Présidence de M. Raymond FORNI, Président,

puis de M. Yves FROMION, Vice-Président

Mme Clotilde Valter est introduit.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, Mme Clotilde Valter prête serment.

M. le Président : Madame, la Commission souhaiterait savoir quel a été votre rôle dans la gestion du dossier corse, depuis 1997, à Matignon, et peut-être au-delà de votre rôle que chacun a sans doute déjà pu cerner au travers des différentes informations qui ont circulé, à la fois dans la presse et au sein de cette commission, quel jugement vous portez sur le fonctionnement des institutions chargées de la sécurité en Corse.

C’est un sujet évidemment très vaste qui concerne, non seulement l’autorité préfectorale, mais aussi les forces de police, de gendarmerie, la justice : que pensez-vous de leur action en Corse ? Quelle appréciation portez-vous sur certaines structures particulières, je pense à la DNAT, à la 14ème section du parquet de Paris, à la galerie Saint-Eloi.

Mme Clotilde VALTER : Souhaitez-vous que je concentre mon intervention sur les points que vous avez évoqués ou que je fasse un balayage général ?

M. le Président : Je souhaite que vous insistiez surtout sur votre rôle et l’appréciation que vous portez sur les services de sécurité en général. Un balayage a déjà été présenté à plusieurs reprises et, ayant entendu le responsable de la structure au sein de laquelle vous travaillez à Matignon, M. Christnacht, nous avons déjà un aperçu général de ce qui se passe à Matignon.

Mme Clotilde VALTER : De façon générale, pour ce qui a trait à mon rôle et à celui de Matignon dans le dispositif interministériel, je préciserai, comme cela a déjà, sans doute, été rappelé devant vous, que les affaires concernant la Corse ne relèvent pas d’un ministère de façon particulière mais de l’ensemble du gouvernement et que chacun des ministres travaille les dossiers concernant la Corse dans son domaine de compétences.

Dans ce contexte, le rôle de Matignon et du cabinet du Premier ministre est d’exercer, comme pour l’ensemble des dossiers, une fonction de préparation des décisions, de suivi de leur mise en œuvre et de coordination.

Le fonctionnement du cabinet du Premier ministre sur le dossier corse obéit à la même règle puisque chacun des conseillers compétents, que ce soit en matière d’équipement, d’agriculture de transports ou autre, intervient sur les dossiers et les traite, mais, il est vrai, avec un mécanisme particulier de coordination et de synthèse qui est exercé par Alain Christnacht et moi-même qui sommes au sein du grand pôle de compétences qui couvre l’Intérieur, les collectivités locales et l’outre-mer.

Voilà donc un peu quel est le paysage général.

Pour ce qui est de la façon dont nous intervenons sur les dossiers, je dirai qu’il y a des réunions régulières dont on a dû déjà vous parler, notamment au niveau du directeur du cabinet, qui réunissait les directeurs de cabinet des ministres selon une périodicité qui était de l’ordre d’une fois tous les quinze jours en 1998, avec un rythme qui s’est quelque peu distendu depuis le début 1999 avec une périodicité d’une fois par mois, puisqu’il est fonction des nécessités et des besoins liés à la situation.

Par ailleurs, des réunions informelles, que je qualifierai de classiques, étaient organisées sur un dossier particulier, ainsi que des réunions interministérielles, là encore, sur des thèmes tels que l’agriculture, les transports, ou d’autres sujets.

Je crois qu’il est également important de voir que notre travail au cabinet du Premier ministre a été différent au fil du temps et qu’il peut se découper en phases.

Au cours des tout premiers mois, en effet, la préoccupation était de s’assurer que nous disposions des moyens de mettre en œuvre la politique d’établissement de l’Etat de droit : c’était la première préoccupation. Après que le gouvernement eut manifesté son désir de s’engager dans cette voie, il fallait s’assurer, en relation avec le préfet et l’ensemble des administrations et des ministères, que nous disposions des moyens. C’est dans ce cadre-là que nous avons engagé les actions de renouvellement de chefs de service, de renforcement de certains services de l’Etat qui avaient besoin de disposer d’effectifs ou de compétences particulières et c’est également dans cette phase que nous avons lancé toute une série d’inspections dans des domaines tels que l’équipement, l’agriculture, l’éducation nationale pour permettre aux ministres d’avoir une appréciation de la situation et une évaluation des procédures afin de pouvoir prendre les mesures qui s’avéraient nécessaires.

Dans un deuxième temps, et au fur et à mesure que, d’une part nous nous dotions de moyens sur place, et d’autre part que les rapports d’inspection étaient rendus, le travail a un peu changé de nature. Il a davantage consisté à remettre en ordre certaines procédures, notamment toutes celles qui concernent l’attribution d’aides de l’Etat ce qui est, je crois, un aspect qui a été évoqué dans le cadre d’une autre commission d’enquête, car les inspections ont montré la nécessité, pour l’Etat, de remettre en cause les procédures existantes ce qui a nécessité un travail de remise à plat. Simultanément, se posait de manière urgente une question très importante, à savoir le traitement de la dette agricole.

Dans un troisième temps, nous sommes entrés dans une nouvelle période que je ferai commencer à l’automne 1998. Après les phases de mise en œuvre des moyens et de remise à plat des procédures, il convenait de travailler sur la préparation de la stratégie de l’Etat en Corse en termes de développement économique, social et culturel avec, notamment, la préparation du contrat de plan, puis d’aborder des dossiers qui étaient des dossiers de fond pour le développement de la Corse, qu’il s’agisse, par exemple, des questions de dessertes aériennes et maritimes ou du financement de l’économie.

Telles sont les grandes priorités qui ont été les nôtres dans le temps.

Sur ce qui concerne plus particulièrement les questions liées à la sécurité, il est clair que la responsabilité du cabinet du Premier ministre n’est pas une responsabilité opérationnelle qui s’exerce sur le terrain ; c’est au ministre de l’Intérieur qu’incombe cette charge.

En l’espèce, les questions de sécurité pouvaient être traitées ou abordées à Matignon en deux types d’occasions : soit pour échange d’informations entre les directeurs de cabinet - par exemple après une phase d’attentats - soit lorsque des mesures particulières devaient être prises qui pouvaient toucher d’autres services que ceux du ministère de l’Intérieur, sachant qu’il ne faut pas oublier - et je crois qu’avec le recul c’est une dimension qui est un peu dépassée pour nous tous - que dans la première phase que j’ai décrite, soit entre le mois de février et le mois de septembre, la préoccupation de sécurité des biens et des personnes, après l’assassinat d’un préfet de la République était extrêmement pesante et constituait une préoccupation très lourde pour la plupart d’entre nous. En effet, un préfet avait été assassiné, des menaces exprimées et des précautions devaient être prises pour protéger à la fois les fonctionnaires de l’Etat présents sur l’île qui pouvaient être concernés par des dossiers extrêmement brûlants - je pense par exemple aux dossiers fiscaux et agricoles - mais aussi, au-delà des fonctionnaires et des magistrats, un certain nombre d’élus qui préoccupés par leur sécurité personnelle, s’étaient également tournés vers l’Etat.

Je crois que c’est là un élément que l’on a oublié dans la mesure où, après l’assassinat du préfet, on est progressivement entré dans une phase où les menaces, notamment sur les personnes, se sont réduites. Mais c’était un souci très pesant et très lourd, puisqu’il y avait des échanges d’informations et des mesures de précaution à transmettre à des administrations qui, traditionnellement y sont peu habituées, comme l’administration fiscale ou l’administration de l’agriculture !

Premièrement, l’échange d’informations était nécessaire et, deuxièmement, en certaines circonstances, il nous est arrivé ponctuellement de traiter ces questions lorsque le besoin s’en faisait sentir ou qu’il y avait un événement que l’on pouvait, soit anticiper, soit imaginer, qui appelait des mesures indispensables. Cela a été le cas lors de troubles à l’ordre public consécutifs à des mesures agricoles, par exemple, ou pour les journées de Corte où il y a une forte concentration de population et où des incidents étaient susceptibles de se produire. Elles ont donné lieu à une préparation interministérielle, à une coordination entre les services de l’Etat, notamment avec les ministères de la Justice, de la Défense et de l’Intérieur.

M. le Président : Madame, vous aviez l’occasion d’avoir régulièrement au téléphone le préfet Bonnet et vous le rencontriez de temps en temps, lorsqu’il était à Paris : quelle impression retirez-vous de ces contacts au fil des mois qui se sont écoulés entre son arrivée et les événements d’avril 1999 ? Avez-vous quelque chose à nous dire sur ce point ? Avez-vous observé une dégradation de son état psychologique ou une tension plus grande ? Comment avez-vous apprécié l’homme ?

Mme Clotilde VALTER : Je souligne un élément important : je ne le connaissais pas particulièrement avant d’être en contact avec lui dans ses fonctions préfectorales. Il exerçait des fonctions de sous-directeur au ministère de l’Intérieur à une époque où j’y étais moi-même, mais je n’avais jamais eu l’occasion de travailler directement avec lui sur un dossier ou sur un autre.

Puisque vous me demandez de décrire l’homme, je crois que c’était quelqu’un de très déterminé, de très volontaire mais, en même temps, lorsque vous parlez de " dégradation " et de " tension plus grande ", j’avais tout à fait à l’esprit qu’il était très préoccupé par les conditions dans lesquelles se déroulait l’enquête sur l’assassinat de Claude Erignac. Il était très préoccupé - et j’ai envie de dire plus préoccupé encore - par le maintien par le gouvernement du cap de la politique d’établissement de l’Etat de droit et je crois qu’il se demandait si, un jour ou l’autre, il n’y serait pas mis fin... Je crois que cela l’a peut-être conduit à adapter son attitude et à anticiper les choses.

