Présidence de M. Raymond FORNI, Président

Mme Irène Stoller est introduite.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, Mme Irène Stoller prête serment.

M. le Président : Mes chers collègues, nous recevons Mme Irène Stoller qui dirige la 14ème section du parquet de Paris, chargée des affaires de terrorisme et d’atteinte à la sûreté de l’Etat.

Je vais essayer de vous décrire l’esprit dans lequel nous nous trouvons pour simplifier les choses et éviter de nous perdre dans des considérations trop générales. Nous avons le sentiment qu’il existe une certaine " pagaille " pour être rapide - trop sans doute car cette vision semble un peu caricaturale - et des affrontements entre les différents services qui nuisent finalement à la lisibilité de la politique conduite par l’Etat en Corse. Nous avons aussi le sentiment que, parfois, une trop grande médiatisation nuit à la sérénité du traitement des dossiers et que l’efficacité n’est pas au rendez-vous. S’agissant des affaires dites " de terrorisme " - avec la nuance que vous apporterez sans doute entre le terrorisme classique, à savoir celui qui est lié à certains courants de pensée tels que le terrorisme islamique, et le terrorisme corse qui mélange sans doute allègrement les problèmes politiques et ceux du banditisme ordinaire - on ne peut que constater que les résultats obtenus sur le plan judiciaire sont bien piètres.

Je laisse volontairement de côté - et c’est important - l’affaire Erignac où les enquêtes ont permis l’arrestation des auteurs du crime. Mais, pour le reste des assassinats et des crimes de sang, le faible taux d’élucidation me conduit à dire qu’il y a, à l’évidence, un vrai problème.

J’ajouterai que, puisque vous avez la responsabilité du parquet, vous avez aussi celle de la coordination entre les différents services de police et de gendarmerie. Or, nous avons observé - et si cette impression est inexacte, bien entendu, vous nous le direz - qu’en Corse plus qu’ailleurs la guerre des polices fait rage et que les affrontements entre les services de police et de gendarmerie ont d’ailleurs conduit, dans une période relativement récente, un préfet à privilégier les services de gendarmerie plutôt que d’avoir recours aux services de police à l’égard desquels il avait, à l’évidence, une certaine méfiance.

Je passe sur les règlements de compte personnels entre services de police : ceux auxquels nous avons assisté au sein de cette commission sont lamentables, s’agissant de responsables importants de services sur lesquels l’Etat croit pouvoir s’appuyer. Je passe également, en les signalant néanmoins, sur les querelles entre magistrats : il a été question, ici, des inimitiés qui opposent les uns et des liens particuliers qu’entretiennent les autres. Bref, tout cela fait beaucoup et puisque nous sommes chargés d’enquêter sur les dysfonctionnements, vous comprendrez qu’au-delà de l’anecdote, ce soit cet aspect des choses qui nous intéresse pour essayer d’apporter des réponses et surtout de proposer des solutions.

Mme Irène STOLLER : C’est un tableau très noir que vous venez de nous dépeindre de la lutte antiterroriste en Corse.

Malheureusement, sans vouloir vous décevoir, je me vois contrainte en tant que magistrat du parquet de ne vous parler que de mon rôle personnel, et du rôle de ma section, puisque, ainsi que vous l’avez dit, vous savez que la loi de 1986 a créé cette centralisation de toutes les affaires de terrorisme au parquet de Paris où une section dite " 14ème section " a été constituée pour traiter l’ensemble de ces affaires. Au nombre d’entre elles, on compte les affaires de terrorisme corse qui sont celles qui vous intéressent effectivement aujourd’hui.

Je dois néanmoins, si vous le permettez, sans vouloir faire de digressions, me livrer à une petite présentation : je suis, en effet, à la tête de ce service que je dirige depuis 1995, mais je suis, en réalité, dans cette section, depuis 1988, c’est-à-dire que je n’y étais pas lors de sa création, mais que j’y suis entrée peu après.

A mon arrivée, il y avait beaucoup d’affaires concernant le FLNC : des affaires d’attentats, d’associations de malfaiteurs, d’infractions à la législation sur les armes... et on dénombrait à l’époque, soit en mars 1988, environ soixante détenus corses. Puis est survenue, au mois de juin, cette loi d’amnistie, qui était quand même la troisième s’appliquant aux détenus corses, alors que les terroristes basques, eux, n’en ont jamais bénéficié. On peut dire, qu’après cette période qui a marqué mon arrivée, où il y avait énormément d’enquêtes en cours et de détenus, notre " fonds de commerce " corse s’est trouvé vidé par la loi d’amnistie et il est vrai qu’à partir de là, pendant quatre ou cinq années, cela a été le vide total ! Nous avions bien quelques affaires par-ci, par-là, lorsqu’il y avait des interpellations en flagrant délit, quand on avait la preuve manifeste que certaines personnes allaient poser une bombe parce qu’on les trouvait, par exemple, dans une voiture avec un engin explosif. Mais notre activité, sur le terrain corse, se trouvait tout de même très, très limitée.

Comment peut-on analyser ce que l’on peut presque appeler un arrêt de la répression ? Je pense - et c’est un sentiment tout à fait personnel - qu’il tenait à différentes raisons : peut-être à des raisons politiques que l’on a vues transparaître au travers de la presse telles que des discussions pour obtenir un apaisement tant il est vrai que le problème politique d’une part, et le problème policier et judiciaire d’autre part ne se rejoignent pas, et sans doute aussi - et il faut le comprendre - à un certain découragement des fonctionnaires de police à la suite de la troisième amnistie. Il faut quand même se mettre à la place de tous ces fonctionnaires de la gendarmerie et de la police, qui, sur le terrain, essuyaient constamment des mitraillages au cours desquels certains d’entre eux avaient même trouvé la mort, et comprendre leur réaction face à cette loi, d’autant qu’il est extrêmement difficile d’établir judiciairement la preuve de la culpabilité en matière de terrorisme. En effet, nous avons, comme vous le savez en tant que députés, une législation concernant la preuve judiciaire qui est contraignante, les tribunaux ne se contentant pas d’allégations ou de supputations mais voulant des preuves et des éléments concrets pour établir la culpabilité. On peut donc comprendre qu’après cette période les policiers aient, comme on dit vulgairement, " levé le pied ", mais ce sont là des raisons, je le répète, que j’avance à titre personnel.

A partir de 1993-1994, on a vu quand même s’amorcer une manifestation de la volonté de lutter contre ces conférences de presse provocatrices, contre les attentats, puisqu’il s’en produisait toujours. Mais, à Paris, notre fonctionnement, que vous connaissez, ne nous conduit pas à nous saisir de toutes les affaires. Certaines d’entre elles restent au niveau local, notamment en matière d’attentats.

En règle générale, on peut dire que 14ème section est saisie des actions revendiquées et de toutes celles qui touchent aux cibles institutionnelles telles que les bâtiments de l’Etat. Il faut également savoir, parce que c’est important et que je pense qu’il y a une grande confusion de la part des médias mais aussi de la population, que ce n’est pas la 14ème section qui choisit ce dont elle va se saisir : nous avons une hiérarchie, en tant que magistrats du parquet, et dès qu’une action a lieu en Corse - c’est d’ailleurs également valable pour les autres terrorismes - nous en sommes avisés par les services judiciaires locaux, c’est-à-dire le procureur de Bastia ou le procureur d’Ajaccio, nous en référons à notre hiérarchie et c’est au vu de la réponse qui nous est faite que nous nous saisissons ou non. Ce n’est pas nous qui décidons, mais notre hiérarchie. Généralement, c’est le procureur général qui, après concertation et accord avec le procureur général local, décide si l’affaire doit effectivement revenir à notre section.

L’intérêt de cette loi de 1986 qui a instauré la centralisation, c’est évidemment une spécialisation des magistrats en charge de ces dossiers. Par ailleurs, il faut savoir que les attentats commis par le FLNC ne concernent pas uniquement la Corse, mais que beaucoup sont perpétrés sur le continent, notamment dans la région Provence-Côte d’Azur et ailleurs puisque l’on en a vu récemment qui ont eu lieu à Strasbourg, Bordeaux, Vichy et j’en passe...

Par conséquent, à partir du moment où nous sommes saisis d’une affaire, c’est nous qui désignons le service de police local qui peut être soit la gendarmerie, soit la police. En règle générale, nous suivons la saisine de nos collègues locaux puisque c’est eux qui, dans un premier temps, sont saisis de l’affaire dans la mesure où un certain délai s’écoule avant que l’affaire ne nous revienne. Par exemple, des attentats ont été commis ces jours-ci dont l’un a été perpétré le soir et l’autre le matin, alors que nous ne nous en sommes saisis qu’en fin de matinée hier. Il y a donc toujours un décalage et il est évident que, pendant ce temps-là, la procédure doit suivre son cours et être assumée, non seulement par des fonctionnaires de police, mais aussi sous la direction du parquet local. Ce parquet local ayant choisi, soit les gendarmes, soit la police, généralement, nous suivons son choix et l’on peut dire que c’est vraiment tout à fait exceptionnel que ce ne soit pas le cas. Cela a pu arriver de façon vraiment extraordinaire lorsque, par exemple, la gendarmerie a une affaire et que le SRPJ nous dit, que disposant lui-même d’éléments identiques dans une autre, il serait bon de joindre les deux procédures, mais l’inverse peut également arriver.

Vous me parlez par ailleurs d’affrontements de certains services : oui, bien sûr tout le monde en a eu connaissance à travers les médias et nous entendons bien, nous aussi, parfois, des récriminations. Mon sentiment est que ce n’est pas quelque chose de linéaire. De temps en temps, effectivement, nous sentons des petits frottements, peut-être pour des questions de concurrence, mais nous nous refusons, nous magistrats du parquet, à entrer dans ces considérations.

