre la " majorité silencieuse " et la " minorité active ".

Il faut cependant noter que les différents avis ne se retrouvent pas forcément au même endroit. C’est ainsi que le site de Moon ne laisse pas place au débat contradictoire.

CONTROLE DU RESEAU

Un contrôle absolu est utopique de par la nature même de l’environnement et n’est pas souhaitable du point de vue démocratique. Il est cependant important de pouvoir au besoin intervenir en cas de situations préjudiciables.

Le recours à un observatoire des sectes ou à un point contact sur Internet permettrait non seulement de disposer d’une information plus objective mais aussi de créer des possibilités d’interaction avec les autorités comptétentes en la matière. On pourrait ainsi plus facilement recouper les autres informations qu l’on reçoit en la matière sur le réseau. Le recours à ces deux outils est le plus logique, à défaut d’être complet.

De plus, malgré le caractère délictueux de certains faits, peu sont finalement poursuivis. Cela donne parfois l’impression qu’il existe un sentiment d’impunité sur le réseau.

IDENTIFICATION DES DIFFUSEURS D’INFORMATIONS

Il n’y a pas d’anonymat sur Internet, chaque échange d’informations dans le réseau pouvant être identifié par les adresses de l’ordinateur émetteur et récepteur. Il existe donc une trace physique de l’opération.

Cependant, pour remonter à la trace physique de l’émetteur de l’information, il faut que les intermédiaires aient conservé, pendant un laps de temps assez long, les informations relatives au transit de cette information. Si le problème est donc techniquement solvable, le procédure est très lourde à mettre en oeuvre.

Cependant, quand on s’en donne les moyens, on peut trouver et remonter à la source. Il faut par ailleurs constater que ce que l’on réussit finalement à identifier, ce sont les ordinateurs qui ont été utilisés et non pas les personnes physiques qui ont diffusé l’information.

A cet égard, rappellons que les utilisateurs, au cas où ils utilisent des connexions via des fournisseurs d’accès au réseau, vont partager la mème identité que ceux-ci. Il faudra donc garder une trace de l’ensemble des activités de chaque utilisateur. Cela devient difficile, lorsqu’on sait que cela doit être fait à l’échelle mondiale pour être efficace.

FIABILITE DES INFORMATIONS

Plusieurs sites d’informations institutionnels ont à l’étranger fait l’objet de détournements d’informations. Ces détournements - souvent opérés par jeu - ont souvent été corrigés dans les heures qui suivaient leur constat.

En règle générale, on peut, sur le réseau, prendre des informations, se les approprier, les modifier et les diffuser au travers d’un autre canal d’informations, qui sera, à ce moment-là, incontrôlable pour l’émetteur initial. Un tel acte est certes punissable mais il est tout à fait possible techniquement.

Le problème est alors de voir quelle source il faut privilégier par rapport à d’autres. C’est une culture qui doit s’installer et qui dépasse le seul cas d’Internet : ce n’est pas parce que quelque chose est affirmé dans un média qu’il faut tout prendre pour argent comptant.

Dans le cas d’Internet cependant, dans la mesure où n’importe qui peut être investi du rôle d’éditeur ou de diffuseur d’informations, il faut pouvoir exercer un sens encore plus critique.


Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be