J’ai, par ailleurs, également été frappée, surtout dans la période allant de l’automne 1998 au début de l’année 1999, c’est-à-dire durant cette période où il y a eu une campagne de presse importante et où toutes les questions liées à l’enquête se sont trouvées reprises dans les journaux, par le fait qu’il était extrêmement sensible et qu’il ressentait très personnellement et très profondément tout ce qui pouvait être dit ou écrit.

Enfin, il me paraît important de signaler que dans l’exercice de ses fonctions en Corse, il me semblait qu’il se sentait seul sur le terrain. Il avait compris la détermination du gouvernement, il savait qu’il avait des interlocuteurs dans les ministères pour faire avancer ses dossiers mais il est vrai qu’il se plaignait du fait que cette politique soit peu ou mal relayée, et qu’il bénéficie de peu ou d’insuffisamment d’appuis sur le terrain, ce qui le conduisait d’ailleurs parfois à adopter des positions qui étaient plus celles d’un homme politique que d’un fonctionnaire de la République. C’est une appréciation un peu personnelle mais c’est une chose que je lui avais dite et qui, me semble-t-il, était assez claire, notamment dans ses relations avec les nationalistes.

M. le Président : Vous a-t-il parlé, madame, de " l’enquête " - on a parlé d’enquête parallèle mais ce n’est pas vraiment le terme approprié - ou des informations qu’il détenait sur les assassins du préfet Erignac puisque tout cela se situe à l’automne 1998, sans doute au mois de novembre, c’est-à-dire au moment où il transmet ses informations à M. Dintilhac ? A-t-il évoqué cette question avec vous ?

Mme Clotilde VALTER : Tout à fait ! Il a évoqué cette question avec moi, Alain Christnacht et Olivier Schrameck, fin octobre, le 30 octobre je crois, pour nous dire qu’il avait un informateur qui était venu le voir et lui avait donné des informations concernant cette enquête. C’est à cette occasion qu’il nous a demandé ce qu’il devait faire des informations qu’il détenait. C’est alors qu’il lui a été répondu que son interlocuteur était le procureur de la République et, en l’espèce, s’agissant de l’enquête portant sur l’assassinat du préfet, M. Dintilhac.

Au moment où il a remis au Premier ministre, début février, une note qui est parue dans la presse où, justement, il s’explique sur ce que peut vouloir dire " double enquête " et ce qui, selon lui s’est passé, correspond à une phase où, effectivement, cet élément donnait lieu à débats dans la presse, où il avait été demandé au ministère de l’Intérieur d’une part, au ministère de la Défense d’autre part, et au préfet enfin de s’expliquer auprès des cabinets des ministres et du cabinet du Premier ministre, sur ce qui pouvait s’être passé. A cette occasion, il a rédigé une note qui a été publiée dans la presse dans laquelle il fait apparaître - c’est pourquoi je la mentionne - qu’il avait fait part de l’existence de cet informateur à M. Marion, dès juillet 1998, mais à ce moment-là, à notre niveau, nous n’en étions pas informés.

M. le Rapporteur : J’aimerais obtenir une précision sur ce point : étiez-vous informée du fait que M. Bonnet avait pris un rendez-vous avec M. Bruguière, lorsqu’il vous a parlé de son informateur ?

Mme Clotilde VALTER : Le 30 octobre, il a demandé ce qu’il faisait des éléments qu’il avait obtenus de son informateur. A ce moment-là, je lui ai répondu spontanément qu’étant donné l’importance de la question et du sujet, je savais qu’il pouvait y avoir des réactions de certains services, que je souhaitais en parler avec le conseiller pour la justice du Premier ministre, qu’en tout état de cause ce serait Olivier Schrameck qui arrêterait la position à prendre et que, par conséquent, je la lui confirmerais dans un second temps.

Je lui ai effectivement confirmé cette position le lendemain, je crois, ou dans les jours qui ont immédiatement suivi. A ce moment-là, il ne m’a pas parlé de contacts avec Jean-Louis Bruguière. Quand il m’a demandé ce qu’il devait faire de ses informations, il a bien émis des hypothèses en disant qu’il y avait les services de police, le magistrat et le procureur : je lui ai répondu qu’il existait un article 40 dans le code de procédure pénale et que l’interlocuteur d’un préfet, en tout état de cause, était le procureur de la République.

C’est dans les jours qui ont suivi, vers le 12 novembre qu’il m’a dit qu’il avait rendez-vous avec M. Dintilhac, le 16 novembre, à dix-sept heures, et le 14 novembre, qui était un samedi, quand je l’ai eu au téléphone, il m’a confirmé qu’il venait à Paris voir M. Dintilhac. C’est alors qu’il m’a dit : " Bien entendu, j’ai annulé le rendez-vous avec M. Bruguière... ". C’est à ce moment-là que j’ai " découvert " l’existence de ce rendez-vous que j’ignorais et dont il ne m’avait pas parlé jusque là.

Donc, il n’y a pas eu annulation sur instruction quelconque comme cela a pu être dit par ailleurs !

M. Renaud DONNEDIEU de VABRES : Au-delà du besoin de coordination interministérielle que Matignon assure traditionnellement, pensez-vous que la prise directe qui s’était établie, et qui peut être une nécessité en fonction de l’actualité comme d’ailleurs de problèmes conjoncturels liés à l’état de santé de M. Chevènement, a généré des dysfonctionnements ? Autrement dit, pensez-vous que cette prise directe a pu faire que l’échelon local se soit senti investi d’un pouvoir trop important ?

Quand le Premier ministre, à l’occasion de son déplacement a dit qu’au fond, pendant cette période, la politique de l’Etat en Corse ne correspondait pas à ses attentes, d’après vous que voulait-il signifier ?

A quelle volonté attribuer le fait que le ministre de l’Intérieur, récemment, n’a pas accompagné le Premier ministre dans son déplacement officiel en Corse, au-delà de l’apparence des choses qui peut être de montrer très clairement que c’est le Premier ministre qui est en charge de l’ensemble du dossier de la Corse ? Les propos ultérieurs de M. Chevènement, à savoir la comparaison entre la Corse et les Balkans, étaient-ils redoutés par Matignon ?

Concernant les membres du cabinet du Premier ministre, se sont-ils sentis, semaine après semaine ou mois après mois, suffisamment informés sur la perception exacte au sein de la population corse de la politique menée par le gouvernement et par son représentant local. De ce point de vue, est-ce que M. Zuccarelli jouait un rôle spécifique ? En tant que membre du gouvernement et qu’élu corse était-il amené à alerter le Premier ministre sur des dysfonctionnements ou des dérapages qu’il pouvait considérer comme majeurs ?

En fonction de ce que vous avez dit quant à la fragilité, qui peut d’ailleurs être compréhensible, liée à la fatigue dans l’exercice de ses fonctions du préfet Bonnet, vous êtes-vous dit, à un moment ou à un autre, à partir d’un certain nombre d’informations, qu’au fond il faudrait, d’ailleurs pour le ménager, le faire revenir de Corse en vue d’éviter un certain nombre de dérapages ?

Enfin, sur l’unité de la République, pour la rendre compatible et intelligible, quelle est la nature des instructions que vous pensez donner ou souhaitez voir donner dans les relations avec les élus nationalistes ?

M. le Président : Cher collègue, vous avez posé beaucoup de questions mais certaines d’entre elles, excusez-moi, surestiment, même si Mme Valter occupe une place très importante à Matignon, ses fonctions. Ce sont des questions de nature politique qu’il aurait fallu poser au ministre de l’Intérieur ou au ministre compétent dans la mesure où je ne suis pas sûr que Mme Valter qui est conseillère technique puisse vraiment répondre sur tous les points, notamment concernant le déplacement de M. Jospin en Corse et l’absence de M. Chevènement...

M. Jean MICHEL : Vous avez deux heures par semaine, le mardi et le mercredi, pour interroger le ministre...

M. Renaud DONNEDIEU de VABRES : Je pense que Mme Valter occupe une fonction éminente au cabinet du Premier ministre et qu’elle peut donner son point de vue puisque, par définition, elle participe à l’élaboration de la politique et des décisions du Premier ministre. Je comprends parfaitement qu’à certaines questions peut-être, elle ne veuille pas répondre, même si elle a son point de vue puisque son rôle est, par définition, de donner des conseils, mais ces questions ne sont pas sacrilèges...

Mme Clotilde VALTER : Je vous propose de répondre successivement aux différentes questions et d’aviser au fur et à mesure...

Pour ce qui est de la prise directe avec Matignon, on a donné un coup de projecteur sur cette situation dont je ne pense pas, si l’on prend un recul de dix ou vingt ans ou même si l’on remonte aux périodes précédentes, qu’elle était exceptionnelle par rapport au fonctionnement de l’Etat et au traitement du dossier corse.

De toute façon, le dossier corse a été traité ainsi à Matignon dans des périodes antérieures et il n’y a pas eu, là, d’exceptions particulières.

Il est quand même un point que je souhaiterais rappeler, qui est un point institutionnel, à savoir que le préfet est placé sous l’autorité du Premier ministre et de chacun des ministres. Donc le Premier ministre, et par conséquent ses collaborateurs, ont vocation à s’adresser à un préfet de la même façon, et je dirai même avant, que chacun des ministres ne le fasse. Je crois que c’est dans ce cadre-là que des relations s’étaient établies avec Bernard Bonnet.

En tout état de cause, à partir du moment où d’une part, la fonction de coordination est exercée à Matignon, et où, d’autre part, le préfet a lui-même une fonction de coordination des services de l’Etat, il n’est pas choquant que des contacts directs s’établissent, sachant, encore une fois, qu’ils présentent un aspect d’information du gouvernement.