Je peux dire, tant des services de police locaux et de la DNAT, que des services de la gendarmerie, qu’ils ont toujours été d’une parfaite loyauté envers nous et que nous avons toujours entretenu - et j’ai toujours, personnellement tenu, depuis que je dirige cette section, à ce qu’il en soit ainsi - des rapports courtois et confiants. Je peux vous assurer que les gens qui ont choisi de travailler sur la lutte antiterroriste sont des gens qui s’investissent. C’est d’ailleurs peut-être la raison pour laquelle il peut y avoir des frictions dans la mesure où un tel investissement revêt parfois un caractère passionnel !

Pour ce qui me concerne, depuis quatre ans, afin d’essayer justement d’établir une coordination harmonieuse, j’organise, tous les deux mois, une réunion dans mon bureau entre les services de gendarmerie, les différents services de police et les magistrats locaux, que ce soit d’ailleurs sur le secteur corse ou le secteur basque.

Au cours de ces réunions, chacun s’exprime et je n’ai jamais eu l’impression qu’il y avait un quelconque tiraillement, en tout cas en ma présence ou en présence des magistrats de la 14ème section : chacun expose ses objectifs, présente l’affaire sur laquelle il travaille... Peut-être que parfois on se cache des petites choses les uns aux autres, chacun étant un peu jaloux de ses prérogatives : c’est vrai qu’il y a une certaine concurrence et que chacun veut montrer qu’il peut mieux faire que l’autre, mais je dirai que c’est un facteur humain ! Le désordre qui est dénoncé dans la presse est, selon moi, extrêmement amplifié ; en tout cas, nous, sur le terrain judiciaire, c’est ainsi que nous le ressentons.

Chacun fait donc ce qu’il peut ; chacun s’investit complètement, totalement. Alors, évidemment on a l’impression, ainsi que vous le disiez, que l’efficacité n’est pas au rendez-vous et qu’il y a peu de résultats. On voudrait que chaque attentat soit résolu, que les membres de toutes les équipes qui travaillent au cours d’une nuit bleue soient interpellés, mais c’est extrêmement difficile ! Il ne faut pas oublier que nous avons quand même affaire à des gens qui sont parfaitement rompus à la clandestinité, à la lutte armée qu’ils ont apprise depuis très longtemps et qu’ils ne sont pas assez fous pour conserver des armes, des explosifs mais qu’ils les gardent dans des caches, dans de vieilles bergeries perdues dans le maquis par exemple. Nous sommes parvenus à en découvrir quand les gens parlent - le plus souvent ce sont les femmes qui font des révélations - mais c’est une affaire de chance car tout le monde sait pertinemment qu’en Corse, on ne parle pas et cela pour différentes raisons dans lesquelles entrent la sympathie, mais également la peur car le climat est très particulier. Il est donc exact qu’il est très difficile de mener les enquêtes à leur terme et l’on a un peu l’impression que tout cela n’aboutit pas à grand-chose.

Pour autant, si l’on compare le terrorisme corse avec les autres formes de terrorisme, on retrouve bien les mêmes difficultés. Je dirai que l’on en rencontre peut-être un peu moins avec une organisation comme l’ETA militaire parce que l’on a affaire à des gens qui sont organisés très militairement, beaucoup plus que le FLNC, et parce que ce sont des gens qui écrivent beaucoup et qui laissent des papiers et des documents, qui mettent des caches d’armes et d’explosifs un peu partout, ce qui nous offre plus de facilités pour travailler. Il faut aussi dire que nous sommes bien aidés par les services espagnols, ce qui n’est pas le cas en Corse où nous travaillons seuls et c’est là toute la difficulté, je crois, de la lutte antiterroriste : mis à part le flagrant délit qui, quand même, n’arrive pas tous les jours, nous sommes obligés de nous rabattre sur l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste dans le but de démontrer judiciairement que ses membres appartiennent à un réseau et qu’au sein de ce réseau, on suppose qu’ils commettent des attentats.

Je vais vous donner un exemple très simple : il s’agit d’une affaire concernant une bande de Corse-du-Sud qui a été arrêtée, il y a environ deux ans ; tout le monde était persuadé que ses membres posaient des bombes partout et qu’ils avaient participé aux nuits bleues ce qui est sûrement vrai. Mais, judiciairement, qu’avait-on à la fin ? Des policiers les suivaient, les voyaient tous les soirs dans un bar dénommé Le petit bar à Ajaccio, et, à une certaine heure tout le monde se dispersant, ils filaient tantôt l’un, tantôt l’autre, voire plusieurs, jusqu’à ce qu’ils les perdent de vue. Parfois, mais ce n’était pas systématique, il se produisait un attentat. Que peut-on faire de cela devant un tribunal ? Que peut-on faire dès l’instant où, chez eux, on ne trouve aucune arme, aucun explosif, et que jamais on ne les a pris sur le fait ?

Pourtant, ils ont été arrêtés et ils ont même été mis en examen pour des attentats dont on n’a pas pu établir qu’ils les avaient commis : cela a été la montagne qui a accouché d’une souris ! Ils seront renvoyés en correctionnelle - l’affaire n’est pas encore fixée - et, excepté l’un d’entre eux pour lequel nous avons des preuves, des écoutes téléphoniques nous ayant permis de saisir une conversation entre sa mère et sa tante, la première disant " il n’a rien fait, il n’a tué personne " et la seconde rétorquant " bien sûr, il n’a fait que poser... " nous n’avons rien à fournir au tribunal correctionnel. Que va-t-il faire ? Vous savez que nous avons un tribunal correctionnel qui n’est pas spécialisé, contrairement aux juges d’instruction et au parquet, et qu’au tribunal de Paris qui est quand même le premier de France et où il y a une vingtaine de chambres correctionnelles, ce ne sont jamais les mêmes juges qui jugent les affaires. Ils " débarquent " dans un domaine qu’ils ne connaissent pas et ils jugent ces affaires comme du droit commun.

Je ne suis pas sûre que ces gens soient condamnés ! Il y a une personne, fort heureusement, qu’on a découverte avec une arme - car en Corse il faut savoir que la plupart des gens sont armés - ce qui nous a sauvés et nous pourrons, au moins, la condamner pour infraction à la législation sur les armes ! Voilà, en fait, quelle est la réalité judiciaire et même policière des enquêtes conduites en Corse. Alors piètres résultats ? C’est vrai ! Je suis bien d’accord...

Pour ce qui est des assassinats qui n’ont pas été élucidés, à l’exception de quelques-uns très rares - je crois que dans le cas de seulement deux d’entre eux, on a eu des mises en examen - la plupart des affaires - vingt-trois précisément - nous ont été dépaysées de Corse. Je crois d’ailleurs me souvenir que, là aussi, il y avait eu problème puisque les juges d’instruction corses refusaient de se dessaisir, mais comme à l’époque, on savait très bien qu’il s’agissait de règlements de comptes entre factions rivales, Canal historique et Canal habituel, c’est-à-dire l’un bras armé du MPA, l’autre de la Cuncolta, la chancellerie avait insisté pour que ces affaires soient prises à Paris. Je peux vous dire que cela n’a fait plaisir à aucun magistrat, pas plus à nous-mêmes qu’aux juges d’instruction parisiens, parce que prendre des affaires criminelles six mois, voire deux ans après les faits pour certaines d’entre elles, est très délicat ! En effet, tout le monde sait parfaitement, et il en va de même en droit commun, que lorsqu’une affaire criminelle a été mal engagée et qu’elle n’est pas sortie dans les six mois, un an, il y a de fortes chances pour qu’elle ne sorte plus !

Il faut aussi compter avec la difficulté locale que l’on a bien vue pour une affaire dont nous ne sommes pas saisis nous-mêmes et qui remonte à l’été précédent, l’affaire Garelli, où un membre d’une faction adverse s’est fait assassiner dans le dos au cours d’une grande fête à laquelle assistaient tous les membres de la Cuncolta, et on peut même dire ceux du Canal historique. Il y avait 300 personnes, sans compter tous celles qui se trouvaient à côté, or il ne s’en est pas trouvé une seule pour témoigner et il n’y en aura jamais...

Voilà, je crois, quelle est la réalité de la répression en Corse et de l’élucidation des affaires. C’est très malaisé : il est facile, de loin, d’incriminer. Il est vrai, bien sûr - non pas que je veuille me démarquer des services de police et de gendarmerie - que ce n’est pas nous qui procédons aux interpellations ! Nous sommes là, comme vous le disiez, pour coordonner, pour, ensuite, amener ces affaires devant le tribunal, pour monter un dossier qui soit juridiquement solide, bien présenté, mais nous ne faisons pas les arrestations.

Lorsque, pendant des années, les services de police n’ont pas fait d’interpellations, il m’est arrivé d’aller à des conférences où l’on me demandait ce que je faisais, ce à quoi je répondais : " Je ne vais pas aller dans le maquis chercher les terroristes ; je n’y peux rien et j’attends qu’on nous les amène ! ". Nous nous efforçons, bien sûr, de donner une impulsion aux forces de police, d’où les réunions que j’organise régulièrement. Nous avons beaucoup de contacts avec tous les services de police : on peut dire que nous ne travaillons pas, dans le secteur qui est le nôtre, avec les services de police d’un côté et les magistrats de l’autre. Non ! Nous sommes tous embarqués dans la même galère, si j’ose dire, et nous sommes tous très investis, que ce soit les magistrats, les policiers ou les gendarmes. Nous avons à cœur d’essayer d’éradiquer cette plaie qu’est le terrorisme, nous faisons tout notre possible pour cela et je peux vous dire que nous n’en tirons aucun bénéfice, si ce n’est de travailler peut-être deux fois plus que les autres car nous sommes, pour ce qui nous concerne, loin des trente-cinq heures ! C’est un travail que nous faisons néanmoins volontiers et de bon cœur, même s’il est vrai que nous vivons souvent très mal les critiques dont nous sommes l’objet, mais c’est comme cela et cela ne nous empêche pas de continuer...

