Sujet : DPS

Audition de : Gérarld Noulé et Marc Asset

En qualité de : secrétaire général et membre du Syndicat National des Policiers en Tenue (SNPT)

Par : Commission d’enquête parlementaire sur le DPS, Assemblée nationale (France)

Le : 10 mars 1999

Présidence de M. Guy HERMIER, Président

MM. Gérald Noulé et Marc Asset sont introduits.

M. le Président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête leur ont été communiquées. A l’invitation du Président, MM. Gérald Noulé et Marc Asset prêtent serment.

M. Gérald NOULÉ : Je tiens à préciser que je suis nouvellement élu à la tête de mon organisation et que je n’ai donc pas eu à connaître de faits antérieurs.

L’activité du DPS nous intéresse au premier chef : elle touche à des problèmes de sécurité, vous comprenez bien que nous policiers, y sommes tout à fait sensibles de même que, plus largement, à l’action du Front National au sein de la police nationale.

A titre d’information, je précise que mon organisation a été à l’origine de l’interdiction du Front National de la Police lors des élections professionnelles et que ses membres se montrent donc extrêmement vigilants.

Nous concevons que des partis politiques ou des organisations syndicales puissent disposer de services d’ordre efficients pour éviter toutes sortes de débordements au cours de manifestations politiques ou de meetings, mais à la condition que ces derniers limitent leurs actions à un filtrage et à un service de sécurité interne. En revanche, nous ne saurions tolérer que des actions se déroulent sur la voie publique comme nous avons pu le constater, ce qu’attestent d’ailleurs des condamnations intervenues à la suite des événements de Montceau-les-Mines et Strasbourg.

Après avoir sondé l’ensemble de nos sections départementales, je peux dire qu’a priori, elles n’ont pas de cas concrets de membres de la police nationale qui pourraient être rattachés ou qui pourraient avoir, de près ou de loin, des intérêts avec le Front National. Aussi, suivons-nous cette actualité notamment à travers la presse.

J’insiste sur le fait que nous, policiers républicains, sommes favorables à tout de ce qui est de nature à éradiquer l’entrisme qu’opère le Front National sur les problèmes de sécurité, que ce soit par le biais de syndicats - je répète que nous sommes à l’origine de l’interdiction du Front National de la Police - ou d’organes de sécurité, pour le moins musclés, qui, sous certains aspects, s’apparentent à des milices et ne se gênent en rien pour usurper les qualités de policier - certains de leurs membres ont été condamnés sous ce chef d’accusation.

M. le Président : Vous parlez de faits qui outrepassent le rôle et l’activité des services d’ordre des partis démocratiques. Avez-vous d’autres exemples précis à nous fournir que ceux déjà longuement évoqués devant notre Commission, je pense à Montceau-les-Mines, à Strasbourg ou encore à l’affaire de Wagram ?

Au-delà de ces événements maintenant bien repérés, nous souhaiterions apprendre des faits qui témoignent de ces débordements du DPS lors de manifestations. Disposez-vous d’informations sur cette question ?

M. Gérald NOULÉ : Sincèrement non, mais je suis responsable du syndicat depuis très peu de temps, je n’ai pas eu vraiment à connaître ce genre de problèmes. En outre, comme je vous l’ai expliqué, j’ai sondé l’ensemble de mes sections départementales pour voir si de tels faits ne s’étaient pas produits ici ou là, mais rien ne m’est remonté même si, je le précise, notre organisation est relativement bien structurée au niveau national : elle compte 800 sections syndicales, ce qui nous donne l’opportunité d’obtenir des renseignements. Or, je n’en ai pas d’autres que ceux que j’ai pu recueillir dans la presse.

Ce qui est gênant et qui nous importe le plus, est qu’à certains endroits - et nous avons pu le constater notamment à l’occasion des événements de Strasbourg ou de Montceau-les-Mines - on observe une certaine forme de laxisme des services de police qui laissent faire les choses par commodité. C’est inacceptable mais cette situation relève des chefs de service : à eux de prendre la mesure du problème et d’adopter les mesures qui s’imposent. En revanche, au niveau de notre ministère, je suis convaincu que les dispositions sont claires, mais il faut les faire appliquer sur le terrain.

Cela étant, je n’ai pas eu à connaître de nouveaux événements. Si tel avait été le cas, ce serait avec plaisir que je vous les communiquerais.

M. le Président : Avez-vous d’autres exemples de ce laxisme ?

M. Gérald NOULÉ : Nous avons des bruits mais nous gardons pour nous tous ce qui ne peut pas être prouvé. Il y a bien des exemples de services d’ordre où l’on fait " ami-ami " avec le service d’ordre du Front National et où il existe des échanges : ce n’est pas admissible, il faut savoir qui est qui et qui fait quoi dans cette affaire !

Les choses seraient plus faciles si j’avais des preuves ; je ne vous cache pas que je les ai recherchées depuis que j’ai reçu ma convocation devant cette Commission, mais je n’ai malheureusement rien ! J’ai même eu l’occasion de m’entretenir avec le Directeur central des renseignements généraux que vous veniez d’auditionner et je ne peux que répéter ce qu’il a pu vous dire...

M. André VAUCHEZ : Je suis surpris que vous n’ayez pas plus d’informations, même si vous êtes nouvellement arrivé à la tête de votre syndicat, car vous représentez les policiers en tenue, donc une organisation de premier plan...

M. Gérald NOULÉ : Oui, il s’agit même de la principale organisation...

M. André VAUCHEZ : Vous êtes donc en toute première ligne. Or, ainsi que le Président vient de le rappeler il est avéré, soit par la presse, soit par les personnes auditionnées, que le laxisme a été notoirement constaté et cela à plusieurs reprises.

Votre syndicat, dites-vous, se compose de près de 800 sections syndicales. Je suis fort surpris qu’à aucun moment, en dehors de la voie hiérarchique, à l’intérieur de votre syndicat, vous n’ayez eu d’informations très importantes à nous communiquer, d’autant que le DPS n’est pas un service d’ordre comme un autre. Par exemple, le fait que lorsqu’ils revêtent la tenue n° 2, ils peuvent être confondus avec vous, vous a-t-il amené, par le biais de votre syndicat, à présenter des requêtes auprès de vos supérieurs ou du ministère de l’Intérieur ?

M. Gérald NOULÉ : Non ; comme vous, je suis très surpris qu’aucune information ne soit remontée, y compris avant que je ne sois en exercice. En revanche, s’il est un problème dont on nous entretient souvent, c’est bien celui de l’entrisme du Front National dans la police.

Il y a des sections, et notamment des sections d’intervention en Seine-et-Marne, dont le commandant, par le biais de la FPIP, syndicat d’extrême-droite proche du Front National, fait adhérer ses hommes, qui ont d’ailleurs assisté au récent Congrès du nouveau Front National à Marignane, au Front National : c’est cela qui m’inquiète le plus ! Cela signifie que le Front National est en train de tisser des ramifications au sein même de la police nationale mais ce n’est pas l’objet de cette Commission qui, elle, enquête sur les agissements d’un service de protection.

Sur cette question, nous saisissons systématiquement nos supérieurs. Dernièrement, nous avons alerté le ministre de l’Intérieur sur le fait qu’un officier, commandant d’une compagnie d’intervention, a fait adhérer l’ensemble des membres de sa section à ce syndicat d’extrême-droite et qu’il a, de plus, affiché la photo de M. Bruno Mégret dans son bureau : nous attendons de savoir quelles seront les suites...

Nous avions aussi saisi la Direction générale, mais voyant qu’elle ne donnait pas suite à cette affaire, j’ai profité de l’opportunité d’une rencontre avec le ministre pour le tenir informé de cette situation. Il s’est montré extrêmement surpris et a donné des consignes très précises à son cabinet pour suivre cette affaire de près. Cela se passe en Seine-et-Marne. Le nom de la localité m’échappe mais je vous le ferai savoir ainsi que le nom du commandant et je vous joindrai des documents.

M. le Président : Vous pouvez, dans les mêmes conditions, nous envoyer des documents ou toute information supplémentaire que vous jugeriez souhaitable de nous communiquer en fonction des questions que nous vous posons et qui vous indiquent l’état d’esprit de notre Commission.

M. Gérald NOULÉ : Naturellement !

Cette forme d’entrisme constitue, selon nous, le plus grand danger. A ce sujet, en 1995, notre fédération a formulé des requêtes au ministre de l’Intérieur de l’époque, M. Jean-Louis Debré, pour qu’il prenne la décision d’interdire le Front National de la Police.

Il nous a répondu qu’il avait saisi la direction des libertés publiques, et qu’il ne pouvait pas y avoir d’objection à la constitution d’un syndicat qui s’appellerait Front National de la Police ! Or la justice a pris une décision en sens contraire !

Je demande aujourd’hui que les hommes politiques de tous bords arrêtent de jouer avec le Front National ; personne n’y gagnera et surtout pas la démocratie !

M. le Président : Ce phénomène d’entrisme du Front National dans la police qui vous inquiète - et on le comprend - semble, de toute façon être une réalité.

M. Gérald NOULÉ : Le plus inquiétant, c’est le laxisme des chefs de service vis-à-vis de situations connues.

M. le Président : On peut donc imaginer que cet entrisme amène un certain nombre de policiers à être liés au Front National et, par conséquent, au DPS ?

M. Gérald NOULÉ : Je n’en sais rien et je n’irai pas jusqu’à l’affirmer, mais on peut le supposer.

On ne peut pas dire que le Front National est mieux ou plus représenté dans la police nationale que dans l’ensemble de la société : il n’y a qu’à regarder les résultats des élections politiques classiques pour s’apercevoir que ce parti se situe aux alentours de 15 %, ce qui n’est pas le cas dans la police ! Mais, et c’est là que réside la difficulté, dans la police, sa présence a une signification tout à fait particulière parce qu’elle touche à la sécurité des personnes et des biens. Il est évident, lorsque l’on connaît les thèses développées par ce parti, que si un nombre croissant de policiers y adhère, nos institutions vont, à terme, se trouver en péril, d’autant que le danger ne se présentera pas sous forme ouverte mais sous forme larvée...

M. le Président : Nous nous préoccupons également de ce qui se passe dans certaines mairies dirigées par le Front National où des liens peuvent se tisser entre des polices municipales et des policiers ou ex-policiers. Disposez-vous d’éléments sur ces questions ?

M. Gérald NOULÉ : Non, mais je sais qu’à Vitrolles, par exemple - les faits avaient été relatés dans la presse - les polices municipales avaient posé quelques problèmes, notamment en matière de prérogatives et de champs d’intervention. Là, il s’agit en réalité d’une forme de DPS bis. C’est la raison pour laquelle nous attendons avec un grand intérêt l’adoption du projet de loi sur les polices municipales, qui est encore en navette, pour que les situations soient clarifiées.

C’est également la raison pour laquelle - vous me permettrez de déborder un peu le cadre de cette Commission - notre organisation n’était, au départ, pas vraiment favorable aux polices municipales. Aujourd’hui elles existent, puisque les mairies ont jugé opportun de les créer pour répondre au besoin exprimé par la population en matière de sécurité. Pourtant, défendant le principe d’équité pour l’ensemble de nos concitoyens, nous jugeons que seul l’Etat est à même d’assurer un niveau de sécurité identique sur tout le territoire : si l’on crée des polices municipales, on va encore creuser les différences entre villes riches et villes pauvres. Sans compter que certaines villes, dirigées par le Front National, n’ont pas forcément la même conception que nous de la sécurité de nos concitoyens !

Je pense donc que la sécurité étant - ce n’est pas moi qui vais vous l’apprendre - une charge régalienne de l’Etat, elle doit le rester ; nous devons nous montrer extrêmement prudents en la matière et l’Etat doit, de toute manière, exercer un contrôle très strict sur les polices municipales : c’est le seul moyen de prévenir tout débordement.

M. le Président : Nous nous préoccupons également des sociétés de gardiennage et de sécurité, de leurs liens avec le Front National et de leur intervention dans un certain nombre de manifestations. Avez-vous des informations sur ce sujet ?

M. Gérald NOULÉ : Non, il y a quelques années nous avons insisté sur le fait que les sociétés de sécurité recrutaient des personnes qui avaient eu affaire à la justice, ce qui nous paraissait inconcevable.

Je sais comme tout le monde, puisque je me documente et lis la presse tous les jours, que le Front National recrute dans nombre de sociétés et l’on pourrait supposer - et c’est ce qui est inquiétant - que, finalement, le Front National au travers de son DPS et de toutes les sociétés de sécurité, se constitue une sorte de réserve au cas où...

Pour le reste, franchement, je ne dispose pas d’éléments.

M. le Président : Il avait été question, notamment du temps de l’ancien ministre de l’intérieur qui nous en a parlé, de rapports qui auraient été commandés aux renseignements généraux...

M. Gérald NOULÉ : Je sais qu’il avait commandé des rapports sur les agissements du DPS.

M. le Président : Votre syndicat n’en a-t-il jamais demandé communication ? En avez-vous eu connaissance ?

M. Gérald NOULÉ : Je n’en ai jamais eu connaissance.

M. le Président : Dans vos rapports avec votre hiérarchie, n’avez-vous jamais posé la question ?

M. Gérald NOULÉ : Non, pas vraiment ! Comme je vous l’ai expliqué, nous mettons systématiquement en avant les tentatives d’entrisme du Front National dans les structures de la police nationale, mais elles ne concernent pas forcément le DPS.

M. André VAUCHEZ : Vous parlez d’entrisme. C’est un fait dont nous sommes conscients. Ces tentatives se font parfois à visage découvert, comme ce fut le cas avec le syndicat contre lequel le ministre de l’époque n’a pas voulu engager la procédure de dissolution, et parfois de façon masquée puisque, en dépit de l’interdiction qui lui a été signifiée, compte tenu du fait qu’un syndicat ne peut pas prendre le nom d’un parti politique, ce syndicat réapparaît sous une autre forme et une autre appellation.

La police est confrontée à un problème de fond qui est tout à fait différent dans la gendarmerie, puisque votre statut vous permet d’avoir des activités politiques à l’extérieur de votre zone d’intervention, je suppose.

Donc, vous dites que le Front National recrute dans la police et va continuer à le faire. Or, nous ne pouvons que constater les faits, car nous travaillons sur le DPS. Certes la frontière qui le sépare du Front National est si ténue qu’elle en vient parfois à disparaître et qu’une grande partie des membres du DPS adhèrent au Front National. Aussi comment peut-on, ainsi que vous le demandez, dissoudre le DPS ? Quels moyens, quelles preuves, notre Commission peut-elle utiliser ?

M. Gérald NOULÉ : Il vous faut accumuler suffisamment de faits pour démontrer que le DPS n’est pas un service d’ordre comme les autres, mais une organisation quasiment paramilitaire qui n’hésite pas à faire le coup de poing, qui envoie des commandos çà et là dans les manifestations et qui fait du renseignement.

Concernant la police nationale, qui me semble fondamentale pour la préservation des libertés individuelles, il nous faut être extrêmement vigilants ! Un chef de service qui entend un fonctionnaire tenir des propos à connotation raciste, revendiquer son appartenance à un parti politique - en l’occurrence au Front National puisque ceux qui adhèrent à des partis républicains n’en font pas état - et propager ses thèses au sein de la police nationale, se doit d’être intraitable !

Nous avons des instances disciplinaires ; je peux vous garantir, même si nous nous jugeons entre nous et quoi que l’on puisse en dire, qu’elles sont intransigeantes !

Il ne faut pas hésiter à sanctionner toute forme de laxisme : on est en train de banaliser le Front National et les thèses qu’il véhicule, notamment dans la police. Il suffirait que des directives du ministre très claires en la matière soient relayées par l’ensemble des directeurs généraux et centraux, appliquées sur le terrain par les chefs de service pour que les choses aillent un peu mieux. Il appartient aux politiques, quels qu’ils soient puisque notre pays finit par prendre goût à l’alternance, d’avoir à coeur de traiter les problèmes de sécurité, - et honnêtement il n’y a pas de procès d’intention à faire au Gouvernement actuel sur l’insécurité dont souffrent nos concitoyens dans certains quartiers - car il faut tuer le fonds de commerce du Front National.

Si les gens vivent mal, subissent des problèmes d’insécurité et sont, de surcroît, atteints par des difficultés d’ordre social telles que le chômage ou autres, certains vont être attirés par les chimères et le chant des sirènes de ce parti.

Dans la police, il en va de même. Si nous avions une amélioration de nos conditions de travail, que ce soit au plan financier ou au plan des rythmes, des aménagements de services, de l’ouverture de la hiérarchie aux problèmes quotidiens des gardiens de la paix, nos collègues seraient beaucoup moins tentés d’adhérer au Front National ou d’y militer.

Nous avons, nous, syndicats de police, une énorme responsabilité, puisque nous devons être en mesure de présenter des revendications suffisamment intéressantes aux yeux de nos collègues, pour éviter que, par dépit, déception ou sentiment de stagnation, ils soient tentés par un vote protestataire en faveur des syndicats proches du Front National. Nous sommes tous responsables dans cette affaire !

M. le Président : Notre Commission ne peut travailler qu’à partir de ce qu’on lui dit et c’est pourquoi nous insistons sur la nécessité d’avoir des cas concrets susceptibles d’étayer nos allégations sur les agissements du DPS. L’objet de la Commission est de déterminer s’ils relèvent bien de la loi de 1936 et s’ils pourraient conduire à une dissolution, indépendamment de toute une série d’autres observations que notre travail nous amènera certainement à faire.

Nous sommes donc soucieux de partir de faits précis. Vous en citez certains un peu en marge de notre sujet mais qui s’en rapprochent, comme la diffusion des thèses du Front National au sein de la police : nous sommes preneurs d’informations plus précises, notamment sur la Seine-et-Marne. Mais aussi d’autres exemples d’actions précises, de diffusion ouverte de thèses du Front National ou de comportements irréguliers au niveau de l’encadrement : il est clair que si le Front National s’organise dans la police, cela aura un lien ensuite avec le DPS...

M. Gérald NOULÉ : Je vous communiquerai toutes les informations dont je dispose à ce sujet.

M. le Président : Concernant le laxisme dont nous avons pu vérifier qu’il semblait de mise durant des événements comme ceux de Montceau-les-Mines par exemple, nous aimerions pouvoir le cerner dans la vie quotidienne et avoir, au-delà d’événements connus, des éléments d’information plus précis.

M. Gérald NOULÉ : Sur cette question, je dispose d’informations que je ferai parvenir au secrétariat de la Commission.

Personnellement, je peux vous garantir que Marc Asset et moi-même avons fait le tour de nos sections et je regrette que rien ne remonte. Est-ce par ignorance des faits ? Permettez-moi d’en douter ! Je crains plutôt que l’on ne nous cache les faits, par facilité et pour n’avoir pas à en répondre.

Pourtant les choses sont simples : certains policiers tiennent des discours en prétendant qu’on n’en serait pas là avec Le Pen ! Maintenant de tels propos sont banalisés et s’ils tombent dans l’oreille d’un officier celui-ci, par facilité, va renoncer à y mettre fin. C’est ainsi qu’à terme tout cela risque d’être banalisé dans la police nationale et que nos concitoyens en viendront à avoir peur de leur police... Cela devient fort inquiétant !

M. André VAUCHEZ : Le Front National attire à lui ceux qui se sentent attaqués - quand on est au chômage on est attaqué. Donc le fait que le DPS existe et qu’il défende le Front National prouve, pour le commun des gens sensibles, que le Front National est lui aussi dans l’obligation de se défendre : tout cela est lié et c’est de là que vient le problème.

S’il y avait le Front National et la police, sans le DPS entre eux, la face des choses s’en trouverait changée. C’est un problème de fond ! La pénétration de la police est terriblement grave !

M. Marc ASSET : Il faut cependant prendre la mesure du phénomène : les policiers républicains qui restent attachés aux valeurs de la République représentent, malgré tout, la majeure partie de notre police.

M. André VAUCHEZ : Oui, mais si vous devez attendre des ordres, vous le faites et cela a été le cas à Wagram puisque les policiers ont mis une demi-heure avant d’intervenir !

M. Marc ASSET : Vous citez le cas de policiers qui agissent dans le cadre de manifestations, en groupe. Il faut savoir que notre code de déontologie nous permet, lorsque nous jugeons un ordre illégal, de ne pas nous y soumettre.

Malheureusement, dans le cadre d’un maintien de l’ordre ou d’une intervention groupée, cela est impensable car si ou deux ou trois refusent d’obéir, les autres passent outre et tout le monde suit selon un phénomène d’entraînement.

Il faut savoir que dans certains services de police - il ne faut pas généraliser -, il est beaucoup plus facile de tenir un discours fasciste qu’un discours républicain et progressiste.

J’estime donc, et je vais reprendre l’argumentation de mon collègue, que si on veut stopper l’entrisme du Front National, il faut donner des instructions très strictes aux chefs de service, aux directeurs départementaux de la sécurité publique afin que chaque manquement soit sanctionné.

Je vais vous citer un exemple : en 1992, nous avions signalé au ministère de l’Intérieur que des membres de la FPIP étaient employés pour la formation initiale des gardiens de la paix. Nous avions été surpris de voir que l’on mettait dans des écoles de formation des gens qui, aux commissions administratives paritaires, faisaient partie de la FPIP...

L’affaire a vite été réglée mais vous voyez que les filtres ne fonctionnent pas ! Pourquoi ? Parce que - et cela relève de la responsabilité individuelle - certains chefs ou responsables de service ayant connaissance de faits de cette nature ne prennent pas les dispositions qu’ils devraient prendre. Ce n’est qu’en corrigeant cette situation que l’on pourra, tout au moins dans la police, éviter l’entrisme et la propagation des thèses du Front National. C’est, malheureusement, le seul moyen que nous ayons.

M. le Président : Très bien, puisque vous avez parlé de manquements, nous souhaiterions en avoir des exemples concrets : ils seront utiles à notre travail.

M. Gérald NOULÉ : Nous vous fournirons toutes les informations et tous les documents de nature à porter atteinte au développement du Front National, puisque nous nous situons dans le cadre de la police républicaine : qu’il n’y ait là-dessus aucune ambiguïté !

Cela étant, je tiens à préciser, même si cela a une incidence différente, que la police n’est pas plus sensible aux thèses du Front National que l’ensemble de la société.

M. le Président : Messieurs, nous vous remercions.