Il est clair que, pour avoir un avis sur un sujet qui ne concerne pas le ministère de l’Intérieur mais qui peut avoir trait à l’agriculture ou à l’équipement, avant toute prise de décision, ou avant une réunion interministérielle, il n’est pas absurde, à mon sens, de recueillir l’avis du préfet qui a sa perception, qui a une perception politique locale et qui est l’interlocuteur à même de compléter la perception que peuvent avoir les services techniques de l’Etat sur place.

Personnellement, je considère à la fois que le rôle de Matignon n’a pas été exceptionnel par rapport au passé sur le dossier corse, qu’il correspond au fonctionnement normal de l’Etat et que les modalités et la nature des interventions s’inscrivaient pleinement dans un cadre global de politique générale du gouvernement : on n’entrait pas dans des dossiers individuels si cette question se profilait derrière la vôtre !

M. Renaud DONNEDIEU de VABRES : Sur les autres points, vous considérez qu’il ne vous appartient pas de répondre ?

Mme Clotilde VALTER : Sur les autres points, je considère que le Premier ministre a dit ce qu’il avait à dire sur la méthode : on ne va pas interpréter sa pensée...

M. Renaud DONNEDIEU de VABRES : Cela traduit des dysfonctionnements ? Comme nous allons faire des propositions sur une amélioration du fonctionnement des services de sécurité, il nous intéresse de savoir si vous avez en tête - et c’est normal car les choses évoluent - des constats de dysfonctionnements auxquels le Premier ministre aurait fait référence...

Mme Clotilde VALTER : Je vous rassure tout de suite, ce n’est pas institutionnel et cela ne porte pas sur le même champ mais sur un fonctionnement individuel, j’ai envie de dire humain, un comportement personnel : je crois que c’est ce que le Premier ministre a voulu dire !

Pour ce qui est de la visite du Premier ministre - puisque vous avez l’air d’y tenir - je pense que si l’on avait voulu traiter la question autrement, il aurait fallu que le Premier ministre emmène en Corse le ministre de l’Intérieur, la ministre de la Justice, la ministre de l’Environnement, le ministre des Transports, le ministre de l’Emploi et de la Solidarité...

M. le Président : ... le gouvernement dans son ensemble...

Mme Clotilde VALTER : C’est cela à l’exception peut-être du ministre des Affaires étrangères et des Affaires européennes encore que ce dernier aurait dû être du voyage...

Chacun avait donc vocation à accompagner le Premier ministre et je crois que chacun pouvait trouver des justifications à ce déplacement...

M. le Président : Il aurait même pu demander à ce que le Président de la République l’accompagne et à ce que le Conseil des ministres se transporte sur place...

Mme Clotilde VALTER : Il n’y a pas de responsabilité particulière du ministre de l’Intérieur sur la Corse : nous l’avons rappelé tout à l’heure ! L’intervention du ministre de l’Intérieur sur la Corse porte sur son domaine de compétences donc sur un volet de la politique du gouvernement qui est la politique de sécurité...

M. Christian PAUL : J’aurai deux questions dont l’une à caractère général et l’autre un peu plus particulière.

Quel bilan faites-vous, après deux ans, de l’action qui a été menée en faveur de l’application renforcée de la loi républicaine en Corse ? Je souhaiterais que vous nous répondiez sur les principaux points et sur les principaux résultats " engrangés ", si je puis dire, dans un champ un peu plus large que celui de la sécurité.

Ma seconde question porte davantage sur les relations entre le cabinet du Premier ministre et M. Bernard Bonnet. Lorsqu’il a été entendu par cette Commission, l’ancien préfet de Corse a déclaré de la façon la plus claire qu’à aucun moment le soutien du cabinet du Premier ministre ne lui avait fait défaut pour l’application de la politique voulue par le gouvernement en Corse. Dans ce cadre, comment interprétez-vous ou expliquez-vous les mises en cause, parfois un peu confuses, auxquelles le préfet Bonnet s’est livré depuis quelques semaines ? Faut-il les mettre sur le compte d’un système de défense qui lui aurait été proposé ou d’un désarroi, que l’on peut comprendre, de sa part ?

M. Yves Fromion remplace M. Raymond Forni au fauteuil de la présidence.

Mme Clotilde VALTER : Je crains qu’il ne soit un peu long de répondre sur le bilan et je vais juste évoquer les items. Je crois qu’au-delà des aspects sécurité, ainsi que nous l’avons évoqué tout à l’heure, il y a une action qui a été menée en termes de rétablissement de la loi fiscale qui, même si ses résultats ne sont pas encore perceptibles et concrets, a permis d’enclencher une certaine dynamique, suite aux contrôles fiscaux et aux procédures qui en ont découlé.

Dans le domaine du contrôle de légalité, l’action de l’Etat a également donné des résultats significatifs.

Par ailleurs, un des aspects qui me paraît important, que j’ai évoqué précédemment et qui change la donne, c’est que les rapports d’inspection avaient beaucoup insisté sur les mécanismes d’allocation d’aides ou de financements publics en Corse. Or, dans ce domaine, tant en ce qui concerne les aides à l’agriculture qu’un certain nombre d’autres aides publiques, la remise à plat des procédures a permis d’en instaurer de nouvelles qui sont plus satisfaisantes.

J’ai un peu de mal car je crains d’être trop longue sur ce point mais peut-être avez-vous des questions plus précises...

M. Christian PAUL : Quel est le bilan sur les questions de sécurité ?

Mme Clotilde VALTER : Je crois que le ministre de l’Intérieur vous en a parlé de façon assez détaillée... Pouvez-vous préciser la question ?

M. Christian PAUL : Notre commission d’enquête porte sur le fonctionnement des forces de sécurité en Corse. Elle se concentre, et c’est peut-être un peu normal, sur quelques-unes des principales affaires qui ont défrayé la chronique au cours des dernières années, que ce soit l’enquête sur l’assassinat du préfet Erignac, ou d’autres affaires plus anciennes. Or, je crois que pour apprécier complètement la situation et le fonctionnement des forces de sécurité en Corse, il nous faut quand même avoir à l’esprit l’ensemble des missions remplies et des résultats obtenus, notamment dans le domaine de la sécurité.

Si j’ai souhaité une approche plus large, c’est qu’un certain nombre de sujets

 et je pense notamment à l’application de la loi fiscale - sans être directement des questions de sécurité sont, néanmoins, souvent très connexes.

Voilà quel était plus précisément le sens de ma question de façon à ce que notre Commission, encore une fois, ne soit pas en permanence polarisée sur quelques affaires qui sont des cas d’école extrêmement intéressants et riches d’enseignements, mais qui nous font aussi, parfois, un peu perdre de vue l’ampleur des résultats qui ont été obtenus et la détermination qui a été mise en œuvre...

Mme Clotilde VALTER : Je crois que l’on pourra vous communiquer tous les éléments que vous pourrez désirer en termes d’évolution statistique, concernant la sécurité, par exemple, qui représente effectivement un champ - et je crois que Jean-Pierre Chevènement vous en a parlé - où les résultats ont été très significatifs.

Sur le plan du rétablissement de la loi fiscale en Corse, là encore, il y a eu toute une série d’actions qui ont été engagées, depuis septembre 1997, suite à un rapport de l’inspection des finances. Ces actions de contrôle fiscal sont, comme vous le savez, assez longues puisqu’elles comportent des procédures contradictoires. Néanmoins, d’une part, elles ont déjà permis d’obtenir quelques résultats, certaines affaires ayant été transmises à la justice, d’autre part, sans connaître les données par cœur, ni pouvoir vous les transmettre exactement, je peux dire, en termes de résultats et de taux de recouvrement, que tous les indicateurs de recouvrement pour les impôts, dont la TVA notamment, prouvent que les versements, y compris spontanés, se sont nettement améliorés depuis le début de l’année dernière.

Pour ce qui est de la relation entre le cabinet du Premier ministre et Bernard Bonnet, du soutien qui a été celui du gouvernement et de la façon dont on explique les mises en cause, j’ai plutôt l’impression qu’il s’agit d’un système de défense dans la mesure où, pour citer un point particulier, il fait état dans la presse - je crois que vous faisiez référence très récemment à l’article de L’Express - d’événements dont il ne nous a jamais parlé : je pense plus particulièrement à l’incendie de la première paillote qui n’a jamais été évoqué mais qui est mentionné dans l’article.

M. le Président : Pourriez-vous, madame, être précise sur cette affaire des paillotes : quand et comment en avez-vous été informée ?

Mme Clotilde VALTER : Ce qu’il faut bien voir - et cela va permettre d’illustrer la question précédente de M. Donnedieu de Vabres - c’est que l’application de la loi sur le domaine public maritime était une préoccupation du gouvernement : c’est une question qui, dans la définition d’objectifs généraux, relève bien du gouvernement, des cabinets, et d’objectifs qui sont définis à Matignon.

Pour ce qui est, en revanche, de la mise en œuvre de ces actions, elle s’effectue, concrètement, sur le terrain, sous la responsabilité du préfet, en relation avec les services de l’Etat, en l’espèce les services de l’équipement, ces derniers étant en relation étroite avec leur administration parisienne sur certains points.

L’information que nous avions, c’était que le préfet Bonnet avait donné un accent particulier à cette politique d’établissement de l’Etat de droit concernant le domaine public maritime. Une opération avait été réalisée l’année dernière, au mois de mai, en Haute-Corse, à Alba serena. A la suite de cela, il avait, avec le directeur régional de l’équipement, fait procéder, à partir de septembre 1998, à un recensement des occupations illégales du domaine public maritime et défini, encore une fois au plan local, un programme d’exécution des décisions de justice. Ce programme, il a commencé à l’exécuter au début de l’année 1999 et une vingtaine d’opérations ont été effectuées entre le mois de février et le mois de mars 1999.