Voilà, je pense avoir à peu près satisfait à vos critiques...

M. le Président : Non, madame...

Mme Irène STOLLER : Je ne voulais pas dire vos critiques mais les critiques générales !

M. le Président : D’abord, elles ne s’adressaient nullement à vous, permettez-moi de le souligner, ensuite, il s’agissait d’une approche rapide et évidemment caricaturale car elle était le résultat de toutes les auditions qui se sont déroulées ici, devant cette commission, et reflétait le sentiment général partagé par les collègues ici présents, qu’ils soient de gauche ou de droite. Nous avons en effet une même préoccupation qui est d’essayer de contribuer à mettre un terme au terrorisme en Corse.

J’aimerais vous poser une question, madame : vous dites que les arrestations ne dépendent pas de vous, mais des services de police ou de gendarmerie. Comment expliquer, lorsque le parquet a la possibilité d’engager des poursuites, qu’elles ne le soient pas ? Vous savez que nous enquêtons sur deux périodes, 1993-1997 et 1997-1999, ce qui crée un certain équilibre et renvoie dos à dos ceux qui auraient sans doute tendance naturellement à s’affronter !

Vous aviez des informations sur l’affaire de Tralonca, comment se fait-il qu’il n’y ait pas eu de poursuites, sauf à imaginer, naturellement, comme on nous l’a dit, que des négociations sur le plan politique avaient conduit le ministre de l’Intérieur à demander à ses services de faire preuve de modération dans la chasse aux terroristes ce soir-là ? Que pouvez-vous nous dire de cette affaire ?

Mme Irène STOLLER : Comme tout le monde, je me souviens très bien de l’affaire de Tralonca puisque l’on peut dire qu’elle avait impressionné la France entière et que le simple citoyen avait été absolument effaré de cette démonstration de force avec des armes de guerre.

Dans un premier temps, il y a eu cette enquête de gendarmerie qui a été menée pour procéder au relevé des plaques minéralogiques des voitures dans un rayon quand même assez large puisqu’il s’agissait, je crois, d’un rayon de cinquante kilomètres autour de Tralonca.

Comme je vous l’ai dit, ce n’est pas la 14ème section du parquet de Paris, qui décide de se saisir d’une affaire ou de ne pas le faire. Nous nous sommes effectivement saisis aussitôt de cette conférence de presse, mais nous n’avons pas eu d’instructions. Or vous savez que le parquet ne travaille qu’avec des instructions ; moi je ne suis que premier substitut et, même si je dirige la section antiterroriste, j’ai un procureur qui lui-même a un procureur général qui lui-même, à l’époque du moins, recevait ses instructions du garde des sceaux. C’est ainsi que les choses se passaient...

Par conséquent, même si l’on avait estimé qu’il fallait ouvrir une information...

M. Robert PANDRAUD : Depuis, le garde des sceaux ne vous donne plus d’instructions ?

Mme Irène STOLLER : Non ! Il semble que ce soit le procureur général qui décide si nous nous saisissons d’une procédure ou non. En revanche, nous donnons des informations au garde des sceaux, par l’intermédiaire, bien sûr, du procureur général et, sur tout ce qui est arrestation, nous rédigeons des rapports pour expliquer...

M. Robert PANDRAUD : Il vaut mieux qu’il soit informé par vous que par les journalistes !

Mme Irène STOLLER : Oui, mais quelquefois les journalistes sont informés avant nous : cela arrive assez souvent !

Pour en revenir à Tralonca, nous n’avons donc pas eu d’instructions pour ouvrir l’information.

Il faut quand même préciser que nous n’avions jamais ouvert d’informations concernant les conférences de presse parce que, généralement, cela n’aboutit pas : je ne connais pas une affaire, que ce soit les conférences de presse d’Iparretarrak au pays basque ou les conférences de presse corses, qui ait abouti. Pourquoi ? Parce que vous avez des journalistes qui ne veulent pas nous donner d’informations ou qui, parfois, ne peuvent pas le faire parce qu’on les prend, on leur bande les yeux, on les met dans des camions, des gens eux-mêmes cagoulés les emmènent à une demi-heure ou à trois quarts d’heure de l’endroit où ils ont été pris, dans une pièce un peu comme celle-ci... où les attendent des membres du FLNC....

M. Robert PANDRAUD : Mais eux, ils ont le Beretta dans la poche !

Mme Irène STOLLER : Voilà exactement comment les choses se passent.

Donc, en règle générale, nous n’ouvrons jamais d’information sur ce genre de conférences de presse parce que nous savons qu’elles ne vont pas aboutir. Néanmoins, nous en avons ouvert une concernant Tralonca neuf mois après ; pourquoi ? Parce que la presse en parlait tellement et nous reprochait tellement de ne rien faire que nous avons fini par ouvrir cette information qui, je vous préviens tout de suite, ne donnera rien !

M. Jean MICHEL : Sur instruction du procureur général ?

Mme Irène STOLLER : Bien sûr ! De toute façon, tout ce que nous faisons, nous parquet, nous ne le faisons que sur instruction du procureur général. C’est normal : c’est la voie hiérarchique !

M. Robert PANDRAUD : Neuf mois plus tard, c’était du parapluie !

Mme Irène STOLLER : Je ne sais pas parce qu’il n’était pas habituel, je le répète, d’ouvrir des informations concernant les conférences de presse. Pour autant, à la demande de M. Dintilhac nous en avons ouvert deux, sur la dernière conférence d’Armata Corsa et sur celle du FLNC, qui sont tout à fait récentes puisqu’elles datent de fin juin. Pourquoi pas ?

M. le Président : Son passage devant la Commission aura été utile !

Mme Irène STOLLER : Ah bon, peut-être....

Je ne pense pas que l’ouverture d’informations soit la panacée : ce que le parquet ne peut pas faire et que la police ne peut pas faire, je ne crois pas que le juge d’instruction le fasse...

Je ne veux pas dire que mes collègues sont moins efficaces que nous mais, eux aussi, obéissent à des règles de procédure bien précises et une information n’aboutit que si on peut faire juger quelqu’un. Si on sait que l’information restera toujours contre X - et c’est ce qui se passera pour celle-là comme pour les autres - à quoi bon alourdir les cabinets d’instruction ? Ils sont déjà surchargés d’affaires pour lesquelles des personnes sont mises en examen, voire détenues, alors qu’il faut mener les procédures le plus vite possible. En effet, on ne peut pas garder les détenus trop longtemps, de moins en moins d’ailleurs, puisque nous avons maintenant une chambre d’accusation qui ne comprend pas que certaines informations très lourdes, à cause, d’une part des expertises, d’autre part des commissions rogatoires internationales, peuvent durer parfois deux ans, ce qui fait qu’au bout d’un certain temps, si l’affaire n’est pas terminée, les gens sont mis dehors. Comme on ne veut pas que des terroristes de haut niveau soient relâchés, on accélère un peu le mouvement, au détriment, je dois le dire, de certaines procédures.

J’ignore pourquoi, mais dans l’esprit des médias comme du citoyen ordinaire, si une information a été ouverte, cela signifie qu’on a fait quelque chose, dans le cas contraire, on pense que le parquet n’a rien fait. Eh bien, non, ce n’est pas ainsi que les choses se passent : le parquet travaille, le parquet suit les enquêtes mais il considère parfois que les juges d’instruction ne feront rien de mieux que lui - et les juges d’instruction sont d’ailleurs, lorsque nous les consultons sur l’opportunité d’ouvrir une instruction, les premiers à nous répondre : " qu’est-ce que vous voulez que l’on fasse de plus que vous ? ".

Tel était donc le contexte de Tralonca et voilà ce que, judiciairement, je peux vous en dire !

M. le Président : Mais, madame, du fait, qui ne dépend pas de vous, que l’élucidation des dossiers est, en Corse, très difficile, pour ne pas dire quasiment impossible, puisque les exemples positifs sont tout de même très peu nombreux, ne pensez-vous pas que lorsqu’un événement survient, si vous me permettez cette formule un peu triviale, " on laisse courir " ? On n’a l’air de se passionner, en effet, ni pour les conférences de presse, ni pour les actions ou les démonstrations qui, d’ailleurs, sont commises par des gens connus de tout le monde : je ne pense pas me tromper beaucoup, ni vous apprendre grand-chose en vous disant que François Santoni est derrière Armata Corsa ?

Mme Irène STOLLER : C’est ce que tout le monde dit !

M. le Président : On dit aussi que derrière l’autre conférence de presse, il y avait sans doute M. Talamoni et quelques-uns de ses amis.

Ce qui est un peu surprenant pour quelqu’un qui découvre cette question, c’est qu’en Corse tout le monde semble savoir, mais que rien ne se fait pour mettre un terme à ces agissements.

L’accumulation des faibles résultats s’explique peut-être par une forme de laisser-aller qui consiste à ne pas ouvrir d’instruction pour des dossiers qui sont quand même spectaculaires, si l’on considère que Tralonca était une réunion de 300 à 350 personnes avec des bazookas et des armes lourdes, et qu’elle donnait un sentiment de guerre civile... Au-delà de l’anecdote, il y a la gravité de la situation et l’image de la Corse que l’on donne à l’opinion publique et qui n’est pas forcément la bonne, car il faut aussi ramener ces mouvements à leurs justes proportions.

Mme Irène STOLLER : Je suis bien d’accord avec vous !

M. le Président : Quels remèdes préconisez-vous pour essayer de changer un peu tout cela ?

Mme Irène STOLLER : Je comprends votre étonnement quand vous dites qu’en Corse tout le monde sait.

On sait effectivement qu’Armata Corsa c’est François Santoni, que derrière les autres se trouve vraisemblablement Talamoni, mais cela ne suffit pas devant un tribunal, qui, avec toute sa rigueur, jugera cela insuffisant et c’est normal car, si tel n’était pas le cas, vous seriez les premiers à lui reprocher son manque de rigueur juridique. C’est vrai aussi bien en matière de terrorisme qu’en matière de droit commun : que ce soit devant une cour d’assises ou un tribunal correctionnel, en droit commun, aucun tribunal ne condamnera à partir d’un témoignage de concierge ou d’un ouï dire...

Si je vais devant un tribunal pour dire que François Santoni est derrière Armata Corsa, à la rigueur, le juge d’instruction le mettra en examen si j’insiste un peu, mais il me fera valoir que les preuves sont légères, il ira au non-lieu et il aura raison ! Si, par extraordinaire, on s’obstinait et qu’on allait quand même devant un tribunal correctionnel, je peux vous dire que l’on aurait la relaxe immédiate ! Nous nous trouvons confrontés à la rigueur judiciaire et à la nécessité d’une preuve juridique, le ragot ne suffit pas...

M. le Président : J’en suis tout à fait d’accord mais, madame, êtes-vous sûre d’avoir pour autant la coopération de services chargés de la sécurité en Corse ?

Je vais vous donner un autre exemple qui, moi, m’a frappé et, je dois dire, un peu scandalisé : vous arrivez en Corse, à l’aéroport de Bastia ; vous voulez louer une voiture ; il y a deux loueurs de voitures dans l’aéroport, confortablement installés au demeurant, Hertz d’un côté, Europcar de l’autre et on vous dit qu’Hertz ce sont les nationalistes de Filippi, et Europcar, la mafia...

Voilà ce que vous entendez à votre arrivée en Corse ! Des enquêtes fiscales peuvent quand même être conduites et des services peuvent procéder à des investigations sur des sociétés de ce genre... On nous dit que M. Maillot de Nouvelles Frontières a dû payer sa rançon pour s’installer en Corse en participant au financement du football club de Bastia : tout le monde le sait mais il doit y avoir des traces de ces passages d’argent qui permettent de financer un certain nombre de mouvements...

M. Robert PANDRAUD : C’est également vrai à Auxerre !

M. le Président : Est-ce que des enquêtes sont menées ? Est-ce que la coopération des différents services existe ? Je suis bien d’accord avec vous : il ne s’agit pas de renvoyer tout le monde devant les tribunaux pour qu’ils prononcent des relaxes en série, et à contre-emploi ! Mais cette coopération ne souffre-t-elle pas des rivalités entre services dont certains responsables ont fait étalage devant la commission d’enquête dans des conditions inadmissibles ?

Mme Irène STOLLER : Vous venez d’aborder là un autre problème : celui du financier !

Personnellement, j’ai toujours considéré qu’il y avait sans doute - et là je vous rejoins - un gros travail financier à accomplir. Il ne peut pas nous incomber, parce qu’il ne relève pas de notre compétence. La nôtre est bien délimitée par les textes du code pénal qui visent les infractions contre les personnes et les biens ; tout l’aspect financier nous échappe. On ne pourrait même pas se saisir de telles affaires, car un avocat invoquerait immédiatement une nullité. Il faut analyser les dispositions du code pénal pour cerner de quelles infractions caractérisées terroristes nous pouvons nous saisir.

Il a toujours, effectivement, été dommageable que cet aspect financier n’ait pas été approfondi parce que, ce que vous dites, tout le monde le dit et je pense qu’il y a de fortes chances pour que cela soit vrai ! D’ailleurs, il semble que l’on ait créé, aujourd’hui, à Bastia, un pôle financier qui travaille aussi bien avec des fonctionnaires de police spécialisés dans la criminalité ou la délinquance financière qu’avec des sections de recherche de la gendarmerie. Mais ce travail ne peut pas dépendre de nous. S’il n’a pas été réalisé pendant longtemps, c’est peut-être aussi comme vous l’expliqueraient mieux que moi les procureurs de Bastia et d’Ajaccio, parce qu’ils n’en avaient pas les moyens ! En effet, ils étaient trop peu nombreux et ils avaient affaire à une grosse délinquance...

Ce que je peux dire c’est que, dans la lutte antiterroriste, les services avec lesquels nous travaillons ont notre confiance et qu’il ne pourrait pas en aller autrement. S’ils n’avaient pas notre confiance, nous ne pourrions pas travailler ensemble ! J’ai toujours constaté, même s’il y a toujours des gens un peu moins investis que d’autres, qu’ils faisaient preuve d’un très grand sérieux !

Par ailleurs, pour ce qui est du règlement de comptes auquel vous faites allusion, je suis la première à le déplorer, mais je crois que nous le déplorons tous ! Que vous en dire de plus ? Moi, je ne veux jamais entendre de ragots, car on ne peut pas travailler normalement et sereinement si on commence à y prêter l’oreille...

M. Robert PANDRAUD : C’est tout à fait vrai !

Mme Irène STOLLER : Je suis donc toujours restée en-dehors de cela ; ça a toujours été ma politique personnelle et je crois que mes supérieurs hiérarchiques, que ce soit le procureur de la République ou le procureur général, ont toujours adopté cette position...

Il y a eu des conflits de personnes : c’est incontestable ; tout le monde le sait ! C’est regrettable ! Maintenant, est-ce que cela a eu une conséquence sur les affaires ? Je ne le crois pas ! Je crois que chacun essaie de se valoriser.

Un jour, un fonctionnaire de police qui n’était d’ailleurs pas corse, et qui avait travaillé pendant quelques années sur la lutte antiterroriste, l’avait brutalement quittée et comme je lui demandais s’il n’allait pas s’ennuyer dans son nouveau service - parce que c’est vrai que la lutte antiterroriste est quelque chose d’intéressant par rapport au droit commun dans lequel l’on est toujours confronté, hormis quelques belles affaires criminelles, à une délinquance répétitive de " petits voyous " - il m’a répondu : " Non, parce que la lutte antiterroriste, ça rend fou ! ".

Eh bien ! Effectivement, je pense que certains n’ont pas la sérénité suffisante pour ne pas en faire une lutte personnelle. Je crois pour ma part qu’il est important de ne pas en faire un enjeu personnel et de ne pas en attendre un quelconque avancement : de ce dernier point de vue, je peux vous dire que, du côté judiciaire, c’est réussi, car, mis à part M. Bruguière qui a reçu un avancement d’ailleurs tout à fait mérité au vu de son ancienneté, nous n’en avons jamais... Nous n’avons donc pas à nous battre sur ce terrain et, personnellement, d’ailleurs, cela ne m’intéresse pas, car devant prendre prochainement ma retraite, je travaille vraiment pour l’intérêt du service de l’Etat et du service public : c’est ma conception et je crois que c’est celle de mes collègues ! Alors, il est vrai que ces luttes sont déplorables !

M. Yves FROMION : Je voudrais juste faire une observation qui d’ailleurs ne s’adresse pas à Mme Stoller.

On évoque un certain nombre d’affaires. On évoque le trouble, le doute qui peut s’instiller de façon plus ou moins forte chez les fonctionnaires du fait que les gouvernements successifs semblent mener des politiques doubles, articulées à la fois autour de l’action et de la négociation, mais puisque l’on vient d’évoquer le rôle de M. Talamoni, je regrette mais - et je ne cherche pas à faire de la polémique - je me demande ce que les Corses vont penser du fait que le premier ministre ait assuré Talamoni qu’il le rencontrerait toujours dans un cadre démocratique avec d’autres. Puisque le premier ministre sait qui est Talamoni, était-il utile qu’il fasse ce type de déclarations ?

Je crois que l’on est là dans des dérives qui se poursuivent et franchement

 sans vouloir critiquer le premier ministre - qu’on ne prend pas tout à fait conscience que l’on persiste dans une voie que nous sommes tous, je crois, unanimes à condamner.

J’en viens maintenant à ma question. On constate dans les mouvements autonomistes corses une très forte dérive mafieuse : est-ce que, par conséquent, on se ne se trompe pas complètement en faisant traiter les affaires corses par une section spécialisée dans l’antiterrorisme ? Est-ce que ce n’est pas, finalement, faire beaucoup d’honneur aux terroristes et conforter l’opinion publique dans l’idée qu’ils sont des combattants d’une noble cause, alors même que nous sentons bien que la volonté de la défendre devient, chez beaucoup d’entre eux, tout à fait secondaire et qu’ils sont noyautés par le grand banditisme et la mafia ?

Ne serait-il pas préférable de remettre tout le banditisme corse, toute l’action corse qui se camoufle derrière le terrorisme ou la cause nationaliste, dans le droit commun et de la faire traiter par une section dont le grand banditisme est le pain quotidien ? Ne fait-on pas, psychologiquement, fausse route en continuant à traiter " la cause corse " comme une affaire de terrorisme ou, en tout cas, comme une cause digne, quand nous savons en fait ce qui se cache derrière ?

