En présentant, le 9 février dernier, la nouvelle stratégie antidrogue américaine, le président Bill Clinton et son nouveau "Tsar" des stups, Lee Brown, ont tous deux soigneusement évité de recourir à la rhétorique guerrière dont les gouvernements Reagan et Bush s’étaient faits les chantres. Pour la première fois, depuis la création du Bureau national de la politique de contrôle des drogues (ONDCP), en 1988, moins de 60% du budget annuel antidrogue est consacré aux programmes de réduction de l’offre. Les détails du plan révèlent cependant les limites du changement possible dans le climat actuel de coupes budgétaires et des pressions contradictoires émanant du Congrès. La stratégie proposée s’appuie sur un budget record de 13,2 milliards de dollars (12,1 en 1993), dont environ 800 millions sont affectés à de nouvelles initiatives en matière de traitement, d’éducation et de prévention de la toxicomanie. Pourtant, malgré l’emphase mise par Bill Clinton sur la réduction de la demande, le budget 1994 a été à l’évidence influencé par la volonté du Congrès de durcir le ton contre le crime en général, et une bonne part du financement de la nouvelle stratégie est allouée à son versant répressif. Ainsi, sur les 448 millions de dollars attribués à la "prévention", plus de 60% est réservé au recrutement de policiers supplémentaires dans le pays. Mais surtout, les contraintes budgétaires ont fait fondre les promesses d’une augmentation des crédits pour le traitement des toxicomanes. S’il y a bien, avec 355 millions de dollars, un accroissement de 14% de ce poste, cette somme ne permettra de traiter que 140 000 toxicomanes "lourds", c’est-à-dire guère plus de 5% d’entre eux, selon les propres statistiques du Président américain. Sur le front international, l’administration Clinton déclare vouloir s’attaquer aux drogues à la source, grâce à des enquêtes de haut niveau - la "stratégie anti-barons"- et en augmentant la pression sur les pays producteurs. En écho aux remontrances du Congrès sur le coût trop élevé et le peu de rentabilité de la répression à l’extérieur des frontières, le nouveau budget a raboté de 7% les fonds correspondants, les ramenant à 94 millions de dollars. Finalement, mis à part un repli confirmé des zones de transit, la stratégie à l’horizon 1995 offre peu d’alternatives aux vieux modèles de contrôle de l’offre. Comme l’a dit Lee Brown, qui rappelait l’insistance mise par le nouveau plan sur un contrôle accru dans les "pays sources" : "c’est plus facile chez nous aux frontières si nous pouvons assécher [la drogue] là-bas". Un discours qui sonne comme un air connu... (correspondant de l’OGD à Washingtton)

(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 29