Nous savions que ce programme était en cours d’exécution, mais nous n’étions pas, pour répondre à votre question, à notre niveau, et au mien en particulier, informés du détail opération par opération : nous savions qu’il y avait une politique générale, qu’il y avait un programme, mais ce programme était exécuté et décidé localement sur la base de critères objectifs.

M. le Président : Le préfet Bonnet vous avait-il informée des difficultés qui sont apparues très ponctuellement sur la paillote Chez Francis, c’est-à-dire de l’impossibilité d’exécution, des réticences, des réactions de tel ou tel, parce qu’il nous a dit qu’il vous avait au téléphone une à deux fois par jour...

Mme Clotilde VALTER : Non, non !...

M. le Président : Compte tenu de l’acuité du problème, - vous-même disiez qu’il vivait de façon très forte, avec une très grande tension cette mission qui lui avait été confiée de retour à l’Etat de droit - il est certain et avéré, cela a d’ailleurs été dit par de nombreux témoins, qu’il a ressenti de façon très vive le refus de destruction qui était pour lui une espèce d’outrage fait à la politique gouvernementale. Il ne vous a rien dit là-dessus ?

Mme Clotilde VALTER : Je vais vous répondre de façon précise. Pour nous, en février-mars, le programme d’exécution de décisions de justice était en cours. L’alerte qui m’a été donnée par le préfet Bonnet est intervenue le 9 avril lorsque, ce jour-là, il a rencontré des difficultés pour procéder à l’exécution de décisions de justice portant sur deux paillotes. C’est ce jour-là que l’assemblée de Corse a voté une résolution pour demander un report, c’est ce jour-là que ses collaborateurs ont reçu quarante et un élus de l’Assemblée de Corse et c’est ce jour-là qu’il a établi ce que j’appelle " le compromis ", c’est-à-dire que c’est ce jour-là que, sur le terrain, en fonction de ce qu’il pouvait apprécier de la situation locale, il a proposé un engagement écrit des propriétaires de détruire leur paillote pour le 30 octobre, avec une " garantie " des élus de l’Assemblée de Corse.

Donc, ce jour-là, le préfet Bonnet, à titre de compte rendu, une fois la journée passée, m’a informée de la situation en ces termes, c’est-à-dire des événements de la matinée, du rendez-vous avec les élus l’après-midi, du compromis qu’il avait défini et proposé et du fait que la prochaine échéance était le 30 octobre.

Vous posiez la question de son état d’esprit ce jour-là. Je dirai qu’il était effectivement un peu, non pas inquiet, mais préoccupé du " recul " - je crois que c’est le terme qu’il a employé - que cela pouvait faire apparaître mais qu’il m’a dit les jours suivants, quand il a récupéré les neuf engagements des propriétaires, qu’avec lesdits engagements qui lui étaient bien parvenus dans les délais et la garantie des élus, il avait finalement l’impression de se trouver dans une meilleure posture pour pouvoir exécuter ces décisions de justice, et qu’il voyait arriver le 30 octobre dans de meilleures conditions puisque, jusqu’au 9, cette politique était contestée par les élus et pouvait l’être, comme on l’a vu, par les propriétaires. Donc, dans les jours qui ont suivi, il trouvait que son compromis était très bon.

M. le Président : Il ne vous a jamais reparlé, ensuite, de paillotes et donc, au fond, la suite apparaît totalement inexplicable ?

Mme Clotilde VALTER : Exactement ! La dernière fois qu’il en a parlé, c’est lorsque qu’il a récupéré la totalité des engagements, ce qui devait être le 12 ou le 13 avril, donc quelques jours après, et, ensuite, nous n’avions plus, effectivement, à reparler du sujet, dans notre esprit, dans le mien en particulier, avant le 30 octobre. Le sujet n’a été réabordé avec lui que le 23, c’est-à-dire après que nous ayons été informés, nous, par le directeur de cabinet du ministre de la Défense.

M. Bernard DEFLESSELLES : Madame, j’aimerais que l’on continue, si vous le voulez bien, à redéfinir les relations que vous aviez avec le préfet Bonnet. Il y a deux jours, le préfet Christnacht, lors de son audition, nous a expliqué assez longuement comment fonctionnait Matignon dans le processus de décision sur les affaires corses. Il nous a parlé de ses relations avec le préfet Bonnet, de la fréquence de ses relations avec lui. Il nous a également parlé de la fréquence de ses relations avec vous-même, c’est-à-dire du debriefing logique, normal, sur toutes les affaires autres que corses mais aussi corses, qui était, semble-t-il, journalier...

Mme Clotilde VALTER : Oui et même en temps réel...

M. Bernard DEFLESSELLES : Ce que j’aimerais que vous nous précisiez, c’est la fréquence de vos relations avec le préfet Bonnet : ce dernier, lors de son audition, nous a parlé de relations quotidiennes et à certains égards biquotidiennes. Le préfet Christnacht nous a dit, il y a deux jours, que le préfet Bonnet était, semble-t-il, un préfet qui téléphonait beaucoup.

Toutes ces questions nous troublent un peu et j’aimerais donc que vous essayiez de nous préciser la fréquence de vos relations et la façon dont vous échangiez avec le préfet Bonnet parce que cela a duré plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et la façon dont vous interprétez son attitude.

Lorsqu’il a été auditionné et cette audition a été très longue, il a déclaré qu’au début il avait le soutien complet du gouvernement, mais que sur la fin, les choses ont été un peu plus difficiles. Il a parlé de vos relations en disant qu’elles étaient courtoises et même fondées sur la confiance ; il nous a expliqué, non sans un zeste d’humour, qu’il semblait aujourd’hui que certains avaient perdu la mémoire et que parfois il avait l’impression d’avoir été lâché.

J’aimerais donc simplement connaître votre sentiment sur ces déclarations et sur les raisons pour lesquelles il fait en sorte que des déclarations soient distillées, soit à la presse, soit à la justice, différemment selon les auditions ou les lieux où il se trouve.

Mme Clotilde VALTER : S’agissant des contacts avec Bernard Bonnet, moi j’ai repris les choses de façon très simple. Au fil du temps, je n’avais pas, bien évidemment, l’idée de comptabiliser les choses, mais comme je prends des notes, j’ai donc les moyens de reconstituer ce que j’ai fait ! Pour vous répondre, il est clair que la fréquence de mes contacts avec Bernard Bonnet, sur l’ensemble de la période, c’est-à-dire à partir de sa nomination jusqu’au 3 mai, a été, en moyenne, de l’ordre de deux à trois fois par semaine.

Sur quelle base est-ce que je vous donne cette réponse ? Sur la base des notes que j’ai prises, sachant qu’à chaque contact j’avais une liste, soit des points à évoquer avec lui, soit des questions, touchant à l’agriculture ou à d’autres domaines, que lui-même soulevait et que je devais aborder avec mes collègues du cabinet.

Je répète que c’est une moyenne sur la période ce qui signifie qu’il y avait des semaines où je ne l’avais pas au téléphone, d’autres où je l’avais deux ou trois fois et d’autres encore où je pouvais l’avoir éventuellement plus : effectivement, je ne vais pas vous dire qu’il n’y a pas eu des occasions où certains événements justifiaient que je l’aie deux fois au cours de la même journée... Quoi qu’il en soit et en tout état de cause, je ne l’ai pas eu deux fois par jour sur l’ensemble de la période : c’est une version qui se situe à l’opposé de ce qui s’est passé...

Pour situer un type d’événement qui pouvait justifier plusieurs coups de fil, je citerai le 23 avril, jour où le colonel Mazères a été convoqué à Paris : j’ai effectivement eu un appel du préfet Bonnet pour me le dire et s’en étonner, puis il a dû, d’après mes souvenirs, rappeler dans la soirée pour me prévenir qu’il m’adressait un rapport que lui avait demandé le directeur de cabinet de Jean-Pierre Chevènement mais, dans ce cas, la communication a duré trente secondes.

En tout état de cause, nos échanges téléphoniques n’ont pas été biquotidiens sur l’ensemble de la période : sur ce point, je suis formelle et j’ai fait les vérifications nécessaires !

M. Jean MICHEL : Il n’a pas dit que c’était biquotidien sur l’ensemble de la période.

M. Bernard DEFLESSELLES : Il a dit tous les jours et parfois deux fois par jour mais deux à trois fois par semaine, c’est déjà un ordre de grandeur.

Mme Clotilde VALTER : Pour être complète sur le sujet, encore une fois, je ne pense pas que, par rapport à toutes les personnes qui ont pu exercer les fonctions que j’exerce, soit à Matignon, soit dans d’autres cabinets ministériels, ce soit extraordinaire ou exceptionnel : je ne le pense pas !

En tout état de cause, le processus de travail supposait de lui-même des contacts dans la mesure où, lorsqu’est organisée une réunion de directeurs de cabinet tous les quinze jours, on a un contact avec le préfet pour la préparer, un contact avec le préfet a posteriori pour lui demander des informations... En outre, il suffisait qu’il y ait deux à trois réunions interministérielles ou un point d’actualité qui soulève question pour que je prenne l’initiative de l’appeler...

Par ailleurs, il faisait de même de son côté...

Pour ce qui est de la façon dont le préfet Bonnet présente maintenant les choses, je crois qu’elle lui appartient. Pour ma part, je m’appuie sur des éléments objectifs, sur les éléments que j’ai moi-même à ma disposition sur ma façon de travailler. Je crois que sa présentation des choses nous renvoie au sentiment d’isolement que nous avons précédemment évoqué : peut-être cristallisait-il sur ces contacts plus qu’il n’était raisonnable...

M. Georges LEMOINE : Madame, je voudrais revenir sur des points précis.

Le préfet Bonnet vous avait-il consultée lorsqu’il a choisi le lieutenant-colonel Cavallier comme chef d’état-major et vous a-t-il fait part de la dégradation du climat qui régnait au sein de la préfecture en raison de sa présence ? Vous avait-il dit qu’il entendait s’appuyer davantage, à un moment donné, sur le colonel Mazères que sur le lieutenant-colonel Cavallier ou avait-il même demandé que ce dernier soit rappelé dans l’hexagone ?

Mme Clotilde VALTER : Lorsque Bernard Bonnet est arrivé - je crois que l’on a dû vous le dire et cela fonctionnait notamment pour les membres du corps préfectoral - il est vrai qu’il a été consulté : ses avis et éventuellement ses suggestions ont été sollicités sur ses collaborateurs avec l’idée qu’il était nécessaire de constituer une équipe qui puisse fonctionner en Corse autour de lui.

Pour ce qui concerne plus particulièrement M. Cavallier, il ne nous a pas fait état directement de cette nomination comme une demande qu’il comptait soumettre au ministère de la Défense et nous ne sommes pas intervenus directement. Je ne connais pas M. Cavallier, je ne le connaissais pas plus à l’époque. Nous ne sommes pas intervenus sachant qu’il y avait à la fois une difficulté - de façon générale, il n’est jamais facile de trouver des candidats pour exercer des fonctions en Corse mais c’était encore plus difficile dans cette période qui suivait l’assassinat du préfet Erignac - et qu’il avait été reconnu à Bernard Bonnet une faculté d’initiative ou d’avis sur le choix de ses collaborateurs. Nous n’avons donc pas émis d’avis, ni positif, ni négatif, ne connaissant pas les fonctionnaires de ce niveau.

M. Georges LEMOINE : Pardonnez-moi mais, dans le cadre des relations interministérielles, êtes-vous intervenus auprès du ministère de la Défense pour faciliter le détachement de ce lieutenant-colonel ?

Mme Clotilde VALTER : Non, pour autant que je m’en souvienne, non ! Je crois qu’il a vu cela directement avec le cabinet d’Alain Richard et que M. Cavallier a dû faire la procédure de son côté. Nous ne sommes pas intervenus : je ne m’en souviens absolument pas. Je me souviens simplement qu’il avait mentionné vouloir faire venir auprès de lui M. Cavallier qu’il avait rencontré dans les Pyrénées-Orientales. Mais nous n’avions pas les éléments et n’étions pas en mesure d’intervenir de ce point de vue.

Si le ministère de la Défense avait soulevé une objection et que ce soit devenu un sujet de discussion, peut-être l’aurions-nous fait, mais, en l’espèce, tel n’a pas été le cas !

Il est clair que le contexte dans lequel M. Cavallier est arrivé était celui de la présence, depuis près de deux ans, d’un colonel de légion de gendarmerie. Le changement est intervenu le premier juillet avec l’arrivée de M. Mazères. Là encore, à ce stade, rien n’est remonté chez nous.

Je me souviens qu’au mois d’avril de cette année, Bernard Bonnet a évoqué le retour de M. Cavallier à Paris sur un poste à la direction centrale de la gendarmerie, invoquant, d’une part le fait que la présence de M. Cavallier était moins nécessaire pour lui qu’à son arrivée quand il avait effectivement besoin de collaborateurs de confiance - ayant trouvé avec M. Mazères un interlocuteur cela ne se justifiait plus - d’autre part, le souhait de M. Cavallier de progresser dans son grade et dans sa carrière.

M. le Président : Il a donc fait part à Matignon de cet élément touchant à la carrière de M. Cavallier ?

Mme Clotilde VALTER : Oui, tout à fait !

M. le Président : Et vous n’avez donné aucune suite ?

Mme Clotilde VALTER : Encore une fois, d’abord, je ne connais pas M. Cavallier et je ne suis pas à même de porter une appréciation sur son travail, ensuite, c’était un élément d’information, une donnée et je n’avais pas à me prononcer sur les mouvements de personnels touchant en l’espèce M. Cavallier, tout cela étant réglé par les circuits classiques, normaux et avec le ministère de la Défense.

M. le Président : Je voudrais vous poser une question qui est un peu liée à la précédente : dans quel but le préfet Bonnet avait-il demandé à disposer de pouvoirs spéciaux, ce qui a fait l’objet du décret du 3 juin 1998 ? Avez-vous entendu parler de cette demande et si oui, vous paraissait-elle justifiée ?

Mme Clotilde VALTER : Oui, c’est une demande qu’il avait faite, d’après mon souvenir, à M. Queyranne, à l’automne 1998. La réponse de M. Queyranne n’avait pas soulevé de réactions particulières de notre part et donc la réponse du ministre de l’Intérieur par intérim avait, à ce stade, été définitive.

M. le Président : Quel intérêt pouvait présenter cette procédure ?

M. le Rapporteur : Je crois qu’il convient de rappeler ce dont il s’agit : j’ai cru comprendre que M. Bonnet avait demandé effectivement à pouvoir bénéficier de l’autorité sur la police, y compris en Haute-Corse, dans des situations très particulières, des situations d’urgence, si j’ai bien compris...

Je complète donc la question : il semblerait, d’après ce que nous a dit M. Lemaire, que M. Bonnet ait invoqué cette possibilité dans une situation qui, semble-t-il, n’était pas une situation d’urgence. C’est bien cela ?

Mme Clotilde VALTER : Oui, c’est cela. C’était l’appréciation que portait le ministre de l’Intérieur. Il s’agit d’un dispositif qui est particulier à la Corse, en l’espèce, mais qui peut exister aussi pour ce qui a trait aux compétences du préfet de police de Paris, qui a des compétences particulières sur les départements de la petite couronne. En l’occurrence, la demande de M. Bonnet est intervenue dans un contexte qui, selon Jean-Jack Queyranne, ne la justifiait pas et donc il n’y a pas été donné suite.

M. Renaud DONNEDIEU de VABRES : En complément de ce que vient de dire Georges Lemoine, il y avait donc une situation très violente dans le fonctionnement des services de l’Etat, entre eux, en Corse : le conflit qui opposait par exemple M. Mazères et M. Cavallier était visiblement d’une extrême gravité. J’en reviens donc à ma question de tout à l’heure : vous sentiez-vous sous-informée et, si oui, quelles seraient les recommandations ou le système que vous préconiseriez pour améliorer l’information ?

En d’autres termes, comment faire pour que des dysfonctionnements aussi importants - les conflits atteignaient une violence gravissime : vous ne mesurez pas ce que nous avons entendu, ici, en commission - ne se reproduisent plus ?

Comment, dans une situation opérationnelle que vous teniez en bride serrée, ce qui est normal quand on considère qu’un préfet de région a été assassiné, vous parvenaient les informations ? Rétrospectivement, jugez-vous que vous avez été sous-informée ? Ne vous étonnez-vous pas qu’un certain nombre de gens, à la limite, des élus politiquement proches de vous, ne vous aient pas saisie d’un certain nombre de ces dysfonctionnements ?

Mme Clotilde VALTER : Effectivement, sur ce point, force est de reconnaître la problématique que vous posez.

Sur le point précis des relations internes au sein de la gendarmerie, nous n’en étions pas informés aussi précisément sans doute que vous l’êtes maintenant. Il est clair que, là aussi, il y a un partage des rôles entre le ministère de la Défense et Matignon et que tout ne remonte pas dans le détail, qu’il s’agisse des personnalités, des rôles des uns et des autres, de chacun des dossiers. Nous sommes à un niveau de synthèse et je pense que le directeur général de la gendarmerie disposait de plus d’éléments que nous sur cet aspect des choses mais qu’ils n’avaient pas forcément, non plus, à être évoqués à Matignon, chaque ministre exerçant, encore une fois, ses responsabilités dans son secteur.

Les informations que nous avions provenaient de trois sources : premièrement, les ministres et leurs collaborateurs, deuxièmement, le préfet puisqu’effectivement, il y avait des contacts directs avec le préfet et pas avec d’autres responsables de services de l’Etat - le préfet étant le représentant de l’Etat, nous n’avions naturellement pas de contacts directement avec les chefs de service, ces derniers en ayant avec leurs interlocuteurs des administrations respectives - et troisièmement, les élus.

Dans les informations concernant la Corse qui nous sont remontées, nous sommes obligés de reconnaître que les éléments d’information apparaissent maintenant mais n’étaient pas évoqués dans le passé. Je vais prendre un exemple qui, à mon avis, est très parlant, celui des Pyrénées-Orientales : on entend beaucoup de choses sur ce qui, paraît-il, se passait dans les Pyrénées-Orientales... Il y a pas mal de remontées mais elles sont récentes et je ne pense pas que le ministère de l’Intérieur ou d’autres services de l’Etat étaient informés de certaines affaires qui remontent - ou qui sont exploitées maintenant, je ne sais pas exactement ce qu’il faut dire...

Sur la question de savoir si nous sommes bien outillés, j’aurai tendance à répondre par la négative puisque les choses se sont passées sans que nous le sachions. Quand même, je crois que ce qui rendait l’appréciation difficile, concernant la Corse, c’était aussi le fait que cette politique d’Etat de droit, la politique du gouvernement, était une politique qui était critiquée, remise en cause, notamment par un certain nombre de personnes touchées par sa mise en œuvre, d’où une difficulté de trier et d’apprécier ce qui remontait.

En même temps, ce sur quoi nous n’étions pas informés, ce sont les événements concrets qui se sont déroulés dans le cadre de la politique concernant le domaine public maritime. J’ai envie de dire que c’est sur des cas concrets et sur des traitements de situations individuelles que nous avons manqué d’informations. Je ne pense pas, à l’inverse, qu’il faille entrer, de façon très particulière et aussi précise dans le traitement des affaires au plan local. Pour être plus claire, je ne pense pas que le gouvernement, que Matignon, que les cabinets ministériels et que les administrations centrales devaient disposer de la liste des décisions de justice qui seraient exécutées en application de la loi : nous n’avions pas, non plus, à entrer dans ce détail !

La question que vous soulevez est celle du système d’alerte. On peut bien sûr se poser des questions, et on se les pose, sur les mécanismes d’évaluation, d’inspection - je crois d’ailleurs qu’en la matière il y a des choses qui pourront être faites. Mais ce qui, moi, m’a le plus frappée, et qui, en même temps, a le plus tranché avec mon expérience administrative antérieure, c’est de voir des fonctionnaires, qui, placés dans une situation où ils ne pouvaient pas appliquer les instructions qu’on leur donnait, n’ont pas cherché à nous prévenir. Dans le cas particulier, c’est ce point-là qui est incompréhensible...

J’ai une expérience particulière qui est celle du ministère de l’Intérieur, et je peux dire qu’au sein de ce ministère, quand j’y étais en poste comme sous-directeur ou à l’inspection, il y avait des fonctionnaires qui, confrontés à une situation particulière, y compris banale - il pouvait s’agir de signer un papier confirmant que le service était fait alors qu’on savait qu’il ne l’était pas - interpellaient, faisaient état de la situation et refusaient de se soumettre. Ce qui me choque c’est plus ce mécanisme-là : pourquoi des fonctionnaires d’autorité et de ce niveau, pris dans une affaire telle que celle-là, n’ont pas donné l’alerte, alors que c’est une pratique administrative courante et que j’ai vu de jeunes attachés de trente ans le faire...

Ce qu’un jeune attaché de trente ans fait, un fonctionnaire d’autorité et d’âge mûr doit pouvoir le faire aussi !

Mme Catherine TASCA : La récente nomination d’un nouveau préfet délégué à la sécurité s’est-elle accompagnée pour la personne nommée et le préfet, de directives, de consignes particulières puisqu’il ressort de nos auditions que cette institution est, pour le moins, controversée et qu’elle n’a pas eu une grande efficacité, dans les années récentes, dans la gestion du problème corse ?

Mme Clotilde VALTER : Cette institution du préfet délégué a été mise en place en 1983. On a constaté - et je crois que le rapport Limodin l’a bien montré - que les fonctions du préfet délégué avaient été, en quelque sorte, vidées de leur contenu pendant une période.

Je pense que cela correspond à un moment précis mais qu’à d’autres moments, les ministres de l’Intérieur successifs et globalement le gouvernement ont pu estimer cette institution utile. Il est vrai que c’est un dispositif particulier, dérogatoire, mais les responsabilités existent et elles doivent être exercées par un fonctionnaire d’autorité. En l’espèce, Jean-Pierre Lacroix est actuellement en charge de la sécurité, du développement économique et d’un certain nombre de dossiers. Je crois nécessaire que le traitement des questions de sécurité, en Corse soit confié à une autorité spécifique, car le préfet ne peut pas en assumer seul la charge.

Faut-il supprimer cette institution ? Personnellement, je crois que c’est une question qui se pose mais je crois aussi que ce n’est pas parce que l’on a dressé un constat qui est lié à une période particulière qu’il faut en tirer des enseignements rapides et définitifs. C’est la raison pour laquelle le gouvernement a pris la décision de nommer un successeur à M. Spitzer.

Mme Catherine TASCA : Vous nous donnez votre point de vue, madame, mais, en l’occurrence, j’aimerais savoir si cette nomination s’est accompagnée de consignes particulières et s’il y a eu, notamment sur le lien entre le préfet et le préfet délégué, des précisions, des conseils ou des consignes d’un type nouveau ?

Mme Clotilde VALTER : Je crois que le ministre de l’Intérieur a tiré les conséquences du rapport Limodin qui montrait bien que la fonction n’était pas, à ce moment-là, remplie par son titulaire, lequel n’avait pas, non plus - et c’est un élément qui m’a surprise - fait état auprès de quiconque du fait qu’il était dans l’incapacité d’exercer les missions qui lui étaient confiées.

M. le Président : Madame je crois que cela s’explique ! Vous semblez dire que la fonction de préfet délégué pour la police aurait été occultée pendant la période du règne de M. Bonnet qui avait une personnalité particulière, et qui œuvrait dans des circonstances particulières mais ce que l’on peut retirer des auditions qui se sont déroulées ici et qui portent sur la période partant de 1993 - je ne crois pas trahir l’esprit de ce qui nous a été dit - c’est que, très globalement, sur toute la durée, autant les ministres que les préfets se sont interrogés sur l’opportunité de cette fonction. Donc, ce n’est pas seulement au moment du " phénomène Bonnet " que la question s’est posée mais véritablement sur la durée.

Franchement, depuis le début, était-ce une initiative opportune ou non ? Il semble bien que beaucoup en doutent...

Mme Clotilde VALTER : Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire. La question se pose mais j’ai voulu dire que la fonction a été instituée en 1983, que sur une longue période et " en fonctionnement normal " elle n’a été remise en cause par aucun des ministres de l’Intérieur successifs, et qu’on a constaté, de façon très particulière, sur cette période, un dysfonctionnement : c’est tout ce que j’ai voulu dire...

M. le Président : D’où la pertinence de la question de Mme Tasca car, compte tenu des errements que l’on a pu connaître - et pas seulement à l’époque de M. Bonnet d’après d’autres éléments de réflexion qui nous ont été soumis - il est tout à fait important que le préfet, aujourd’hui, puisse être encadré sérieusement par des directives précises et que son pouvoir - et en disant cela je ne me substitue pas au Premier ministre ou au ministre de l’Intérieur - soit assis localement...

Mme Clotilde VALTER : Oui, mais en sachant qu’en tout état de cause, dans le domaine de la responsabilité préfectorale, par nature, il y a une difficulté, pour quelqu’un qui est investi de cette responsabilité, de déléguer à quelqu’un d’autre : c’est inhérent à la fonction préfectorale. En termes d’ordre public et de sécurité, le partage est difficile par nature puisqu’il s’agit d’une responsabilité personnelle très forte !

M. le Président : Vous allez sans doute vous attacher à suivre cette affaire de près...

M. le Rapporteur : Vous nous avez dit qu’il fallait sans doute - et c’est mon point de vue également - envisager des procédures de contrôle ou d’évaluation plus efficaces. Avez-vous des suggestions en la matière, sachant que M. Pandraud pour sa part en a une que je vous soumets, qui consisterait à rattacher un corps d’inspection de compétence générale directement auprès du Premier ministre.

Mme Clotilde VALTER : Je suis d’autant moins étonnée que M. Pandraud fasse cette suggestion que lui et moi, par le plus grand des hasards, appartenons au même corps d’inspection. Par conséquent, que le réflexe soit le même ou que la question soit évoquée dans ces termes ne me surprend pas.

En même temps, il faut voir que cette question est posée depuis trente ans.

A titre personnel, j’aurais tendance à apporter la même réponse que M. Pandraud, au vu de l’expérience que j’ai acquise dans mes missions et dans mon travail d’inspection. En effet, un corps d’inspection, même s’il a une vocation générale et globale, a une forte tendance, s’il est trop inséré dans un univers particulier, à prendre en compte les contraintes et l’environnement. En conséquence, plus ce corps de contrôle aura une vision large et générale, plus ses membres auront une expérience diversifiée et seront originaires d’horizons différents et plus il sera à même de porter un regard neuf.

Faire inspecter un préfet par un autre préfet ne me semble pas de nature à répondre à la situation...

M. Renaud DONNEDIEU de VABRES : Ne pensez-vous pas, au vu de tout ce que vous avez vécu, que le contrôle doit se faire par les ministres, administration par administration, sans que Matignon se mette dans une situation trop opérationnelle dans la mesure où vous ne pouvez pas tout contrôler et où vous n’êtes pas conçus pour cela ? Au fond, toutes les questions que nous avons évoquées tout à l’heure concernant le contrôle de la gendarmerie ou les problèmes du domaine public maritime et autres, ne relèvent-elles pas du ministre concerné, en charge, vous-mêmes étant là, le cas échéant, pour arbitrer les conflits ou réorienter les choses ?

Il ne faut pas qu’il y ait une prise trop directe sur Matignon car, dans ce cas, les journées n’ayant que vingt-quatre heures, les contrôles ne s’exercent pas suffisamment...

Mme Clotilde VALTER : Je crois que l’on répondait, là, sur deux plans différents ! Je suis parfaitement d’accord avec ce que vous venez de dire qui n’est pas forcément contradictoire avec la proposition de Robert Pandraud. Quand vous avez un corps de contrôle, la question qui se pose n’est pas tant celle du rattachement au ministre que celle de l’origine de ses membres, de la diversité des expériences, du champ qui est couvert. Quand je disais que la question du rattachement des inspections générales - mais pas seulement celles-là - à Matignon, est posée depuis trente ans, elle l’est dans le sens où il s’agirait d’avoir des inspections dont le travail, la mission seraient moins marqués par des facteurs internes à l’administration à laquelle elles sont rattachées. Cela étant, je suis d’accord avec le rattachement pour rendre compte... Je parlais en termes d’indépendance et de capacité des membres de l’inspection d’avoir un regard objectif sur la personne qu’ils ont à inspecter. Quand vous inspectez un collègue ou un ami, vous ne procédez pas de la même façon que lorsque vous ne connaissez pas la personne : c’est cela que j’ai voulu dire...

M. le Président : Pardonnez-moi mais c’est très exactement ce que l’Armée vient de mettre en œuvre puisqu’elle a supprimé les inspecteurs généraux par armées et qu’elle a regroupé, autour du ministre, un corps d’inspecteurs généraux qui sont, soit marins, soit aviateurs, soit gendarmes ou autres et que l’on envoie en fonction des besoins.

C’est-à-dire que l’on a, au fond, " interarmisé " le corps tout en lui conservant ses missions spécifiques.

Mme Clotilde VALTER : C’est cela !

M. le Rapporteur : J’aurai une petite question très rapide : les affaires corses ont-elles été évoquées au conseil de sécurité intérieure ?

Mme Clotilde VALTER : Elles l’ont été une fois, le 9 mars 1998, sur deux thèmes : premièrement, il s’agissait d’avoir une discussion entre les ministres sur la mise en place du pôle économique et financier et deuxièmement, il y a eu un bref tour de table sur la situation en Corse - c’était un mois après l’assassinat du préfet Erignac !

M. le Rapporteur : La nomination comme préfet adjoint chargé de la sécurité de M. Ange Mancini - qui est originaire de la police et n’a donc pas du tout le profil de son prédécesseur - signifie-t-elle que le gouvernement considère que cette fonction doit être réorientée vers un aspect plus opérationnel ou, en tout cas, qu’elle doit être confiée à quelqu’un qui connaît bien l’institution policière et les forces de sécurité ? Est-ce que vous pensez que c’est une condition de la réussite dans ce poste, comme je le pense personnellement ?

Mme Clotilde VALTER : Je suis assez d’accord. Je pense que dans ce cas précis, il y a deux préoccupations. L’une est purement institutionnelle et tient au fait que le ministre de l’Intérieur a le souci de proposer à des fonctionnaires de police des postes dans le corps préfectoral pour les y titulariser ensuite, ce qui constitue pour les meilleurs d’entre eux un débouché qu’il faut à mon avis favoriser - et cela, en dehors du contexte corse. Dans le cas d’espèce, M. Mancini, puisque vous en parlez, est un fonctionnaire de police, aux qualités professionnelles reconnues, incontestées et incontestables : il a déjà occupé des fonctions en Corse, à une période difficile, en 1985 je crois, et donc, effectivement, cela peut être le profil qu’il faut, en ce moment, auprès du préfet Lacroix pour prendre en charge ce secteur difficile. Pour autant, cela ne veut pas dire que le poste a vocation à être occupé en permanence par un policier puisque, là aussi, il peut y avoir des avantages et des inconvénients. Dans le cas particulier, au regard de la situation actuelle, cette nomination répond sans doute à la situation.

M. le Président : Cela va remonter le moral des gendarmes tout cela !

Mme Clotilde VALTER : Oui, mais le problème n’est pas tant le moral des gendarmes que la situation de concurrence...

M. le Président : Mais c’est connexe tout cela !

Mme Clotilde VALTER : Oui !...

M. Jean-Pierre BLAZY : Ma question est de nature différente : on a beaucoup parlé, s’agissant de la police nationale en Corse, de différents types de porosité. Il en est une qui a été évoquée concernant la police et les " réseaux Pasqua ". Le livre de Pascal Irastorza qui s’intitule " Le guêpier corse " qui est sorti au mois d’août, vous fait dire que vous n’avez pas confiance - et vous n’êtes pas la seule - dans les policiers corses dont vous déclarez qu’ils " sont au mains des réseaux Pasqua ". Quel commentaire pouvez-vous faire sur cette question ?

Mme Clotilde VALTER : Le premier que je pourrai faire c’est que, n’ayant pas parlé à M. Irastorza, je ne lui ai donc pas dit ce qui est écrit ! Le second, c’est qu’il faut, à mon sens, voir la question de façon beaucoup plus globale et partir du constat. C’est-à-dire que, l’année dernière et c’était le constat que faisait Bernard Bonnet, lorsqu’a été mise en œuvre la politique de rétablissement de l’Etat de droit, nous nous sommes trouvés, pour la police comme pour toute une série d’autres secteurs, dans une situation où les fonctionnaires, soit d’autorité soit autres, qui étaient en poste en Corse ou qui, plus globalement, travaillaient sur les questions corses - et là c’est effectivement particulier à la police - étaient en fonction depuis longtemps et avaient été chargés par les gouvernements précédents de mettre en œuvre des politiques qui ont changé, d’ailleurs parfois à plusieurs reprises.

Par conséquent, au moment où l’on met en place une politique, il n’est pas forcément confortable, et il n’entre, ni dans l’intérêt du gouvernement, ni dans celui des personnes concernées, d’avoir à changer de méthodes, d’objectifs et de comportements. Je crois donc que c’était une première donnée et cela a effectivement été la réaction de Bernard Bonnet, lors de son arrivée en Corse. Mais il y avait une autre difficulté qui n’a rien à voir avec ce que vous disiez, à savoir que la Corse étant un objectif de mutation, vous pouviez avoir aussi, là-bas, des fonctionnaires parvenus en fin de carrière qui n’étaient pas forcément mobilisés comme il était nécessaire et qui présentaient des taux d’absentéisme considérables - au-delà de 15 % je crois, je n’ai plus exactement le chiffre en tête - et tout à fait inacceptables.

Le fonctionnement efficace de services de l’Etat, et de services de police en particulier, dans ce secteur, dans cette période, ne supposait pas forcément de maintenir des fonctionnaires qui étaient là depuis longtemps, absents, malades ou coutumiers de contacts - qui avaient été souhaités à d’autres périodes - avec les nationalistes !

M. le Président : Je voudrais vous poser une question en revenant sur l’enquête Erignac : après l’assassinat du préfet, le gouvernement a affirmé haut et fort, notamment à l’Assemblée nationale, que tous les moyens seraient mis en œuvre pour découvrir les assassins et, naturellement, les condamner aussi sévèrement que possible !

Au regard de ce qui nous a été déclaré et de ce que nous avons entendu ici, on a le sentiment que ces paroles sont, au fond, restées des affirmations de circonstance. Qu’en pensez-vous ? Avez-vous eu, à Matignon, dans le cadre des réunions de quinzaine dont vous parliez tout à l’heure, auxquelles participait parfois, nous a-t-on dit, le directeur de cabinet du garde des sceaux, à connaître de l’enquête ? Je sais bien que l’on va m’opposer la séparation des pouvoirs mais enfin n’exagérons rien...

Par ailleurs, ne peut-on s’étonner que le gouvernement n’ait pas tenté, d’après ce que l’on sait, non pas d’accélérer le cours des choses - on ne voit pas très bien comment il aurait pu le faire - mais de s’intéresser et de savoir où l’on en était ? Sans rentrer dans le domaine du judiciaire, peut-être s’il avait eu un œil suffisamment attentif, aurait-on pu découvrir que si l’enquête n’avançait pas, c’est parce qu’il y avait un certain nombre de dysfonctionnements ou de blocages ici et là...

Quel est le regard que vous portez là-dessus ? Pouvez-vous nous confirmer que personne ne s’est jamais préoccupé de cela, qu’on n’en a jamais parlé à aucune réunion interministérielle, au motif du respect de la sacro-sainte séparation des pouvoirs ? Qu’en est-il de tout cela parce que franchement, au-delà de tous les problèmes que l’on a pu évoquer, ce qui me stupéfie, c’est de savoir qu’on assassine un préfet et qu’après tout on peut se réfugier derrière des considérations, sans doute estimables, mais enfin, l’assassinat d’un préfet, les déclarations d’un Premier ministre, tout cela me paraît n’avoir été suivi que de fort peu d’effets jusqu’à ce que les choses s’enflamment à tous égards, à un certain moment...

Mme Clotilde VALTER : Je crois qu’il faut distinguer l’enquête du reste. Quand le Premier ministre disait que tous les moyens étaient mis en œuvre, c’était à la fois pour l’enquête, bien entendu, mais aussi pour la politique d’établissement de l’Etat de droit en Corse.

Vous me demandez si l’enquête était évoquée : l’enquête, quant à son avancement et son fonctionnement n’a pas été évoquée et n’a d’ailleurs pas à l’être dans des réunions interministérielles...

M. le Président : Elle ne l’a jamais été ?

Mme Clotilde VALTER : Dans la mesure où l’enquête est dirigée par des magistrats, où les policiers travaillent sous leur autorité, le gouvernement et les cabinets des ministres n’ont rien à voir, sachant qu’ils ne sont ni policiers chargés de l’enquête sous l’autorité d’un magistrat, ni magistrats. Ils n’ont ni à suivre l’enquête, ni à s’y impliquer !

Ce principe a été respecté, ce qui ne veut pas dire que nous ne savions pas qu’il pouvait y avoir, comme c’est d’ailleurs traditionnellement le cas sur les grandes affaires, un certain nombre de difficultés, de concurrences individuelles, tant au sein de l’appareil judiciaire lui-même, c’est-à-dire entre les magistrats, qu’entre les policiers, et qu’entre les policiers et les gendarmes.

M. le Président : Cela était bien porté à votre connaissance ?

Mme Clotilde VALTER : De toute façon, la presse en faisait état : c’est une donnée permanente et, sur la Corse, dans le cas particulier, comme vous avez pu le constater lors des auditions, puisque c’est ce que vous m’avez indiqué, c’est un élément qui est apparu très fortement !

M. le Président : Vous nous dites bien que c’est apparu très fortement et jamais, dans le cadre de la coordination interministérielle, il n’est arrivé - je ne parle pas de vous personnellement mais du cabinet du Premier ministre, dans sa majesté, si je puis dire - que quelqu’un se saisisse de l’affaire, en se demandant, sans naturellement entrer dans l’enquête, ce qui se passait, après avoir lu dans la presse des choses tout à fait ahurissantes ou pour le moins loin d’être de nature à correspondre aux engagements du Premier ministre ? Personne n’a estimé que tout cela n’était pas tolérable, pas un seul ministre n’a été sommé d’agir ? La garde des sceaux ne s’est pas enquis, via la lignée fonctionnelle des procureurs de ce qui se passait, sans pour autant rentrer dans l’enquête ?

M. Jean-Pierre BLAZY : Elle va en Corse aujourd’hui !

Mme Clotilde VALTER : Demain !

M. le Président : Tout à fait mais c’est un peu tard ! Pour le moment, je parle de l’enquête Erignac ! Personne n’a réagi ?

Mme Clotilde VALTER : Je crois que vous passez d’un extrême à l’autre !

M. le Président : Non je pose simplement la question : a-t-on réagi ou non ?

Mme Clotilde VALTER : Je crois que chaque ministre, dans son domaine de responsabilité, pour ce qui le concerne et dans le cadre et la limite de ses compétences s’agissant d’une enquête judiciaire, a donné les orientations nécessaires aux services !

M. le Président : Mais, au niveau des réunions de Matignon, à aucun moment il n’a été demandé qu’il y ait une remise en ordre, ou en tout cas, des impulsions ou des corrections de trajectoire nécessaires pour que cessent ces errements, soulignés dans la presse notamment ?

Mme Clotilde VALTER : Je ne vois pas très bien ce que signifie pour une autorité politique le fait de donner instruction, par exemple, d’accélérer une enquête...

M. le Président : Je n’ai pas parlé d’accélérer l’enquête mais de faire cesser des errements : vous-même, vous avez dit tout à l’heure, madame, qu’il était arrivé aux oreilles du cabinet, ne serait-ce que parce que la presse le cornait très fort...

Mme Clotilde VALTER : Oui et parce que la note du préfet à laquelle je faisais référence tout à l’heure le mentionnait...

M. le Président : Il y avait donc véritablement des dysfonctionnements qui apparaissaient déjà et vous me dites qu’on n’a pas impulsé depuis chez vous...

Mme Clotilde VALTER : Mais je ne vois pas de quelle nature pouvait être l’impulsion ! En l’espèce, il s’agissait de concurrences : est-ce que c’est la police et la gendarmerie qui vont être saisies ? C’est le juge qui décide ! Joindre deux procédures est une décision qui est prise par un magistrat ! Effectivement l’on joint deux procédures et la gendarmerie est écartée, mais l’autorité politique et les ministres n’ont rien à voir avec cela...

M. le Président : Ce n’est pas de cela dont je parlais, mais de dysfonctionnements qui pouvaient être corrigés, par exemple, au niveau de la gendarmerie et de la police où l’on savait pertinemment qu’il y avait des choses qui ne marchaient pas très bien...

Je voulais simplement savoir s’il y avait eu, ou non, de Matignon, des instructions pour que l’on essaie quand même de mettre un peu de rigueur dans tout cela, pour sortir ce dossier dans de meilleures conditions et le plus rapidement possible...

Mme Clotilde VALTER : Ce qui me gêne dans la façon dont vous posez la question...

M. le Président : ... c’est qu’elle est trop biaisée...

Mme Clotilde VALTER : ... c’est que vous avez l’air de suggérer que l’enquête était en cause. Or, il n’est pas question d’intervenir sur une enquête en cours dont la responsabilité, encore une fois, appartient aux magistrats sous l’autorité desquels sont placés les services de police.

M. le Président : Je comprends bien et je ne cherche pas à dire qu’il fallait entrer dans ce qui est le domaine propre des magistrats. J’entends savoir si, au vu des informations parues dans la presse ou des comptes rendus faits aux ministres par leur cabinet, concernant certains dysfonctionnements, certaines lenteurs ou un certain manque de cohérence dans les démarches, quelqu’un a dit : " Il faut faire quelque chose ! "

Mme Clotilde VALTER : Oui, mais ce que vous mentionnez, ce sont des interventions sur l’enquête elle-même puisque vous parlez d’accélérer, ce qui n’est pas possible ! En revanche, quand les gendarmes grognent parce que les deux procédures ont été jointes, il est bien évidemment possible de faire passer le message selon lequel c’est une décision du juge ; le juge est souverain et il n’appartient à personne de se prononcer sur la décision prise, mais c’est autre chose : vous le mesurez bien !

M. le Président : Je le mesure parfaitement !

M. Jean-Pierre BLAZY : Et cela a dû être fait, très certainement !

Mme Clotilde VALTER : Sous cette forme, oui !

M. le Président : Le préfet avait demandé quasiment carte blanche, ou, en tout cas, il avait obtenu quasiment carte blanche : c’est du moins ce que l’on a dit souvent et ce que la presse a rapporté. On l’a présenté, y compris certains de ses collaborateurs, comme un proconsul.

Ne pensez-vous pas que, dans la façon dont il a rempli les exigences qui lui avaient été posées, c’est-à-dire le retour à l’Etat de droit, il a pu y avoir, à un moment ou à un autre, excès de sa part ? L’avez-vous ressenti ainsi ou, à travers les contacts que vous avez pu avoir avec lui, vous est-il apparu qu’il avait un peu de fermeté mais qu’au fond il se situait très exactement dans l’axe de ce que souhaitait le gouvernement ?

Mme Clotilde VALTER : Les termes de " carte blanche " ont effectivement été utilisés mais je n’y reconnais pas l’intention du gouvernement, ni d’aucun de ses membres. C’est une image que l’on a appliquée à une situation dans laquelle le représentant de l’Etat était confronté à une situation particulière mais où il avait les mêmes pouvoirs, les mêmes compétences que tout autre préfet sur le territoire. Simplement, il a été placé, en raison des circonstances exceptionnelles et du caractère médiatique qui a pu être conféré à son action, dans une situation au relief particulier.

En tout état de cause, ni le gouvernement de façon globale, ni nous-mêmes, dans les contacts que nous avions avec lui lors du travail sur les dossiers, ni aucun des ministres, ne lui a donné plus de marge de manœuvre que ne devait en avoir un préfet sur le territoire.

C’est une image qui a été donnée mais qui ne correspond pas à la réalité et ce n’est pas parce qu’un préfet, à un moment donné, pour des raisons particulières, dans des circonstances particulières est amené à avoir des contacts plus réguliers que ses homologues, qu’il a carte blanche. C’est parce que les affaires de sa charge appellent une attention particulière du gouvernement...

M. le Président : On pourrait même presque dire le contraire, qu’il est tenu avec des rênes courtes...

Mme Clotilde VALTER : Vous me posiez une question sur la carte blanche et je vous dis que ce n’est pas du tout l’esprit et qu’il n’avait nullement plus de marge de manœuvre qu’un autre : je pense que si l’on déclinait les dossiers, on ne pourrait pas trouver d’exemples où il ait eu plus de marge de manœuvre qu’un autre de ses collègues ! Mais, effectivement, les dossiers étaient suivis de façon particulière !

M. le Président : Est-ce que, au fond, vous ne vous êtes pas rendu compte, à un moment donné, qu’il y avait peut-être excès de fermeté dans la façon dont il appliquait le souhait, légitime d’ailleurs, du gouvernement de rétablir ou, en tout cas, d’améliorer l’Etat de droit dans ce territoire ?

Mme Clotilde VALTER : Cela renvoie à la précédente question de M. Donnedieu de Vabres et à l’échange que nous avons eu sur ce point : je crois qu’effectivement il y a eu un fort facteur personnel...

M. le Président : Est-ce que vous avez perçu cela ? Je ne voudrais pas vous donner, vous le comprenez bien, l’impression que c’est vous qui êtes en cause mais, est-ce que le cabinet du Premier ministre, à Matignon, percevant que c’était peut-être un peu excessif, a été tenté de lui dire de se modérer ?

Mme Clotilde VALTER : Je pense que ce que nous pouvions percevoir, c’est qu’il était très déterminé et très ferme dans sa démarche mais cela correspondait à ce que le gouvernement souhaitait. Sur la méthode et parfois les propos, nous en avons parlé tout à l’heure, est intervenu ce que j’appelle le coefficient et le facteur personnels. En même temps, il y a d’autres éléments de méthode ou de fonctionnement de services de l’Etat qui ont globalement été reprochés : je pense, par exemple, à des interventions de la DNAT dont on nous a dit qu’elle emmenait des jeunes femmes, des grand-mères de façon un peu brutale mais cela, ce n’est pas le préfet !

Par ailleurs, il y a un autre facteur - et c’est toute la difficulté - entre l’impulsion et la façon dont les choses, ensuite, se concrétisent sur le terrain : j’ai, par exemple, entendu parler de la façon dont certains services de l’Etat, en contact avec le public, répondaient à des demandes de traitement un peu favorable en indiquant très fermement que le préfet s’y refusait. Il y a eu l’exemple, qui a été repris, du Crédit agricole qui refusait les découverts de 27,50 francs en disant que c’était le préfet ! Je crois donc qu’il y a ce qui est imputable à Bernard Bonnet, ce qui relève de sa détermination et de la volonté qu’il a mise dans la conduite de la politique du gouvernement, il y a un facteur personnel qui ne correspondait peut-être pas forcément à notre souhait mais chacun a sa personnalité et sa façon de l’exprimer et enfin, il y a tout ce qui été rajouté et tout ce qui a été imputé et qui, ensuite, ressort plus de chacun des services dans la mesure où l’on est dans une logique globale !

M. le Président : Madame, nous vous remercions de cette audition et de la qualité de vos réponses.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr