M. et Mme Dumaine sont les deux seuls employés permanents de l’Eglise à Bruxelles. De nationalité française, ils sont arrivés en Belgique en septembre 1995, à la suite du départ du couple de pasteurs qui se trouvait à Bruxelles avant leur arrivée. Ce couple avait, en effet, souhaité revenir auprès de l’Eglise de Paris pour s’occuper d’un ministère d’artistes.

M. Dumaine a, après avoir achevé ses études de médecine en France, suivi une formation biblique et pratique de plusieurs années. Etant athée dans un domaine comme la médecine, il avait entamé une recherche spirituelle pour essayer de mieux comprendre les textes, étant cependant davantage attiré par la Bible. La plus grande difficulté résidait dans le fait d’établir une corrélation entre ce que la Bible enseigne et sa mise en pratique dans la vie quotidienne.

Au gré de cette recherche, M. Dumaine a assisté à des discussion bibliques qui l’ont amené à rencontrer à Paris des membres de cette Eglise, par l’intermédiaire d’un ami qui pratiquait le même sport que lui. Cela l’a alors conduit à entreprendre une étude biblique personnelle, avant de prendre la décision, après quelques mois, de se faire baptiser. M. Dumaine ajoute qu’après s’être montrés assez négatifs, ses parents lui ont fait totalement confiance et respectent désormais le choix qu’il a fait.

Actuellement, M. Dumaine est le pasteur de l’Eglise. Il n’exerce aucune responsabilité sur le plan international.

Mme Dumaine indique qu’elle a toujours été très croyante et qu’elle a cherché, à un moment, à mettre ses connaissances de la Bible en pratique. L’Eglise du Christ de Paris, qu’elle a découverte par l’intermédiaire d’une amie, lui a donné l’occasion de confronter ses croyances aux écrits et de fonder les bases du christianisme dans sa vie. Dans la mesure où elle était impressionnée par la volonté des membres de cette Eglise de vivre la Bible au quotidien, elle a fait la démarche de l’étudier plus en profondeur.

Si ses parents ont également cherché à la dissuader de prendre un tel engagement, Mme Dumaine précise que c’est à cette occasion que s’est noué un dialogue, qui a permis que soit respecté désormais le choix de chacun.

En réponse à une question en ce sens, Mme Du-maine ajoute qu’elle a rencontré son mari au sein de l’Eglise du Christ de Paris, dont celui-ci était déjà membre depuis deux ou trois ans. A Bruxelles, elle s’occupe plus spécifiquement des besoins des femmes dans l’assemblée. Elle les conseille dans leur vie de tous les jours, au niveau de la foi chrétienne et leur indique notamment qu’elles peuvent être confrontées dans leur vie soit à des tentations, soit au péché.

M. Dumaine fait valoir, plus largement, que l’Eglise du Christ de Bruxelles fait partie des Eglises du Christ internationales. Celles-ci sont issues de la Réforme et se caractérisent par le même esprit qui animait les réformateurs du 16 e siècle en Europe (Luther, Calvin et Zwindli). On y retrouve le même esprit de retour vers la Bible, ainsi qu’un appel à s’éloigner des traditions qui contredisent ses enseignements. Les Eglises du Christ sont donc nées au 19 e siècle aux Etats-Unis sous l’impulsion d’hommes comme Thomas et Alexander Campbell et Barton Stone et ont pour but de poursuivre la restauration des principes du Nouveau Testament dans l’Eglise. C’est dans les années 1960 et 1970 que s’est produit au sein des Eglises du Christ un renouveau, qui a donné naissance aux Eglises du Christ internationa-les. A l’origine, ce mouvement a trouvé sa plus grande expression dans la ville de Boston pour, ensuite s’étendre au travers d’une centaine de pays, dont la Belgique. En 1992, une vingtaine de personnes venues de Paris ont fondé l’Eglise du Christ de Bruxelles. Cette asbl comptait, en 1996, 73 membres, auxquels viennent s’ajouter 70 autres personnes pendant les réunions du dimanche.

Au sein de cette assemblée, les membres croient que la Bible est la parole de Dieu, que Jésus est le fils de Dieu, le Seigneur et Sauveur, grâce à sa vie parfaite et expiatoire, que chaque membre de l’Eglise doit être un disciple de Jésus, terme employé par Jésus pour désigner ceux qui prenaient la décision de le suivre. Ils sont persuadés que chacun doit être baptisé pour le pardon de ses péchés, après avoir pris une décision personnelle et réfléchie et que chaque disciple doit témoigner de cette nouvelle vie, en imitant l’exemple de Jésus. Enfin, ils estiment que chaque chrétien doit s’engager à répondre non seulement au besoin spirituel mais aussi au besoin physique de ceux qui l’entourent, selon le modèle de Jésus. Cette conviction a conduit les Eglises du Christ internationales à créer l’organisation " Hope World Wide ", à laquelle l’association " Hope Belgique " est associée. " Hope " est reconnue comme organisation non gou-vernementale auprès des Nations Unies.

Pour le reste, l’Eglise du Christ de Bruxelles se réunit rue Léon Lepage, dans un temple protestant. Elle entretient d’ailleurs d’excellentes relations avec les Eglises protestantes traditionnelles ou évangéliques. Ses membres pratiquent l’évangélisation en parlant de leur foi autour d’eux. Cette évangélisation se fait dans les endroits fréquentés de Bruxelles, non par distribution de tracts mais par des témoignages de foi. Il n’y a pas de formation spécifique pour ce faire mais on donne des conseils sur la manière de partager sa foi.

Les adeptes sont issus de tous les milieux socio-professionnels et raciaux. Leur moyenne d’âge tour-ne autour de 30 ans. On cible de préférence les per-sonnes qui ont un coeur pour mieux connaître le Christ. Le prosélytisme occupe donc une place impor-tante dans les activités de l’Eglise.

Il ne s’agit pas, selon Mme Dumaine, d’un recrutement forcené, dont le manque de résultats entraînerait pour l’adepte une humiliation en public, mais plutôt d’un encouragement à partager sa foi. Cependant, elle constate que si quelqu’un n’éprouve plus le besoin de parler du Christ à son entourage, c’est que cette personne ne l’aime plus assez. Si cet encouragement est vécu comme une contrainte, il vaut mieux que la personne quitte le mouvement.

En ce qui concerne les ressources de l’Eglise, il faut signaler que le mouvement s’autofinance. Il est demandé aux membres une dîme sur leurs revenus. Cela n’est pas une pratique rigide mais une idée biblique. Elle se pratique d’ailleurs de façon courante dans les pays protestants. Il y a des exceptions pour les étudiants ou les célibataires avec enfants à charge.

L’ensemble des ressources atteint les 3 à 4 millions de francs, si l’on y inclut la collecte annuelle qui a pour but de récolter de l’argent pour implanter des Eglises dans le Tiers Monde ou pour aider les petites Eglises en devenir. Depuis 1996, l’Eglise de Bruxelles se subventionne elle-même entièrement.

Pour ce qui concerne l’aspect fiscal des choses, la situation est très claire au niveau international.

A Bruxelles, un bilan financier est dressé chaque année, comme il se doit pour une A.S.B.L. Il n’y a, par ailleurs, aucune activité lucrative au sein de l’Eglise.

Il y aurait cependant eu des problèmes en Angleterre, où il aurait été établi que l’Eglise ne déclarait que la moitié de ses revenus. Selon M. Dumaine, il y a eu tout au plus une erreur comptable. A sa connaissance, leurs conseillers ont mal informé l’Eglise et deux ans après, les responsables se sont dénoncés au fisc, qui ne s’était même pas rendu compte de l’erreur. Ils ont alors proposé un remboursement échelonné du redressement.

M. Dumaine précise encore que le sentiment de famille est très important au sein de l’Eglise, ce qui développe de grandes amitiés, au point que certaines personnes peuvent être amenées à désirer vivre ensemble. Ainsi, la moitié des membres vivent en communauté.

De même, de nombreux couples se forment au sein de l’Eglise. Ce n’est pas une obligation mais un encouragement, puisque la Bible encourage les hommes et les femmes célibataires à se marier devant Dieu. Cependant, certains membres de l’Eglise sont mariés avec des personnes qui n’affichent pas d’opinions chrétiennes.

Après être venus à l’office religieux du dimanche, les nouveaux adeptes se voient encouragés à lire la Bible. Ensuite, une fois par semaine, ils passent un moment ensemble pour essayer de mieux comprendre la Bible à partir d’un ouvrage dont la nouvelle mouture s’appellera " Les principes fondamentaux du christianisme ". Ce manuel fournit le squelette d’une étude de la Bible et permet de répondre à quelques grandes questions.

Ce moment d’étude peut, pour des étudiants, être dans l’après-midi, et pour des gens qui travaillent, le soir ou le week-end. En Belgique, il faut environ trois mois pour qu’une personne termine son étude de la Bible. Cette formation l’amène à prendre des décisions par rapport à des convictions personnelles.

Chaque jour, l’adepte écoute Dieu en lisant sa parole. Le moment où cela se passe dépend de sa personne, de sa profession et de la maturité de sa foi.

En ce qui concerne l’organisation de la semaine, il y a un service religieux du dimanche matin, qui dure de 10h30 à 12h00, ainsi qu’un service de milieu de semaine (le mercredi) qui est davantage un service d’enseignement sur l’Ancien et le Nouveau Testament et qui dure de 19h30 à 21h00. Il y a, de temps en temps, mais c’est assez irrégulier, une discussion sur la Bible dans les appartements, en général toutes les deux à trois semaines. En moyenne, il y a donc un maximum de quatre heures de réunion par semaine.

M. Dumaine ajoute encore, en réponse à une question en ce sens, que la Bible encourage les contacts entre les adeptes et leurs parents. Il a d’ailleurs vu beaucoup de familles se reformer au sein de l’Eglise. Il y a cependant trois ou quatre familles qui pourraient témoigner qu’elles ont éprouvé des difficultés à ce niveau, alors qu’une quinzaine sont heureuses que leurs enfants fassent partie de l’Eglise.

Mme Dumaine estime que ces difficultés dans le chef des parents résultent de leurs impossibilité d’ac-cepter que leurs enfants aient des convictions différentes.

En réponse à une question relative à d’éventuelles tentatives de rupture des relations entre l’adepte et son environnement familial et à l’interprétation du passage de Luc 14, v 26 (" Si quelqu’un vient à moi et s’il ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses soeurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple "), M. Dumaine fait valoir que ce verset est traduit aussi en utilisant " préférer Dieu à père, mère, ... " dans d’autres traductions bibliques.

Jésus n’a jamais suscité la haine entre individus et demande que l’on honore et prenne soin de ses parents, tout en ayant toujours Dieu dans ses pensées. Il ajoute que le fait de haïr ses parents est totalement aux antipodes de la pensée de Jésus, qui demande que l’on honore et prenne soin de ses parents.

Confronté au témoignage d’un ancien adepte qui raconte s’être sauvé parce qu’il était chargé de veiller à ce que sa compagne n’ait aucun contact qui puisse la détourner de la bonne ligne, qu’il y avait un véritable conditionnement et que le recrutement était intéressé vu que la progression personnelle dans l’Eglise dépendait des moyens financiers rassemblés, M. Dumaine indique que si vingt personnes ont quitté l’assemblée, c’est que le système n’est finalement pas aussi dur que décrit ci-dessus. Il y a peut-être eu, dans les relations au sein de l’Eglise, des blessures affectives qui ont laissé des traces.

De même, le témoin conteste que certaines formes de surveillance s’exercent à l’égard des adeptes et qu’un contrôle de l’adepte se fasse toujours par une personne du même sexe, qu’il ne doive exister aucun secret entre les formateurs, entre les supérieurs et leurs disciples, que l’on pousse les adeptes à habiter dans un même logement pour se contrôler mutuellement et que l’on aille jusqu’à retirer les portes inté-rieures de certains logements.

Interrogé à propos de confidences sollicitées auprès des membres lors de la confession, M. Dumaine indique que la confession est effectivement pratiquée et qu’elle concerne spécifiquement le péché. Pour éviter toute ambiguïté, il est d’ailleurs préféra-ble de se confesser auprès de personnes du même sexe que le sien. C’est ainsi qu’il faut pouvoir se détacher de l’immoralité sexuelle, de la prise de drogues, etc. Même si deux membres ont effectivement déjà été exclus de l’Eglise, ce n’est cependant pas en commettant un péché que l’on s’en trouve exclu. En tout état de cause, les membres sont libres de vivre ou de ne plus vivre une vie chrétienne mais ils peuvent être exclus s’il ne la vivent plus.

A la question de savoir si un membre doit arrêter une relation s’il y a péché dans celle-ci ou si l’autre n’est pas intéressé par la vie de disciple ou décourage l’adepte spirituellement, M. Dumaine répond que cela est repris d’un ancien livret. Le passage cité illustre le fait qu’il faut savoir parler précisément de certaines situations où notre style de vie peut s’opposer à la Bible.

Il est ensuite fait état d’un passage de l’ouvrage de Sophie Corbet, ancienne adepte de l’Eglise : " La première chose à retenir, c’est qu’un disciple doit être entièrement soumis à son formateur. Les actes les plus anodins doivent passer par l’autorisation explicite du formateur. Leur temps, leurs sentiments ne leur appartiennent plus : même leur vie amoureuse est régentée par les formateurs. Les sorties sont chaperonnées et codifiées. La femme devra soumission à l’homme car c’est a priori biblique. L’Eglise aime à poser des défis et c’est ainsi que pour prouver leur amour à Dieu, les disciples peuvent être amenés à déménager, à quitter leur travail surtout si les horaires sont incompatibles avec les exigences de l’Eglise. ".

M. Dumaine estime que cela n’est pas exact. Il croit que ce qu’écrit Mme Corbet, qui a participé à la même étude biblique que lui, est déformé et exagéré. Interrogé à propos des " accountability sheets ", il confirme qu’on utilise effectivement des feuilles d’évaluation pour suivre le nombre de membres ou pour parler des différentes études bibliques dans l’Eglise.

Quant au rôle de M. Inglese dans l’Eglise, le témoin précise qu’il est effectivement membre de celle-ci mais qu’il n’est ni formateur et encore moins un des piliers de l’Eglise du Christ de Boston.

Selon certaines sources, M. Inglese propose cependant aux jeunes, en fin de formation, de former des groupes qui devront se rencontrer régulièrement pour les aider à trouver du travail. Selon M. Dumaine, on présente les choses de façon erronée, ce qui a valu à M. Inglese des sanctions de la part de son employeur.

M. Dumaine est alors confronté à une série d’éléments repris d’un article " Eglise ou secte du Christ de Boston " (La Cité, 19 janvier 1995).

Selon cet article, l’Eglise est devenue de plus en plus hiérarchique : le chrétien doit obéissance à ses supérieurs et doit vouer une fidélité absolue à son chef suprême. Chaque adepte doit confesser ses péchés et obéir à un dicipleur. Pour être bon chrétien, il faut faire des dons importants à la secte et apporter le plus possible de nouveaux adeptes. D’ailleurs ce seront ceux qui contribueront le plus qui pourront grimper dans la hiérarchie. L’enseignement de la secte est basé sur une interprétation rigide de la Bible, qui ne laisse aucune liberté aux croyants. Ces derniers sont soumis sans cesse à la menace de l’enfer et pour maintenir une dépendance totale, la secte oblige ses membres à se marier entre eux. Les adeptes doivent prier tous les jours et étudier la Bible jusqu’à 02 heures du matin, de façon à les abrutir complètement. La secte vise surtout les universités et les jeunes blancs à haut niveau social.

M. Dumaine déclare que ces accusations sont des erreurs ou des mensonges. Il y a des personnes qui, après être rentrées dans l’Eglise, décident de ne plus en faire partie pour différentes raisons : perte de leurs convictions, faiblesse dans leur foi, ...

Il estime que cela fait partie du choix d’une vie spirituelle normale ; c’est une décision et jamais une obligation.

Il dément aussi toute forme de harcèlement (coups de fil, encadrements, ...) quand quelqu’un est " mal dans sa foi ". Cependant, lorsque quelqu’un part sans explication, il essaye de le recontacter pour comprendre ce qu’il ressent. Cela lui paraît une démarche tout à fait normale.


Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be