Mme Irène STOLLER : Je veux bien qu’on dise que le FLNC n’est pas un mouvement terroriste. Pourquoi pas ? Mais je ne sais ce qu’en penseront la majorité des Corses qui, eux, ont à subir le terrorisme du FLNC.

Pour ce qui me concerne, je pense que c’est un mouvement terroriste et qu’il l’a montré depuis longtemps. En effet, quand on assassine des gens, quand on fait régulièrement sauter des bâtiments publics avec une revendication politique, je considère, pour ma part - mais je n’engage que moi - que c’est du terrorisme !

Cela étant, vous prétendez que c’est leur faire un grand honneur, que ce sont des voyous et qu’il faudrait traiter ces affaires en droit commun et localement !

M. Yves FROMION : C’était une question, pas une affirmation...

Mme Irène STOLLER : J’entends bien mais je vous livre mon argumentation. Qu’allez-vous faire alors de tous les attentats revendiqués par le FLNC qui sont commis sur tout le reste du territoire français ? Est-ce que vous allez considérer que c’est du terrorisme ou du droit commun ? Si vous considérez, dans la même logique que c’est aussi du droit commun, vous allez avoir un éparpillement des affaires dans tous les tribunaux parce que des attentats FLNC, il s’en commet absolument partout - je vous ai cité quelques villes tout à l’heure mais il y en a beaucoup d’autres - c’est-à-dire que vous allez avoir, à chaque fois, un tribunal de droit commun qui va être saisi de faits de droit commun alors que, par exemple, on sait très bien que les attentats de Strasbourg ont été commis par une équipe très proche de celle qui a assassiné le préfet Claude Erignac !

Par conséquent, il n’y aura plus la cohésion que nous avons chez nous et je ne vois pas en quoi on fait un honneur aux nationalistes : vous savez, cela ne leur fait nullement plaisir de monter à Paris, d’abord, parce qu’ils préféreraient être détenus sur place, ce qui leur serait beaucoup plus facile ; ensuite, parce qu’il y a toujours cette pression populaire qui ferait que les tribunaux seraient beaucoup plus généreux à leur égard - on déjà vu au cours des gardes à vue au SRPJ d’Ajaccio qu’il y avait sur place 300 personnes du FLNC qui exerçaient une pression - et ils ne demandent pas mieux ! Il faut voir leurs récriminations contre la 14ème section - ils ont même publié des affiches " la 14ème section, machine de guerre " - qui leur déplaît parce qu’ils savent qu’elle est un gage d’efficacité, même si les résultats ne sont pas ceux que l’on pourrait escompter !

M. Yves FROMION : Je voudrais simplement préciser ma pensée : je ne suis pas contre, madame, le principe de la centralisation, du dépaysement et du regroupement de toutes les affaires qui présentent la même connotation, dans une section ou un organisme spécialisé. Mais ma question était la suivante : apposer le label " terrorisme " sur ces affaires n’ennoblit-il pas, en quelque sorte, le militantisme de ces gens dont on sait que, pour une bonne part d’entre eux, il n’est qu’une couverture ?

Mme Irène STOLLER : Il y a le racket mais quand on vous fait sauter le conseil général, la recette des impôts, les postes, c’est l’Etat qui est visé sans que les responsables en tirent bénéfice... C’est mon sentiment et cela correspond à ce qu’ils disent !

Effectivement, il y a le racket sur des personnes privées : lorsqu’il s’agit d’un racket revendiqué FLNC et qu’on sait que c’est lui qui se présente sous cette étiquette, on se saisit de l’affaire ; toutes les autres formes de racket qui ne sont pas revendiquées, on ne les prend pas, on les laisse à l’échelon local.

Il existe plusieurs tendances dans le FLNC : vous trouvez, d’une part, la tendance MPA-Canal habituel - MPA que l’on a appelé " Mouvement pour les affaires ", comme vous le savez, ce dont on a eu l’illustration ces jours-ci avec leurs leaders qui, maintenant, ne font plus d’attentats mais se sont reconvertis dans le grand banditisme international - et, d’autre part, le canal historique qui va faire des extorsions de fonds, du racket, mais dont beaucoup de membres sont simplement des petits soldats, bien sûr manipulés, et qui ne tirent aucun bénéfice de ces actes. Pour autant cela ne m’empêche pas de considérer que ce sont là des actes de terrorisme commis contre l’Etat !

M. Robert PANDRAUD : J’avoue être plutôt d’accord avec vous qu’avec mon collègue car ne suis pas sûr du tout que tous ceux qui participent à des crimes organisés ou à des actes de grand banditisme soient des indépendantistes nationalistes : il y a des liaisons des deux côtés et je ne crois pas que La Brise de mer ait eu des visées particulièrement indépendantistes, puisque c’était un organisme de pur banditisme ; mais je considère, à l’inverse, que les terrorismes conduisent toujours à des crimes de droit commun, ne serait-ce que pour s’alimenter ! A cet égard, n’oublions jamais qu’en Algérie, le FLN a commencé par l’attaque du bureau de poste d’Oran par M. Ben Bella, ce qui ne l’a empêché de devenir président de la République algérienne... C’est là le sort qui est réservé à beaucoup de terroristes et je ne suis pas sûr que M. Arafat n’ait pas commencé par pratiquer le racket ; il faut bien s’alimenter...

Je souscris à vos propos car, en fait, votre 14ème section a été créée pour remédier à un vide juridique à la suite de la suppression de la cour de sûreté de l’Etat qui avait donné des résultats mais dont la disparition et la loi d’amnistie ont engendré une seconde génération de nationalistes corses comme cela a été également le cas en 1988.

Je vais maintenant vous poser une question que j’ai déjà posée à beaucoup, ce dont je m’excuse auprès du Président et des membres de la commission : est-ce que vous croyez qu’un jour la procédure judiciaire pourra seule suffire à régler ce problème du terrorisme indépendantiste et ne pensez-vous pas, compte tenu de toutes les difficultés que vous rencontrez et que nous constatons les uns et les autres, dont on connaît les instigateurs qui sont au nombre de 200 ou 300, que la seule formule valable et susceptible de permettre au gouvernement d’agir et de réagir selon les opportunités, est l’internement administratif, dont je répète à l’intention du Président et des membres de la commission, qu’il n’est nullement incompatible avec un Etat de droit ?

C’est un droit particulier mais c’est un Etat de droit : je veux bien en donner toutes les garanties devant le Conseil d’Etat, mais il est vrai qu’avec les procédures judiciaires, on donne une prime formidable aux terroristes qui peuvent faire durer le plaisir et instaurer un cycle qui finit toujours par se retourner contre l’Etat.

Je ne vous demande pas votre avis. Je ne veux, bien entendu, pas savoir si vous partagez cette opinion iconoclaste.

Mme Irène STOLLER : Concernant les solutions autres que les solutions judiciaires contre le terrorisme quel qu’il soit, tous les états sont confrontés au problème : c’est la cas de l’ETA actuellement en Espagne. Il est évident que l’Espagne se dit qu’elle doit sortir de la violence extrême qui la frappe et qui est sans commune mesure avec celle du terrorisme corse. Les membres de l’ETA sont des tueurs bien organisés auprès desquels les Corses paraissent gentils... Il s’agit d’une organisation absolument militaire !

Il est vrai que l’on voit actuellement l’Espagne tenter de se sortir de ce problème par la négociation dans la mesure ou l’ETA a dit vouloir faire une trêve. Connaissant très bien ce mouvement, puisque je m’occupe des affaires de l’ETA exclusivement avec Mme Le Vert depuis onze ans, je peux vous dire que je pense que l’ETA a voulu observer une trêve parce que ses membres étaient terriblement affaiblis du fait des nombreuses arrestations opérées - parce que là, nous obtenons d’énormes succès - et qu’ils voulaient se refaire un peu : quand on voit qu’ils demandent, non seulement l’indépendance du pays basque espagnol, mais celle du pays basque français et la réunification, il est évident que personne, pas plus la France que l’Espagne, ne peut les leur accorder !

Par conséquent, face au terrorisme, on se heurte à chaque fois au problème de savoir si l’on va négocier et comment. Evidemment ce n’est nullement un problème judiciaire ! La formule que la France a choisie depuis longtemps est effectivement de lutter contre le terrorisme avec les armes judiciaires et le code pénal. Bien sûr, vu de loin, on peut dire que ce n’est pas approprié, puisque l’on suit les règles du droit commun et que nous avons très peu de marge de manœuvre, même si la loi de 1986 contient quelques mesures spécifiques, notamment la garde à vue plus longue qui existait déjà depuis longtemps en matière de stupéfiants, et les perquisitions de nuit - il se trouve qu’on ne les a pas encore utilisées - auxquelles nous pouvons avoir recours un jour si l’opportunité se présente...

Sur ce point, je ne peux que donner des appréciations personnelles en sortant un peu de mon rôle. La France a choisi de lutter par la voie judiciaire ; nous disposons donc des moyens judiciaires que nous donne le code pénal, un point c’est tout, et nous sommes obligés de nous en tenir à cela ! Si un jour, on nous donne d’autres moyens légaux, nous les utiliserons, mais, actuellement nous ne pouvons pas agir en dehors du code pénal et du code de procédure pénale...

M. le Rapporteur : Faut-il généraliser l’action conduite ces dernières années ? En réalité, le dispositif antiterroriste en Corse a été pleinement utilisé assez récemment, puisque c’est manifestement à partir de 1996, avec le dépaysement d’une vingtaine d’affaires et ensuite avec la systématisation du dessaisissement, que ce dispositif a trouvé sa pleine efficacité. Cette impression est-elle fondée ou non ?

Mme Irène STOLLER : Ainsi que je vous l’ai expliqué tout à l’heure, la lutte antiterroriste en Corse est en fait une succession de situations différentes. Lorsque je suis arrivée, il y avait de la répression, il y avait des interpellations.

M. Robert PANDRAUD : Cela marchait très bien en 1986-1988 !

Mme Irène STOLLER : Après il y a eu un creux.

M. Le Rapporteur : Excusez-moi de vous interrompre, mais c’est le sens de ma question parce que je pense qu’il ne faut peut-être pas tirer des conclusions générales d’une situation qui a effectivement connu des hauts et des bas et des vicissitudes importantes.

Pour parler clairement, et même s’il est vrai que le taux d’élucidation des affaires - y compris celles confiées à la 14ème section - est assez bas, est-ce que vous n’avez pas, aujourd’hui, compte tenu de ce qui a été fait depuis la fin de l’année 1996, un certain nombre d’affaires dont vous avez la certitude qu’elles vont aboutir ? Est-ce que nous ne sommes pas, aujourd’hui, dans une période où, au fond, un certain nombre de reproches ou de critiques qui pouvaient être adressés aux services de sécurité et à la justice d’un point de vue général, vont s’estomper ?

Mme Irène STOLLER : J’ignore s’ils vont s’estomper mais je vais vous communiquer quelques chiffres à titre d’exemple : en 1993, nous nous sommes saisis de 42 affaires ce qui était donc peu, - généralement ainsi que je vous le disais tout à l’heure nous ne nous saisissons pas de tous les attentats - en 1994, de 34, donc le chiffre avait encore baissé ce qui signifie qu’il n’y avait pas ou peu de gros attentats sur toute une année, et en 1995, nous en étions à 50. Il est vrai que, dans ces années-là, il n’y avait pas une grande volonté de répression !

En 1996, nous nous sommes saisis de 172 affaires ; en 1997, il y a eu 183 affaires : il y avait encore à cette époque entre 500 et 600 attentats par an. Dans la même période, des règlements de compte sont intervenus entre MPA et Cuncolta avec tous ces assassinats. Je pense qu’il y a sûrement eu des réactions émanant tant des policiers que des politiques pour estimer que cela suffisait et qu’il fallait frapper du poing sur la table.

M. Robert PANDRAUD : Les plus grandes sanctions envers les terroristes ayant d’ailleurs été les règlements de comptes...

Mme Irène STOLLER : C’est certain ! Il est vrai que, par voie de conséquence, nous avons eu jusqu’à l’année dernière soixante détenus et que ce chiffre a baissé, d’une part parce que la chambre d’accusation les libère à tour de bras, d’autre part parce que - sans vouloir critiquer mes collègues - elle ne semble pas très motivée...

M. le Rapporteur : Lorenzoni, Filidori cela fait effectivement beaucoup parmi ceux dont on avait, a priori, le sentiment qu’ils pouvaient être vraiment impliqués !

Mme Irène STOLLER : ... et il y en a beaucoup d’autres !

M. Christian PAUL : Comment interprétez-vous cette divergence d’approche au sein même de l’appareil judiciaire ou de l’appareil d’Etat en général, car c’est pour nous un sujet de stupéfaction ? Vous venez de dire vous-même que la chambre d’accusation n’était pas motivée ce qui constitue presque une accusation...

M. Robert PANDRAUD : Ils ne veulent pas être condamnés à Strasbourg !

Mme Irène STOLLER : Ils ne sont pas investis dans la lutte antiterroriste...

M. Christian PAUL : Oui, mais, enfin, ce sont des magistrats de la République...

Mme Irène STOLLER : ... à mon avis, ils n’ont pas une connaissance suffisante du mouvement auquel appartiennent ceux sur la mise en liberté desquels ils doivent statuer, sans compter que l’on n’arrête pas de dire que, finalement, la liberté est la règle et la détention, l’exception.

Les magistrats de la chambre d’accusation ne connaissent pas uniquement des affaires de terrorisme, puisqu’ils traitent également quantité d’affaires de droit commun : celles de terrorisme interviennent peut-être pour 5 ou 6 % de leur contentieux. Ces magistrats appliquent donc au terrorisme la règle que l’on applique en droit commun, à savoir que, dès l’instant où l’instruction est suffisamment avancée, si les gens ont des garanties de représentation - ce qui, je peux vous le dire, est toujours le cas des Corses, excepté s’ils ont pris le maquis ce qui arrive assez rarement, puisque la plupart du temps ils travaillent et ont une façade tout à fait honnête dans leur village - il n’y a aucune raison de les garder en détention. Mais c’est la loi qui est ainsi faite !

M. Jean MICHEL : Il n’y a pas de retard dans ce que l’on appelle en termes juridiques " le règlement du dossier " : si le dossier est terminé au niveau de l’instruction, rien n’empêche le parquet de régler le dossier et le juge d’instruction de le renvoyer immédiatement devant le tribunal correctionnel...

Mme Irène STOLLER : Pour ce qui concerne les règlements de dossiers, je peux vous dire que toutes les affaires corses qui sont actuellement devant le tribunal, ou, pour le moins, une bonne partie d’entre elles, ont été réglées par mes soins et que je les règle généralement avant que le juge d’instruction ne me les communique. Tous mes collègues ne le font pas et il faut savoir que je me lève tous les matins à cinq heures, que je travaille chez moi de cinq heures à sept heures ainsi que le samedi et le dimanche... Tous les magistrats ne sont pas prêts à faire ce que j’ai fait ! Nous avons un contentieux très lourd. Personnellement je me suis investie et je le fais, je vous l’ai dit, parce que cela me plaît, parce que cela m’intéresse et que je ne veux pas que les gens soient mis en liberté, mais il est vrai que je ne peux pas demander au substitut qui est sous mes ordres de travailler le samedi, le dimanche et pendant les vacances.

M. le Président : Est-ce que la réaction la chambre d’accusation n’est pas liée à une forme de défiance vis-à-vis de cette structure spécialisée ? Est-ce qu’au fond la critique que l’on vous adresse fréquemment d’être un peu un Etat dans l’Etat ou une justice à part, avec un côté spectaculaire, une mise en scène et l’utilisation des médias n’entraîne pas chez vos collègues magistrats une forme de réticence qui se traduit par des désaveux assez systématiques sur le plan procédural. Là encore, excusez-moi de le dire, mais c’est une forme de dysfonctionnement...

M. Jean MICHEL : Beaucoup de gens le disent !

Mme Irène STOLLER : C’est la nature humaine.

M. le Président : Cela peut être la nature humaine, oui...

Mme Irène STOLLER : Néanmoins, concernant les décisions de la chambre d’accusation, je ne pense pas qu’elles soient motivées par ces sentiments. Je crois savoir, pour avoir une collègue, qui, à la chambre d’accusation, soutient justement l’accusation dans les affaires de terrorisme en matière de demande de mise en liberté et qui est très libre avec la cour et discute souvent avec elle, que l’argument le plus souvent avancé est que l’on ne peut pas retenir des détenus au-delà de deux ans, que c’est le délai raisonnable...

M. Robert PANDRAUD : Il y a Strasbourg, madame !

M. Jean MICHEL : Deux ans, c’est normal !

Mme Irène STOLLER : Bien sûr, mais cela dépend des affaires... Certains font la même appréciation qu’en droit commun ; c’est le droit, c’est le code, c’est le code de procédure pénale...

Tout le monde proteste contre la détention préventive. Il est vrai que nous allons, nous, à l’inverse de la mode, si j’ose dire, qui veut que l’on ne mette pas les gens en préventive, mais nous considérons que dans ces affaires-là, si les gens ne sont pas en détention préventive, ils vont recommencer à peine sortis...

Nous la réclamons donc pour éviter le renouvellement de l’infraction et nous sommes persuadés qu’il faut le faire mais si vous examiniez les décisions de la chambre d’accusation, vous constateriez que des gens, dans des affaires criminelles graves, sont remis en liberté parce qu’ils ont des garanties de représentation...

Les magistrats, du moins la plupart d’entre eux, ont décidé de jouer la règle du code de procédure pénale que les avocats ne manquent pas de leur rappeler à chaque instant en disant : " Attention, cette détention préventive dépasse un an ; la liberté est la règle ; vous ne respectez pas le code de procédure pénale ! " Les magistrats de la chambre d’accusation en ont assez d’entendre ces reproches et à un moment donné ils craquent, puisqu’il faut savoir que les avocats font des demandes de mise en liberté toutes les semaines...

M. Jean MICHEL : Madame, vous avez dit tout l’heure que vous appliquiez la loi et vous avez ajouté que si l’on vous donnait d’autres moyens légaux vous y auriez recours : à quoi pouviez-vous faire allusion ? De quels moyens pourriez-vous disposer pour lutter plus efficacement contre le terrorisme ?

M. Yves FROMION : Les centres de rétention de M. Pandraud...

Mme Irène STOLLER : Moi, je n’en vois qu’un : ce serait de créer aussi une juridiction spécialisée.

M. le Rapporteur : On en revient à la cour de sûreté de l’Etat...

Mme Irène STOLLER : Mais non, ce n’est pas la cour de sûreté de l’Etat ! A la cour de sûreté de l’Etat, il y avait des règles de procédure qui étaient complètement exorbitantes du droit commun : il y avait quinze jours de garde à vue, ce que nous n’avons jamais demandé ! Nous estimons que quatre jours c’est très bien et nous sommes très contents ! La juridiction n’était pas composée uniquement de magistrats, mais également de militaires : moi, je n’ai rien contre les militaires mais je pense qu’ils n’ont pas leur place dans un tribunal, à chacun son métier !

Au tribunal de Paris, chaque chambre est spécialisée : vous avez une chambre qui juge les stupéfiants, une chambre qui juge la presse, une chambre qui juge les escroqueries, une autre les affaires financières, et une encore les affaires de mineurs. Il est un secteur qui n’est pas spécialisé : c’est le secteur du terrorisme. A chaque fois, je me donne beaucoup de mal dans mes réquisitions pour expliquer au tribunal ce qu’est tel ou tel mouvement terroriste dans sa globalité, sans quoi il jugera l’affaire comme du droit commun, sans la comprendre et il passera complètement à côté...

Vous savez, il y a une culture terroriste. A mon arrivée à la 14 ème section, on m’a donné tout de suite le secteur de l’ETA : j’étais très contente ; je ne le connaissais pas ; j’avais vaguement entendu parler de l’ETA, d’Iparretarak sans faire la moindre différence et je me suis plongée dans le dossier... Je peux vous dire que pendant un an, voire deux, beaucoup de choses me sont passées au-dessus de la tête - par exemple, certains écrits qui ne me disaient rien du tout auraient pu me permettre d’accrocher certaines personnes - et je ne m’en suis aperçue qu’après ! C’est cela un dossier d’information : il faut avoir mis le nez dedans pour comprendre ce que c’est !

Par conséquent, la seule chose que nous demandons c’est de ne pas avoir affaire à chaque fois à un tribunal différent, qui n’y connaît rien même s’il est souvent plein de bonne volonté au demeurant...

M. Jean MICHEL : Il y a le parquet spécialisé, l’instruction spécialisée mais pas la juridiction spécialisée...

Mme Irène STOLLER : Voilà ! Il y a la cour d’assises qui a une juridiction spécialement composée, mais qui n’est pas spécialisée...

M. le Président : Madame, si vous le permettez, je vous poserai quelques questions précises et rapides.

Etes-vous favorable au maintien de l’institution du préfet adjoint pour la sécurité auquel vous avez sans doute eu affaire ?

Mme Irène STOLLER : Je n’ai, personnellement, jamais eu aucune relation avec lui ! Ce n’est pas du domaine judiciaire et nous n’avons aucune relation ! Nos seules relations sont avec les services de police judiciaire !

M. le Président : Mais le préfet adjoint à la sécurité a théoriquement pour mission de coordonner les actions de l’ensemble des services de sécurité...

Mme Irène STOLLER : Pour ce qui nous concerne, je crois que nous n’avons pas à avoir de relations avec lui...

M. le Président : Est-ce que vous ne pensez pas que la mise en place d’un pôle financier au tribunal de Bastia nuise encore plus à l’efficacité de la mission confiée à la section antiterroriste, dans la mesure où ses membres sont sur place et vous à Paris, alors même que les liens entre le terrorisme et le banditisme ordinaire sont encore assez forts en Corse, et, en tout cas, beaucoup plus forts que dans les autres terrorismes dont vous avez à connaître ?

Mme Irène STOLLER : Il faut voir cela sous l’angle strictement judiciaire. Nous n’avons pas la même compétence. Moi, je ne suis absolument pas compétente pour les dossiers financiers. Les affaires financières n’ont rien à voir, même s’il peut exister des liens de personnes : si une personne est impliquée dans un mouvement terroriste et qu’en même temps elle fait du blanchiment d’argent au travers de sociétés en finançant le mouvement terroriste, l’affaire financière est complètement détachée de notre compétence sur le plan judiciaire. J’ai donc trouvé que c’était une bonne formule d’avoir créé un pôle financier à Bastia, parce que cela répondait à un manque qui était, selon moi, réel en Corse.

M. le Président : Avez-vous une proposition qui serait susceptible d’améliorer les relations entre les magistrats locaux et les magistrats parisiens ?

Mme Irène STOLLER : Je n’ai pas de relations avec les juges d’instruction. J’en ai avec les magistrats du parquet et je peux vous dire qu’elles sont excellentes et que nous nous téléphonons très souvent. J’entretiens d’excellentes relations avec le procureur de Bastia, qui est maintenant parti et dont je ne connais pas encore le successeur et j’ai très souvent le procureur d’Ajaccio, M. Dallest, au téléphone : nous avons vraiment d’excellentes relations.

M. le Président : Cela a toujours été le cas, madame ?

Mme Irène STOLLER : Cela a toujours été le cas !

M. le Président : Y compris lorsque M. Couturier, par exemple, incitait ses magistrats à faire preuve de circonspection dans une note écrite ?

Mme Irène STOLLER : Vous savez, vous avez eu des grincements de dents du côté de l’instruction : moi, ce qui se passe à l’instruction, je n’y peux rien ! Je n’ai aucun pouvoir sur les juges d’instruction, y compris les juges d’instruction parisiens. Je peux vous dire qu’ils sont indépendants, comme ils le disent toujours, et qu’ils y tiennent à leur indépendance...

M. le Président : Nous le savons !

M. le Rapporteur : Surtout quand ils débarquent en Corse, si j’ai bien compris : je pense au juge Thiel au lendemain de l’assassinat du préfet Erignac, et cela a été rapporté dans un livre que vous avez peut-être lu.

Mme Irène STOLLER : Je vois parfaitement à quoi vous faites allusion ! Lorsque le préfet Erignac a été assassiné, ma hiérarchie m’a demandé de me transporter sur les lieux par le premier avion, c’est-à-dire le lendemain matin. Effectivement, j’ai rencontré M. Thiel juge d’instruction, dans l’aéroport, ce qui m’a un peu surprise dans la mesure où, jusqu’à présent, les juges d’instruction ne se saisissent pas eux-mêmes ; cela m’a conduite à lui dire : " Ne me dites pas que vous avez ouvert le réquisitoire et que vous vous êtes saisi vous-même... ", ce qui était, bien sûr, une plaisanterie. Il m’a répondu sur le même ton et m’a dit que M. Erignac était de ses amis : c’est tout !

Evidemment, les journalistes ont extrapolé parce que je ne suis pas allée m’asseoir à côté de M. Thiel, mais, pour moi, M. Thiel n’est pas un ami. C’est un juge d’instruction avec qui nous travaillons. En outre, s’il y a un juge d’instruction qui se veut particulièrement indépendant, c’est bien lui ! M. Thiel ne connaît pas le parquet, excepté, évidemment, lorsqu’il est obligé d’envoyer une ordonnance de transport, auquel cas je la reçois par un appariteur, je la signe, je la renvoie, mais il ne m’avertit pas par téléphone : M. Thiel ne se croit pas obligé de rendre des comptes au parquet et, institutionnellement, il n’est pas obligé de le faire. Quoi qu’en aient dit les journalistes, M. Thiel avait le droit de se trouver dans cet avion et de se rendre en Corse dans cette circonstance... Il n’est en rien intervenu dans la procédure : il est allé au SRPJ d’Ajaccio mais cela, c’est son problème...

M. le Président : Il aurait sans doute été souhaitable que quelqu’un s’y rende plus tôt, parce que, d’après toutes les indications qui nous ont été données, l’enquête a été conduite dans un désordre complet dans les heures qui ont suivi l’assassinat. On nous a appris notamment que les douilles des balles n’avaient pas été retrouvées. Est-ce exact ?

Mme Irène STOLLER : Je vais vous donner ma version. C’est aux environs de onze heures, minuit - ma saisine doit être consignée dans le dossier vers cette heure-là - que j’ai reçu le feu vert de ma hiérarchie et que j’ai été saisie. Je suis arrivée le lendemain, en Corse, à onze heures.

M. Jean MICHEL : Vous avez donc été saisie, globalement, deux heures après les faits ?

Mme Irène STOLLER : A peu près, ce qui est un délai normal !

M. Jean MICHEL : Même rapide !

Mme Irène STOLLER : Oui, parfois on attend beaucoup plus longtemps que cela mais, là, on peut dire qu’il y a eu de bonnes réactions...

J’ai donc pris l’avion le lendemain et il est évident que lorsque je suis arrivée sur place, les lieux n’avaient pas été protégés et que tout avait été nettoyé ! Je peux vous dire que l’on ne m’a demandé aucune instruction... J’aurais pu, évidemment, piquer une grosse colère auprès du SRPJ de l’époque et dire qu’on aurait pu me demander des instructions avant d’agir. Cela n’aurait rien changé...

M. le Président : Et vous expliquez cela comment ?

M. Jean MICHEL : C’était de l’incompétence ?

Mme Irène STOLLER : Oui. Je crois qu’on a procédé comme dans le droit commun...

M. Jean MICHEL : Tout à l’heure, madame, vous avez déclaré que vous faisiez entière confiance au SRPJ et aux autres services de la police nationale et de la gendarmerie, mais deux ou trois personnes ici, notamment le juge d’instruction M. Bruguière, disaient qu’il était impossible de leur faire confiance compte tenu de la porosité de tous ces services en Corse. Il y a un problème de porosité, de sérieux, de compétence, cela fait beaucoup...

M. Robert PANDRAUD : Les constatations ont dû être faites au départ par le service territorialement compétent, c’est-à-dire par la sécurité publique .

Mme Irène STOLLER : Non, non, c’était quand même le SRPJ. Il est certain que c’est lui qui a fait nettoyer les lieux...

Concernant les services de police, vous avez fait état de porosité. Tous les directeurs de SRPJ que je connaissais très bien et qui sont passés là-bas, notamment M. Espitalier, et M. Veaux maintenant...

M. le Président : M. Dragacci, vous l’avez connu ?

Mme Irène STOLLER : M. Dragacci ne m’a jamais fait de confidences...

Tous les directeurs avec qui j’ai pu discuter en confiance - je parle des directeurs et non pas des inspecteurs parce qu’au niveau des inspecteurs, ce n’est pas la même chose - savaient très bien et m’ont dit qu’il y avait, parmi les gardiens de la paix, quantité de Corses qui ont sur place leur famille, qui ont leurs enfants et dont tout le monde sait que l’on ne peut pas être sûr à cent pour cent : c’est vrai !

J’ai vu, moi, des opérations pour lesquelles seules trois ou quatre personnes étaient dans le coup. Pour arrêter Mattei et Santoni, c’est moi qui suis allée sur place et c’est presque moi qui ai procédé à l’arrestation, et le SRPJ de Bastia n’avait pas été informé. Pourquoi ? Parce que l’on ne voulait pas que cela s’ébruite. C’est la DNAT qui s’est occupée de l’affaire ; un commissaire de police de la DNAT était descendu en Corse ; j’étais moi-même arrivée le soir, et à sept heures du matin on m’a téléphoné pour m’avertir que l’arrestation venait de se produire à l’aéroport. Je me suis rendue au SRPJ vers sept heures et quart et, hormis ce commissaire de police de la DNAT qui était en train de lire ses droits à Marie-Hélène Mattei, l’avocate du FLNC, il n’y avait strictement personne : je dois dire que c’était assez extraordinaire comme situation...

Quand le directeur de l’antenne de Bastia est arrivé, il m’a dit qu’il ne savait rien et je lui ai répondu : " Eh bien comme cela vous êtes tranquille, il n’y avait pas de risques de fuite ! ". Je ne suis pas certaine, effectivement, que si les choses s’étaient passées différemment, l’affaire ne se serait pas ébruitée. Non pas parce que le directeur ou les commissaires qui l’entourent auraient parlé, mais parce que tout se sait très vite. Dans les locaux de la PJ, il n’y a que quelques bureaux... Tout se sait, même les conversations téléphoniques sont écoutées et il faut faire attention à ce que l’on dit au téléphone. Quand il doit y avoir des interpellations, on ne parle jamais au téléphone : on fait un peu comme les clandestins, on parle à mots couverts, car c’est vrai que l’agent des postes peut écouter les conversations. Il faut tenir compte, en Corse, de tout cela, mais je pense que les services de police vous l’ont expliqué...

M. le Président : Oui ! Madame, vous nous avez dit que le juge Thiel ne connaissait pas le parquet...

Mme Irène STOLLER : C’est un grand mot. Disons que nous n’avons pas de relations privilégiées...

M. le Président : Il a une certaine conception de son indépendance...

Mme Irène STOLLER : Tout à fait !

M. le Président : On pourrait d’ailleurs dire la même chose de M. Bruguière puisqu’il nous a décrit ses relations avec M. Dintilhac, dans l’affaire Erignac notamment, comme étant assez particulières, puisque au mois de novembre des informations lui ont été données verbalement par M. Dintilhac et qu’apparemment, il ne les a pas exploitées immédiatement. Comment expliquez-vous cette difficulté relationnelle entre le procureur de la République de Paris et un juge antiterroriste et quel est votre rôle dans tout cela ?

Mme Irène STOLLER : Je suis très à l’aise pour parler de ce problème parce que j’ai appris l’existence de ce que l’on a appelé " les notes Bonnet " par la presse et que je ne les ai jamais vues. Donc M. Dintilhac, qui est mon chef hiérarchique puisqu’il est le chef du parquet de Paris, n’a pas cru devoir m’en informer, ni me les montrer. M. Bruguière ne m’en a pas informée non plus, lorsqu’il les a reçues, s’il les a reçues... Quand la presse en a parlé, je lui ai demandé de quoi il s’agissait et je ne sais plus ce qu’il m’a répondu mais en tout cas, je n’ai eu connaissance de ce document que par la voie de la presse...

Qu’est-ce que je peux vous dire sur ce point ? C’est à vous d’en tirer les conclusions...

M. le Président : Que vous n’étiez pas au courant... et donc que cela ne fonctionne pas très bien dans ce parquet de Paris, parce qu’entre le magistrat du parquet chargé de la lutte antiterroriste et son patron hiérarchique qui est le procureur de la République, l’information ne passe pas ce qui est quand même...

Mme Irène STOLLER : Vous savez, lorsque l’on a été dans le monde judiciaire, on sait très bien que la hiérarchie ne se confie pas toujours forcément à ses subalternes...

M. Robert PANDRAUD : Mais, madame, c’était un cadeau empoisonné que cette affaire-là car quel était le souci principal des nombreux interlocuteurs ? C’était de protéger l’informateur...

Mme Irène STOLLER : Peut-être. Cela pouvait être la raison...

M. le Président : Dont le nom circule à Ajaccio à toutes les terrasses de café...

M. Le Rapporteur : Mais il a été interpellé. Vous connaissez l’histoire !

M. Christian PAUL : Je voudrais vous poser une question sur un cas très précis qui, aux yeux de certains, illustre la porosité dont on a parlé, à savoir les conditions de la fuite d’Yvan Colonna. Est-ce que vous avez, vous, le moindre soupçon qu’il y ait eu transmission d’informations en direction de M. Colonna dans les jours ou les heures qui ont précédé sa fuite ? Je serais heureux d’avoir votre sentiment sur cette question puisque j’entends, ici ou là, égrener des soupçons d’ailleurs peut-être un peu facilement.

Mme Irène STOLLER : Personnellement, je ne peux pas avoir de soupçons dans la mesure où c’était une affaire traitée par les juges d’instruction. Quand les assassins de M. Erignac ont été interpellés, Mme Le Vert, qui pourrait vous parler beaucoup plus longuement que moi de ce problème puisque c’est elle qui l’a traité en grande partie, m’a dit qu’il y avait des écoutes avec des portables et qu’il fallait tenter le tout pour le tout et arrêter les suspects. On a donc arrêté cette équipe de personnes bien ciblée par les portables et les gens qu’ils fréquentaient assidûment, puis nous avons croisé les doigts en nous demandant comment les choses allaient tourner sachant que si tous refusaient de parler, nous étions fichus. Mme Le Vert m’a téléphoné, je crois deux jours après - il me semble que c’était durant le week-end de la Pentecôte - pour m’informer qu’une femme avait craqué : je crois qu’il s’agissait de la femme de Maranelli qui avait expliqué l’histoire avant que les autres ne parlent à leur tour.

M. Robert PANDRAUD : Ils étaient aussi poreux que la police !

Mme Irène STOLLER : Voilà donc ce que m’a dit Mme Le Vert concernant les arrestations et les dépositions de chacun.

Au travers du dossier - puisque je me suis naturellement fait communiquer tous les procès-verbaux comme vous vous en doutez - on ne peut pas penser qu’il y avait eu des fuites dans un premier temps, parce qu’il y avait très peu de contacts entre Yvan Colonna et toute cette équipe-là. Autant les autres étaient souvent ensemble, autant Yvan Colonna était à part !

Après, l’interpellation relevait d’une décision du juge d’instruction. Vous savez que l’on a quand même arrêté beaucoup de gens et que cela n’ayant rien donné, il a fallu les relâcher. Il est facile de dire après qu’Yvan Colonna était dans le coup, car entre le moment où l’on en acquiert la certitude et celui où l’on peut penser qu’il est dans l’entourage des coupables, il y a une grande marge : il n’était pas le seul à pouvoir être arrêté ; il y en avait une quantité d’autres...

Il m’est difficile de répondre précisément à votre question dans la mesure où cela concerne les juges d’instruction. Je trouverais préférable que vous posiez la question directement à Mme Le Vert puisque c’est elle qui, bien sûr avec M. Bruguière, a conduit ce dossier de près, le parquet n’étant avisé que ponctuellement : vous savez qu’il faut parfois pleurer pour obtenir les renseignements et que ce n’est pas toujours facile...

M. le Président : Que pensez-vous madame, - c’est sans doute une question un peu naïve - de M. Marion ?

Mme Irène STOLLER : C’est un excellent professionnel ; je dirais même que ses procédures sont parfaites et qu’il a " le nez policier ". C’est tout ce que je peux dire !

M. le Président : Je pense que nous en avons terminé et nous vous remercions, madame.

Mme Irène STOLLER : Avant de nous séparer, je voudrais tout de même apporter, si vous le permettez, une petite note d’optimisme en vous disant que nous avons déjà jugé cette année deux affaires de terrorisme corse et que nous en avons quelques-unes qui vont être jugées dans les mois à venir dont l’affaire Ruggieri, l’affaire Mattei-Santoni, l’affaire Cardela qui va être jugée ce mois-ci ainsi que d’autres qui sont encore en attente de jugement.

Vous voyez donc que nous obtenons quand même quelques résultats.

M. Jean MICHEL : Vous n’avez aucun souci de présentation à l’audience ?

Mme Irène STOLLER : De quel point de vue ?

M. Jean MICHEL : Dans la mesure où ils ont été relâchés, les prévenus seront-ils présents ?

Mme Irène STOLLER : L’autre jour, à l’occasion de la fixation, Mattei et Santoni étaient présents tous les deux ! Généralement ils aiment bien venir à l’audience parce qu’ils en retirent une certaine publicité et en font une tribune politique. C’est quand il y a des risques au moment du jugement que nous ne les voyons pas !

M. le Président : Merci, madame.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr