Sujet : DPS
Audition de : Claude Dupont
En qualité de : responsable du service d’ordre du Rassemblement Pour la République
Par : Commission d’enquête parlementaire sur le DPS, Assemblée nationale (France)
Le : 17 mars 1999
Présidence de M. Guy HERMIER, Président
M. Claude Dupont est introduit.
M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, M. Claude Dupont prête serment.
M. Claude DUPONT : Au RPR, ce qui fait office de service d’ordre s’appelle " le service de protection ". Il ne regroupe que des bénévoles, quelle que soit la région concernée. Ses membres sont issus de toutes les catégories sociales. Il a plus, dirons-nous, une approche " d’urbaniste " qu’une approche de service d’ordre " à l’ancienne " : nous veillons surtout à la bonne organisation du site, de manière à ce qu’en cas d’incident, les évacuations puissent se faire sans contrarier les services de secours.
En ce qui concerne le service dit " d’ordre ", je crois que cette appellation répond à une conception dépassée puisque, à l’heure actuelle, les affrontements interpartis n’existent pratiquement plus, compte tenu notamment du poids des médias et de la présence des caméras de télévision. Pour ma part, je considère, en revanche, que " l’arme conventionnelle " de demain à laquelle devront faire face les services d’ordre est le terrorisme et, en conséquence, je veille, dans la formation de nos compagnons du service, à ce qu’ils puissent exercer une surveillance maximale sur le déroulement des opérations. Il faut, par exemple, qu’ils puissent interpeller quelqu’un qui pénétrerait dans un vestiaire et y déposerait un attaché-case avant de disparaître.
M. le Président : Vous évoquez la formation des compagnons du service. Comment ce service est-il donc organisé ?
M. Claude DUPONT : Je fais remplir à toute personne désireuse de participer au service de protection un bulletin de candidature avec trois photos, une pour mon fichier alphabétique, une autre qui apparaît sur le bulletin de candidature et une troisième pour le badge que nous remettons lors de chaque réunion, meeting ou déplacement.
Le service est organisé en fonction de régions qui sont nos " régions service de protection " et qui ne tiennent pas toujours compte du découpage administratif de la France, pour la bonne raison que je veille à ce que les effectifs soient bien contrôlés par les responsables locaux. En effet, comme je ne demande pas d’extrait de casier judiciaire aux postulants, - puisque celui qui a payé a payé si je puis dire -, je veille à ce que les responsables locaux assurent un suivi des membres du service afin de m’informer, par exemple, des éventuelles difficultés financières de l’un qui a une entreprise, ou des relations sentimentales de l’autre qui est tombé amoureux d’une femme de nationalité iranienne par exemple.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : J’aimerais savoir si vous menez des enquêtes sur les personnes qui font acte de candidature pour entrer dans votre service d’ordre. Mais, si j’ai bien compris, la réponse est négative...
M. Claude DUPONT : Il est bien évident que je demande son avis au secrétaire départemental ou au député de la circonscription dans laquelle réside cette personne.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : En qualité de responsable de cette organisation, recevez-vous des émoluments ?
M. Claude DUPONT : Pour ce qui me concerne, je suis salarié du RPR depuis 1982, et uniquement dans ce cadre-là.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Et votre unique fonction est de vous occuper de l’organisation de manifestations ?
M. Claude DUPONT : De manifestations, de meetings, du déplacement de personnalités. C’est à moi, par exemple, qu’il revient de fournir des chauffeurs en cas de problèmes horaires.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Disposez-vous d’un budget qui vous permet de rembourser les déplacements des uns et des autres et peut-on dire qu’il s’agit en quelque sorte, au sein du RPR, d’une section spécialisée ?
M. Claude DUPONT : Effectivement, j’ai un budget.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Au cours de manifestations, j’aimerais savoir si vous pratiquez des fouilles, si vous faites ouvrir les sacs et si vous opérez, par ailleurs, des opérations de filtrage ?
M. Claude DUPONT : Il est bien évident que, dans certains cas, nous faisons un filtrage sur présentation du badge. Il est vrai néanmoins que, contrairement à l’époque du plan Vigipirate durant lequel nous pratiquions la fouille systématique des sacs, il est difficile, à l’heure actuelle, de l’imposer pour les réunions ouvertes au public.
Nous restons cependant très attentifs : nous fouillons la salle, dès qu’une pause le permet, ainsi qu’à la fin de chaque réunion, pour nous assurer qu’aucun objet ne traîne... et également pour voir si quelqu’un n’a pas oublié quelque chose !
Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Lorsque vous devez organiser des meetings ou des déplacements, quels sont les contacts que vous avez avec les autres organisations syndicales ou politiques, notamment avec leurs services d’ordre et comment s’établissent les contacts avec les préfectures ?
M. Claude DUPONT : Je rédige un courrier de courtoisie au préfet et, suivant les responsabilités, au colonel de gendarmerie ou au directeur départemental de la police urbaine (DDPU). Je fournis le maximum de détails sur le déroulement de la manifestation et leur précise que je ne veux pas pénaliser le citoyen pour une réunion politique en bloquant trop de forces de police. Mais le patron reste, soit le DDPU, soit le colonel de gendarmerie qui décide des effectifs à mettre en place, ce n’est pas moi !
M. le Président : Mais vous disposez bien de votre propre service pour assurer la protection du meeting ou de la manifestation ?
M. Claude DUPONT : Certes, mais l’effectif du service présent sur place est fonction, non point comme on le faisait autrefois, du nombre de participants, mais, de la disposition du site. Nous devons être en mesure d’assurer la surveillance du parking public, du parking personnalités, des entrées, les filtrages, la surveillance de la scène et éventuellement des salles de commission, de sorte qu’un éventuel terroriste puisse sentir qu’il entre dans une nasse et décide de remettre la chose à plus tard !
Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Tout à l’heure, vous disiez que toutes les couches socio-professionnelles étaient représentées dans votre service de protection. J’aimerais que vous affiniez davantage cette réponse : jeunes, retraités... qui sont-ils ? Je souhaiterais également que vous nous disiez s’il vous est arrivé de faire appel à des sociétés de gardiennage ou de sécurité pour l’organisation de vos meetings et que vous nous donniez votre appréciation personnelle sur le DPS du Front National. Considérez-vous qu’il fonctionne comme un service d’ordre normal d’un parti politique ?
M. Claude DUPONT : Je ne peux pas vous répondre sur le DPS, pour la bonne raison que je n’ai jamais eu affaire à lui ! Je ne sais pas comment il fonctionne. J’ai juste eu, une fois, un problème avec le Front National dont les membres étaient venus distribuer des tracts dans les galeries marchandes et sur la place du Palais des Congrès, c’est-à-dire sur la voie publique et dans un lieu public, pendant un de nos congrès qui se tenait à la Porte Maillot. Nous ne pouvions pas les empêcher de le faire. J’ai donc simplement vu la responsable, qui était, je crois, Mme Martine Lehideux et nous avons négocié leur départ dans la demi-heure suivante.
M. le Président : Et les sociétés de gardiennage ?
M. Claude DUPONT : A une époque, le secrétaire général a loué les services d’une société de gardiennage.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : A quelle époque ?
M. Claude DUPONT : A l’époque où M. Alain Juppé était secrétaire général.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : De quelle société s’agissait-il ?
M. Claude DUPONT : De la société de l’ancien commissaire Ottavioli qui fournit les deux huissiers de garde de nuit, rue de Lille, mais je ne saurais pas vous dire son nom.
M. le Président : Vous ne faites plus appel à ses services ?
M. Claude DUPONT : Personnellement, je n’y ai jamais eu recours. A l’époque, lorsque M. Alain Juppé appelait des gens de cette société, c’était, si je puis dire, " pour tenir la scène ", pendant que les bénévoles s’occupaient des extérieurs. C’est un petit problème particulier...
M. le Président : Ce n’est pas un dispositif qui avait l’air de vous agréer...
M. Claude DUPONT : Non, parce que quand il y a deux services différents, c’est qu’il existe une faille dans le dispositif.
Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Et qu’en est-il des différentes catégories socioprofessionnelles ?
M. Claude DUPONT : C’est très mélangé. Vous trouvez des fonctionnaires de police ou de simples militants qui sont très attentifs : cela tient à la personnalité de chaque individu. Dans les casinos, les physionomistes sont payés très cher ce qui prouve bien qu’il est difficile de trouver des gens attentifs et physionomistes...
M. le Rapporteur : Quelle était votre formation avant 1981-1982 ? Apparteniez-vous déjà à un service de sécurité ?
M. Claude DUPONT : Je ne vais pas vous cacher que j’étais officier au premier régiment étranger de parachutistes et que j’ai participé au putsch d’Alger. J’ai ensuite été condamné à dix années de détention et j’ai fait cinq ans et sept mois de prison, à la Santé, à Fresnes et au pénitencier de Saint-Martin de Ré. A ma sortie, n’étant plus tellement couvert, j’ai exercé des petits métiers ici et là, avant de créer un département de correcteurs d’édition dans une société d’intérim. C’est là que j’ai fait la connaissance d’un proche du général de Benouville, qui m’a fait rentrer au groupe Marcel Dassault. M. Marcel Dassault m’a alors demandé d’être responsable du service d’ordre de M. Valéry Giscard d’Estaing durant sa campagne présidentielle ce qui m’a permis de rencontrer différentes personnes et d’occuper la position qui est la mienne actuellement.
M. le Rapporteur : Vous considérez-vous plus comme militant ou comme un technicien ?
M. Claude DUPONT : Comme un technicien !
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD. Vous avez répondu qu’il pouvait se trouver des fonctionnaires de police parmi les membres de votre service. Avez-vous beaucoup de fonctionnaires de police et de gendarmerie ? Comment les appréciez-vous et comptez-vous davantage sur eux que sur d’autres en raison de leurs compétences ? Par ailleurs, êtes-vous amené, lors de manifestations ou de meetings, à réunir en amont les personnes qui vont être présentes sur les lieux et quelles sont les consignes que vous leur donnez ? Abordez-vous, le cas échéant, la question des armes ?
M. Claude DUPONT : Je peux dire que, dans le service que je dirige, toutes les catégories socioprofessionnelles sont représentées. Sur toute la France, je dois compter sept chefs d’entreprise, des serveurs, des fonctionnaires de police... je crois n’avoir qu’un seul gendarme. Cela étant, c’est sur le terrain que j’opère la sélection. Il est évident que, si quelqu’un ne fait pas l’affaire, bénévole ou pas, je ne le reconvoque pas.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : " Bénévole ou pas " : est-ce à dire que tout le monde n’est pas bénévole ?
M. Claude DUPONT : Si, ce sont toujours des bénévoles ; mais je veux dire que bien que l’on ne puisse pas traiter un bénévole comme quelqu’un de rétribué, je suis parfois obligé de refuser certaines personnes.
S’agissant des armes quelle que soit la profession des membres du service de protection, même pour les fonctionnaires de police, elles ne sont pas autorisées : là-dessus, il n’y a pas d’exception !
M. le Président : Vous avez décrit rapidement votre parcours dont on voit bien qu’il comporte des étapes très diverses...
M. Claude DUPONT : Le Canard enchaîné en avait parlé lorsque je suis rentré dans la maison, je ne vais donc pas le cacher !
M. le Président : Dans le service de sécurité du RPR, y a-t-il des personnes qui ont eu un peu la même histoire que la vôtre ?
M. Claude DUPONT : Oui, mais les personnes que j’ai connues à l’époque sont, aujourd’hui, installées surtout dans les Alpes-Maritimes.
M. le Président : Nous vous remercions.
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